PMA, GPA : les femmes sont-elles libres ?

1 octobre 2018

14_Marianne Durano

Débat. Les nouvelles techniques de procréation médicale assistée sont souvent perçues comme une libération pour les femmes qui peuvent choisir d’avoir des enfants plus tard, de donner leurs ovocytes ou de porter l’enfant d’une autre par altruisme… Les femmes sont-elles vraiment les gagnantes de ce système ?

Le débat entre Lili Sans-Gêne et Mariane Durano.

C’est magnifique, le don d’ovocyte, ça permet à des femmes de porter leur propre enfant alors qu’elles sont stériles !

Il faut rappeler en quoi consiste exactement le don d’ovocyte. La femme naît avec un nombre d’ovules limité, contrairement aux spermatozoïdes chez l’homme. Pour procéder à un don d’ovocyte, la donneuse subit pendant douze jours des injections sous-cutanées pour stimuler sa production ovarienne, afin de subir un prélèvement sous anesthésie. Nous avons encore peu de recul sur les effets secondaires de ces stimulations hormonales. Même l’agence Fivfrance reconnaît des risques de phlébites, d’embolies pulmonaires, voire de cancer. Donner ses ovocytes, en termes de risques, n’a donc rien à voir avec un don de sperme.

Pour moi, la GPA c’est une pratique altruiste : des femmes acceptent de porter un enfant pour un couple qui ne peut pas en avoir…

Il serait trop facile de répondre à cet argument en décrivant les usines à bébé indiennes, où des femmes en grande précarité s’entassent pendant neuf mois sur des grabats. Trop facile également de citer le prix d’une GPA aux États-Unis (100 000 euros pour les commanditaires, 25 000 pour la mère porteuse) et de dénoncer l’énorme marché qui s’organise autour de la location des ventres. Considérons le cas des GPA dites « altruistes ». Il faut savoir qu’une GPA est considérée comme altruiste lorsque la mère porteuse n’est pas rémunérée, mais seulement « dédommagée », avec un maximum de 22 000 euros, sans qu’il soit précisé combien les cliniques et les cabinets d’avocats ont le droit d’empocher au passage. Donc quand une mère porteuse est sous-payée, c’est forcément qu’elle est altruiste. Passons. Quid de celles qui le font vraiment de manière désintéressée ? Nous savons tous que l’être humain est un sujet complexe, dont les motivations ne se résument pas au sordide calcul d’intérêt auquel prétend le réduire le libéralisme. Il y a plein de raisons qui peuvent pousser une femme à porter l’enfant d’une autre : quête de reconnaissance, plaisir de la grossesse, besoin d’affection, traumatismes variés. Mais dans cette affaire, on ne pose jamais la question du consentement de l’enfant, de sa souffrance à lui, de son incompréhension…

Dans la GPA, de toute façon, l’enfant que porte la femme n’est pas le sien. C’est neutre pour elle !

On n’arrête pas de nous répéter que la maternité n’est pas seulement une question génétique, mais avant tout une histoire d’amour et de relation. Quelle relation plus étroite que celle du fœtus avec celle qui le porte, dont il respire la respiration, écoute la voix, sent l’odeur, goûte le goût, avant de connaître quoi que ce soit d’autre au monde ? La grossesse est l’histoire d’une co-naissance, la femme sentant exister peu à peu en elle un être qu’elle apprend à connaître, qui possède déjà ses habitudes, ses préférences, son caractère. C’est un attachement progressif, qui culmine dans cette rencontre déchirante qu’est l’accouchement. Pour que cet attachement n’ait pas lieu, il faut que la femme se coupe complètement de son corps, de ses sensations, de son enfant. La métaphore de l’incubateur revient régulièrement dans la bouche des mères porteuses. « Je ne suis qu’un four qui tient au chaud les petits pains », proclame ainsi Ophélie dans un documentaire pourtant largement favorable à la GPA. Comment accepter une telle déshumanisation de la femme et de l’enfant qu’elle porte ? Quelles conséquences pour l’enfant, si sa mère, la totalité de son monde, refuse de lui accorder de l’affection, de l’attention ? Nous avons accompli des progrès considérables dans la connaissance de la psychologie de l’enfant in utero, nous savons que le fœtus est capable de sensations dès sept semaines de grossesse, qu’il ressent les émotions de sa mère, qu’il reconnaît le son de sa voix et même sa langue maternelle. Quel scandale que ces découvertes scientifiques soient systématiquement ignorées dans la sphère politique !

Que les femmes puissent donner leurs ovocytes ou être mères porteuses montre jusqu’où elles sont devenues libres de faire ce qu’elles veulent de leur corps. Autrefois où elles étaient soumises à la domination masculine, elles n’auraient jamais pu décider cela par elles-mêmes.

Avoir le droit de louer son ventre : quel progrès ! La femme n’est jamais autant réduite à sa fonction procréative que lorsqu’elle est mère porteuse. Ceci dit, c’est parce qu’on a fait de notre corps un objet que l’on possède, qu’il devient maintenant un bien que l’on peut vendre ou louer. Or, il faut savoir que le mot d’ordre « mon corps m’appartient » est une mauvaise traduction du slogan américain « our bodies, ourselves » : « notre corps, nous-mêmes ». Ce que je fais à mon corps, c’est à moi que je le fais. Louer des ventres, c’est encourager le commerce d’êtres humains. Ni plus, ni moins.

C’est le progrès, toutes ces techniques de PMA qui se développent depuis quelques années pour aider les couples qui souffrent de ne pas avoir d’enfant.

Étymologiquement, le progrès, c’est l’avancée. Mais l’avancée vers quoi ? Vers un monde où l’enfant est de moins en moins un don, et de plus en plus un produit, dont on réclame la jouissance. Si on continue dans cette voie, il faudra affronter plusieurs questions : tout le monde a-t-il le « droit » de bénéficier de la PMA, sans limite d’âge, sans référence à un couple ? Ou trouver le « matériau génétique », comme on dit, c’est-à-dire les gamètes nécessaires ? Le don ne suffisant déjà plus, sommes-nous prêts à assumer un libre-échange des semences ? Si oui, comme dans tout marché, il y aura forcément des embryons haut de gamme et des fins de série, du sperme de luxe et des ovules remisés : peut-on accepter que la vie ait un prix ? Tous les embryons pourront-ils trouver leur « projet parental » ? Même les handicapés, les moches, les diabétiques ? Il y a peu d’espoir, quand on sait que Cryos, le leader mondial du secteur, refuse désormais le sperme de roux, sous prétexte que la demande ne suit pas l’offre… Alors, le progrès, oui, mais dans quel sens ?

Oui, mais ce qui est beau avec la PMA, c’est que tous ces enfants à naître sont le fruit d’un projet parental réfléchi. Ils ne sont pas le fruit du hasard, ils sont vraiment désirés.

L’enfant est-il le projet de ses parents ? Je trouve cette idée terrible : quelle pression sur ses épaules, pour satisfaire les plans de papa et maman ! J’aurai un enfant à 32 ans, une fille blonde, qui sera vétérinaire. Et voilà que l’enfant vient trop tôt, ou trop tard, c’est un garçon brun et enveloppé, qui rêve d’être garde forestier… Ce qu’il y a de beau dans le fait de donner la vie, c’est précisément qu’on accueille un inconnu, dont on ne sait rien, sinon qu’on l’aimera inconditionnellement, et de toutes nos forces. Voilà cette grâce de la naissance que la notion même de « projet parental » met en péril !

Un jour sans doute les enfants naîtront dans des utérus artificiels. Cela créera une vraie égalité entre l’homme et la femme, et donnera une liberté totale aux femmes qui ne seront plus obligées de porter les enfants.

Voilà une position des plus cohérentes, à condition d’admettre que la grossesse est une aliénation, et qu’on mesure la liberté d’une femme au nombre de ses heures sup’ ! En attendant qu’on les remplace par des machines, je préfère dire aux femmes que leur corps est un miracle, qu’elles ont un pouvoir exceptionnel, dont les hommes n’ont même pas idée. C’est un comble qu’on prétende libérer les femmes en les privant du seul privilège auquel les hommes n’ont pas accès, et qu’ils leur ont toujours envié ! Socrate lui-même comparait la philosophie à l’art d’accoucher… Alors, Mesdames, il est temps de montrer qu’on peut avoir une tête bien pleine dans un corps bien plein.

Mariane Durano
Normalienne et agrégée de philosophie, Marianne Durano est professeur en lycée public à Dreux. Elle est co-fondatrice de la revue Limite et co-auteur d’un essai Nos limites : pour une écologie intégrale. Elle a publié cette année le livre Mon corps ne vous appartient pas : Contre la dictature de la médecine sur les femmes, chez Albin Michel.

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