Patrick Chesnais : Les bras ouverts

14 novembre 2015

Rencontre. Neuf années ont passé depuis la mort de son fils. Depuis lors, le comédien a cheminé vaille que vaille, continuant à faire vivre Ferdinand. Dans un livre, et par l’association qu’il a fondée. À la porte de la foi, on découvre un chercheur de sens pour qui le deuil se mêle à l’espérance. 

Propos recueillis par Emmanuel Querry.

C’était la nuit du 13 octobre 2006. Une soirée arrosée où Ferdinand, âgé de 20 ans, qui débute alors sa carrière de comédien, monte dans une voiture conduite par un de ses compagnons de théâtre. Les effets de l’alcool entraînent le conducteur à prendre la bretelle du périphérique à contresens. L’accident survient, la mort emporte Ferdinand, Patrick Chesnais devient orphelin de son fils. Une longue épreuve commence où l’incompréhension, la colère, le sentiment d’injustice et le désespoir s’entremêlent. Neuf ans après, il nous livre un témoignage émouvant et lumineux.

Vous avez vécu un séisme avec le décès de Ferdinand. Au cours de ces neuf ans, est-ce que le deuil a évolué ?

Oui cela a évolué. C’est difficile à analyser en profondeur, mais mon association pour la sécurité routière me permet de rester dans une dynamique, de m’étourdir dans l’action, avec lui et avec tous ces gens autour de moi qui œuvrent pour tenter de sauver des vies. Je me sens emporté dans une sphère où Ferdinand est là en permanence.

Votre livre était intitulé Il est où Ferdinand? Cette question reste-t-elle présente aujourd’hui ?

Je n’en sais rien. J’ai du mal à croire qu’il y ait une vie après la mort, mais parfois je me dis pourquoi pas ? Il vit encore autrement et sa présence me protège d’une certaine manière. Depuis la mort de mon fils, je me dis qu’il y a peut-être des choses qui nous échappent et qui sont de l’ordre de l’extraordinaire ou de la foi, mais pour moi c’est du boulot ! Je fais des efforts pourtant, j’ai les bras ouvert pour me laisser gagner, mais pour l’instant ça ne marche pas. Ça viendra peut-être un jour…

Actuellement vous êtes donc plutôt dans une interrogation que croyant ?

J’ai été baptisé, confirmé et quelque chose s’est perdu en cours de route. Je n’étais plus croyant. Alors la disparition de mon fils m’a fait lever les yeux vers un créateur possible, lui disant : « Mais pourquoi ? ». Comme Victor Hugo qui demande des comptes à Dieu après la mort de sa fille : « Je conviens qu’il est bon, je conviens qu’il est juste que mon cœur ait saigné, puisque Dieu l’a voulu… ».

« “Ce que tu gardes est perdu à jamais, et ce que tu donnes est à toi pour toujours”, disait mon fils, Ferdinand. C’était sa phrase culte et son gouvernail. »

Il vous rejoint, ce poème ?

J’y suis très sensible, et cela bien avant la disparition de mon fils. Quand j’avais quinze ans, j’ai découvert ce poème, qui m’a vraiment touché. Il s’adresse à Dieu et à la fin il dit : « Seigneur, je conviens que cela a un sens si vous l’avez voulu, mais avouez que c’est dur ! »

L’enterrement de votre fils a eu lieu à l’église Saint-Roch à Paris. Pourquoi ?

C’est dû probablement à mon éducation catholique. Et l’église Saint-Roch est l’église des artistes. Je considérais que mon fils était un jeune artiste. Je trouvais que le dernier hommage à lui rendre, c’était de l’accompagner dans cette église. Si je ne l’avais pas fait, j’aurais renié beaucoup de choses. Cela ne me plaisait pas de renier la culture d’où je viens, la croyance de mes aïeux, et mon fils avait un côté un peu mystique.

Oui, vous dites d’ailleurs dans le livre que votre fils était très attiré par les églises.

Il aimait beaucoup les églises, il rentrait dedans, dans les chapelles. Je me rappelle un jour, on rentre dans une église et il revient vers moi me disant « Papa ! Papa ! Regarde là-bas il y a un mec qui est mort sur la croix ! ». Alors je lui ai expliqué qui était Jésus. Il était très attiré par les églises. Il y entrait, il regardait, il faisait le tour, il s’asseyait et mettait des cierges. Je ne sais pas s’il priait.

Après sa mort vous vous y êtes rendu également, est-ce que vous avez prié ?

(Silence.)Non, je ne crois pas que je priais. J’essaie de me souvenir… Peut-être qu’il m’est arrivé une ou deux fois dans une église, dans un endroit qui s’y prêtait d’essayer de parler à Dieu ou au Christ. J’ai dû une ou deux fois leur parler. Je ne me rappelle pas ce que je leur ai dit exactement. De faire attention à lui peut-être, de veiller sur mon fils.

Donnez-vous des conseils aux personnes qui ont perdu un enfant ?

Quand je suis en tournée, des personnes viennent, un peu ébranlées, la larme à l’œil. Je sais qu’ils ne viennent pas me parler du spectacle. Je les prends à part. C’est très difficile de trouver une parole qui les soulage. Alors je leur dis qu’on forme tous une espèce de communauté de personnes ayant perdu un enfant. Il y a une sorte de solidarité humaine. C’est des mots un peu maladroits mais je crois que ça leur fait du bien et le fait qu’on prenne cinq minutes pour parler, ça les soulage.

Si vous aviez un vœu, une prière pour vous et les personnes que vous aidez par votre association ?

Il y a un mot de Sacha Guitry lorsqu’il est allé libérer Tristan Bernard qui était enfermé pendant l’occupation : « Nous avons vécu dans l’angoisse et nous allons vivre dans l’espérance. » Ça, c’est beau ! L’espérance est un mot chrétien et c’est un beau mot.

Y a-t-il un saint, une figure de l’Église dont vous vous sentez proche ?

Je pense à Saint Martin qui a donné la moitié de son manteau à un pauvre, parce que mon fils avait une phrase qui lui servait de boussole. Il disait : « Ce que tu gardes est perdu à jamais, et ce que tu donnes est à toi pour toujours. » C’était sa phrase culte et son gouvernail. C’est beau ça ! Il était très inspiré.

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