MEHDI DJAADI : « IL FAUT RETROUVER LE SENS DE LA FRATERNITÉ »

4 octobre 2022

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GUIDÉ PAR DIEU

 

C’est sur le chemin d’un long pèlerinage vers Assise avec son épouse que Mehdi Djaadi s’est autorisé quelques minutes de reconnexion pour nous parler de sa vie, de sa conversion de l’islam au catholicisme, de ses projets et de son actualité. À l’affiche du thriller Boîte noire de Yann Gozlan aux côtés de Pierre Niney et André Dussolier (disponible sur Canal+), de la série L’Opéra diffusée sur OCS et bientôt de Lumière noire de Karim Bensalah, Mehdi Djaadi remonte sur les planches pour prolonger son spectacle Coming-out, joué à guichet fermé depuis deux ans.

PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE MEYER

 

Qui est Mehdi Djaadi, d’où vient-il ?

Je fais partie de cette France née avant Internet et je suis un fils d’ouvrier d’origine algérienne. Mes parents font partie de cette vague d’immigration, arrivée un peu partout en France et notamment à Saint-Étienne où je suis né. Je suis fier d’avoir le cœur « vert », même si les temps sont durs dans le « Chaudron ». (Rires.) J’ai grandi dans une famille qui a fait ce qu’elle pouvait pour préserver ses racines, sa culture, ses valeurs, nous transmettre la religion de nos pères, l’islam, et tout donner pour offrir à ses enfants un avenir  meilleur,  dans  un  pays  dont  elle  a  dû  apprendre les codes. Mes parents se sont sacrifiés pour nous et m’ont transmis ce goût de l’effort. Ma mère nous a transmis l’amour de la littérature. J’avais beau faire les 400 coups, on pouvait me trouver tous les mercredis à la bibliothèque  ! Mes trois frères et sœurs ont fait de grandes études : Sciences  Po,  classes  préparatoires  au  lycée  Henri IV… J’ai cherché ma place, sans vraiment la trouver. J’ai fait l’école buissonnière, épris d’un grand désir de liberté. Je ne sais pas ce qu’est l’ascenseur social mais l’escalier social, si !

Vous aviez la foi ?

J’ai eu un passif de délinquant et pourtant la foi n’était jamais loin. J’ai pratiqué jusqu’à 14, 15 ans avant de tout envoyer balader. Mais je suis resté un chercheur de Dieu. À l’école, cela n’allait pas très bien, mais la matière dans laquelle je me sentais très à l’aise, c’était l’être humain, la rencontre de l’autre. Il y avait sans doute en moi dès le départ ce petit quelque chose de la foi chrétienne qui pousse à la rencontre. Un jour, par esprit de provocation, je suis allé frapper à la porte d’un temple évangélique et tout a commencé. Le Jésus que j’ai découvert dans les évangiles m’a profondément bouleversé. J’ai eu l’impression qu’il s’adressait à moi personnellement.

Vous avez découvert quelque chose que la foi musulmane ne vous avait pas apporté ?

Oui : sortir du rite. J’avais un grand sens du rite, mais je n’avais pas fait la rencontre de Dieu. Le fait de me sentir aimé par Dieu m’a profondément bouleversé. Ce sentiment d’une filiation avec Dieu m’a attiré à lui.

Votre adhésion à la foi catholique est-elle le fruit d’une rencontre ou d’un mûrissement personnel, d’un approfondissement intellectuel ?

Les deux. Par l’intellect d’abord, dans la grande tradition protestante de la lecture de la Bible et de l’étude des Écritures, puis par la rencontre, lorsque j’ai accompagné un ami dans une abbaye pour prendre un peu de recul. Je ne m’attendais pas à faire une rencontre aussi profonde avec Jésus. En me retrouvant devant le Saint Sacrement [le pain et le vin consacrés qui sont Jésus rendu vraiment présent], c’était comme si, après avoir correspondu par écrit, on se rencontrait enfin face à face lui et moi. Un date [un rencard]. (Rires.)

Votre vocation pour la scène est-elle née de cette envie de transmettre un message ou d’étudier la nature humaine ?

La scène m’a choisi. L’être humain me passionne dans toutes ses dimensions, dans tout ce qu’il vit : ses passions, sa façon de tomber amoureux… J’ai aiguisé mon sens de l’observation, je me suis entraîné à imiter jusqu’à la  perfection  les  gens  de  mon  entourage,  leur  accent… Ayant grandi dans les années 1990 et issu d’un quartier populaire, j’ai appris par cœur les spectacles de Gad Elmaleh, Jamel Debbouze… et de Raymond Devos ! Je me suis laissé guider par la littérature et mon amour du cinéma. J’aime autant Scorsese et Les Affranchis que Beignets de tomates vertes, La Guerre des boutons, Jean de Florette  ou  Manon  des  sources.  Pendant  ma  période délinquante, j’ai usurpé des identités pour ouvrir des comptes en banque, je jouais déjà la comédie. Quand j’ai poussé la porte d’un conservatoire, je me suis senti à ma place.

Vous vous lancez à présent dans la mise en scène avec l’adaptation d’un livre de Jean Mercier, Monsieur le curé fait sa crise.

J’ai toujours veillé à ne pas m’enfermer dans une case. Après Coming Out, lorsque l’on m’a proposé de mettre en scène la pièce, j’ai longtemps hésité et observé un temps de discernement. C’est Grégory Turpin qui a eu l’intuition de cette adaptation. Finalement la coproduire et la mettre en scène sont un cadeau du bon Dieu. J’ai pu mettre à contribution mes dix années d’observation de l’Église catholique, mes rencontres avec tant de chrétiens différents. Cette pièce est un outil pédagogique,  qui  questionne  notre  rapport  au  prêtre, notre rapport aux autres fidèles.

« Entre le confort et le courage, il faut choisir »

« Au gré des épreuves de la vie, ma pratique religieuse s’affine. Je ne peux plus me passer de la confession et de l’eucharistie, cela fait partie de mon ADN »

Vous pensez que les croyants ont un problème ?

Nous devons en tout cas retrouver le sens du rire dans  une  église,  tout  en  préservant  le  sacré.  Retrouver ce sens du rire et du repas pris en commun pourrait nous donner un nouveau souffle.

Quelle est votre « routine » spirituelle ?

J’essaye de prier  l’angélus  ou  les  complies,  de  prier  Marie  lorsque j’ai besoin qu’elle me console, mais je dirais que ma pratique est plus libre qu’auparavant et plus aléatoire, en fonction des événements de mon existence. Au gré des épreuves de la vie, ma pratique religieuse s’affine. Je ne peux plus me passer de la confession et de l’eucharistie, cela fait partie de mon ADN. J’ai besoin de sanctuariser des moments de silence, de m’entretenir cœur à cœur avec le Bon Dieu dans l’adoration, aussi [la contemplation de Jésus présent dans l’hostie]. Au quotidien, je me demande souvent ce que Jésus ferait à ma place. J’essaye de rester alerte, de me demander comment garder une vie de prière active, jamais en sommeil. De rester attentif à l’autre.

Quelle  est  votre  vision  de  la  mission  quotidienne de chaque chrétien ?

Le premier terrain de mission, il est entre nous. Avant de vouloir porter la lumière au monde, il faut que l’on brille entre nous. J’ai été trop souvent peiné du manque de lumière de mes frères chrétiens : à la sortie de la messe par exemple, où trop de personnes restent seules sur le parvis, les personnes âgées, les célibataires… Il faut retrouver le sens de la fraternité. Ensuite nous irons à la rencontre de l’autre, sans oublier de se demander ce que l’autre peut m’apprendre de lui-même et m’apporter. J’aurais aimé que les chrétiens  qui  sont  venus  voir  mon  spectacle  amènent avec eux des amis musulmans, athées ou autre. Il faut sortir de l’entre-soi. Si l’Église fait fuir, c’est à cause de ce décalage entre la vitrine et l’arrière-boutique…

Quelles  sont  votre  vision  du  monde,  vos  craintes, vos joies ?

Je crains le repli sur soi, le mauvais communautarisme et le fatalisme, écologiste ou autre. Si l’on prenait au sérieux Laudato si’ ou Fratelli tutti [deux lettres du pape François sur l’écologie et la fraternité], il y aurait de grands signes d’espérance. Entre le confort et le courage, il faudra choisir dit le pape François. Je vois une jeunesse pleine d’espérance, fraternelle et prête à s’emparer de ces questions. Je me raccroche à cela. Je  pense  aussi  que  la  France  peut  devenir  un  modèle  pour  le  monde.  L’État  est  laïc  mais  la  société ne l’est pas. Le cœur battant de la France est profondément spirituel. Il y a un retour du spirituel  authentique,  on  ne  peut  plus  faire  comme si cela n’existait pas. Notre mission est simple : nous avons un destin commun, alors nous devons préserver notre maison commune et promouvoir la paix.

 

SON SPECTACLE

Coming-out

De Mehdi Djaadi et Thibaut Evrard. Mise en scène : Thibaut Evrard.

Fort de son succès, Mehdi Djaadi prolonge son coming-out spirituel sous forme de seul-en-scène et continue de donner la parole à une quinzaine de personnages hauts en couleur, rencontrés au long de son chemin de conversion. Au théâtre Tristan Bernard du 19 octobre au 22 décembre 2022. Durée : 1h15. Infos et réservations sur : www.theatretristanbernard.fr

 

 

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