Les prêtres de demain seront-ils mariés ?

13 juin 2012

monique bertrand

Débat. Le célibat des prêtres est un sujet de débat à l’intérieur et en dehors de l’Église. Pourquoi refuse-t-elle de revenir sur cette discipline qui semble dépassée : est-ce par rigidité ? Quel sens le célibat peut-il encore avoir aujourd’hui ?

Débat entre Lili Sans_Gêne et Monique Bertrand

1  Le célibat des prêtres est une discipline récente de l’Église. Avant le XIVe siècle, les prêtres pouvaient se marier et avoir des enfants. L’Église a brusquement décidé à cette époque d’imposer le célibat aux
prêtres. Depuis, ils ne sont plus libres de choisir.

Attention, prudence dans vos affirmations ! Depuis le début du IVe siècle, conciles, papes et Pères de l’Église attestent que, en Orient comme en Occident, les prêtres ne pouvaient pas se marier. Et, s’ils étaient mariés, ils devaient s’abstenir de relations conjugales avec leur épouse, pour « monter à l’autel offrir
le sacrifice », comme les prêtres de l’Ancienne Alliance. Pourquoi cela ? Pour des questions de pureté cultuelle qui, disons-le de suite, sont liées au rapport au sacré et non à une dépréciation de la sexualité. On ordonnait des viri probati, des hommes d’âge mûr, qui pouvaient très bien avoir eu des enfants avant leur ordination.
Par ailleurs, vous dites que les prêtres ne sont plus libres de choisir. Mais personne ne les oblige à être prêtres ! Il n’y a pas non plus de droit au sacerdoce. Et ceux qui s’engagent le jour de leur ordination ne le font-ils pas librement, comme d’ailleurs ceux qui s’engagent dans les liens du mariage ? Les prêtres de demain seront-ils mariés ?

2 Le sujet est tabou pour les autorités ecclésiastiques, on ne peut pas l’aborder, alors que, même au sein du clergé, beaucoup de prêtres aimeraient que le sujet soit mis sur la table.

Il existe une contestation réelle, c’est vrai, même au sein du clergé. Le pape est-il sourd au cri de tous ceux qui réclament un changement ? Non. Mais il réaffirme toujours et encore le bien-fondé de l’exigence du célibat. D’où une impression de sujet qu’on ne peut aborder et de blocage institutionnel.

3 Justement, l’Église s’accroche à cette exigence de célibat mais au fond, elle sait qu’elle n’a pas vraiment de raison d’être.

 Détrompez-vous. On dit que le célibat a « de multiples convenances » avec le sacerdoce. Il permet un don total à la suite du Christ. Il est signe d’une réalité invisible, et il atteste que Dieu peut combler le coeur de l’homme. Par le sacrement de l’ordre, le prêtre est configuré au Christ venu « épouser » l’humanité. Il actualise la présence de l’Époux messianique. Il est dans une relation sponsale avec la communauté qui lui est confiée. Cette approche nuptiale existait déjà au début du christianisme. L’évêque devait être libéré des liens du mariage pour se consacrer entièrement à sa mission. À sa mort, on disait que l’Église était
« veuve » !

4 Je ne vois pas pourquoi un prêtre a besoin d’être célibataire pour célébrer la messe. D’ailleurs les pasteurs sont mariés.

Un prêtre n’a certes pas besoin d’être célibataire pour célébrer la messe. Mais attention, la comparaison avec les pasteurs n’est pas pertinente. Un pasteur n’est pas un prêtre. C’est un ministre du culte qui a en charge une communauté. Il n’est pas ordonné, mais reconnu apte à exercer une fonction, et ceci pour un temps déterminé. Rien de tel pour le prêtre catholique qui est ordonné pour la vie et reçoit un sacrement qui marque son être profond.

5 Mais, les prêtres orthodoxes, eux, sont bien ordonnés. Pourtant ils sont mariés. Il y a aussi des prêtres mariés dans l’Église catholique : les anciens pasteurs devenus catholiques et les prêtres des Églises orientales. Si ça marche pour eux, pourquoi pas pour les autres ?

Les anciens pasteurs reçoivent le sacrement de l’Ordre, et ont une dispense de célibat. Pour les prêtres orthodoxes, c’est différent : chez eux, le sacerdoce est un service ecclésial qui s’inscrit dans la vocation au mariage ou à la vie religieuse. Celui qui reçoit le sacrement de l’Ordre peut être marié, mais il ne peut pas se marier. Les évêques, eux, sont toujours célibataires. Vous faites remarquer à juste titre qu’il y a des prêtres mariés dans les Églises orientales catholiques. Elles ont la même législation que l’Église orthodoxe, mais sont rattachées à Rome. Est-il souhaitable d’étendre cette possibilité à l’Église dite « latine » ? C’est en approfondissant encore la théologie du sacerdoce qu’on pourra répondre à cette question et poser des choix théologiques qui tiennent compte de la réalité sur le terrain.

6 L’Église se plaint de ne plus avoir de prêtres mais elle ne leur permet pas de se marier. Cela résoudrait cette crise et remplirait les séminaires.

Le croyez-vous vraiment ? Les autres traditions religieuses, où il n’y a pas l’exigence du célibat, sont confrontées aux mêmes difficultés. En France, baptêmes et mariages religieux ont baissé de la même manière. Seulement 4,5 % des Français fréquentent l’église chaque dimanche et 85 % des jeunes n’ont pas de pratique religieuse. Y a-t-il pénurie de prêtres ou pénurie de croyants ? Crise des vocations, ou crise de la foi ? Savez-vous qu’au niveau mondial, le nombre des prêtres augmente ? Celui des séminaristes a presque doublé en trente ans. Il y a des pays où le pouvoir politique empêche les jeunes d’entrer au séminaire en imposant des quotas. Un prêtre d’un pays d’Asie me disait avoir attendu neuf ans pour pouvoir entrer au séminaire !

7 Cela mettrait au moins fin aux horribles scandales de pédophilie…

Soyons sérieux ! On sait que la grande majorité des crimes pédophiles (entre 85 % et 96 % suivant les sources) sont commis dans les familles ou dans l’entourage proche des victimes, et par des hommes mariés. Et d’après les recherches scientifiques, il n’existe pas de lien de causalité entre le célibat et la pédophilie. Il
n’en reste pas moins vrai que la pédophilie est encore plus intolérable chez un prêtre qui devrait être un repère, un témoin de ce qu’il enseigne, un garant de moralité presque, et celui qui fait découvrir à l’enfant l’amour de Dieu.

8 C’est impossible de passer une vie entière sans relations sexuelles. Comment un homme sain de corps et d’esprit peut-il en être privé toute sa vie ?

Nous sommes dans une société qui ne conçoit pas la possibilité pour l’homme et la femme de vivre sans relations sexuelles. Dans un monde sans référence à Dieu, le célibat du prêtre est perçu comme une amputation. Vous parlez de « privation ». Je laisse le Père Daniel Ange vous répondre : « Je veux ici attester de la beauté, de la douceur, bref du bonheur de vivre de cette option privilégiée pour le Christ comme unique Amour du prêtre. Plus que jamais, elle me paraît actuelle, décisive et prophétique. Vrai charisme ecclésial auquel une multitude de prêtres restent humblement et magnifiquement fidèles. J’essaie ici d’être leur porte-parole. Dans une société obsédée de sexe et de fric, le célibat consacré est affranchissement des contraintes pulsionnelles, libérant de fantastiques énergies pour un amour de gratuité : un amour sans limites. » Laissons-nous interpeller par son témoignage. Le célibat du prêtre est d’abord une histoire d’amour.

Monique Bertrand

Titulaire d’un master en théologie, elle est toujours émerveillée par la beauté de la nature, pratique l’art floral, aime les randonnées en montagne et les ballades au bord de l’Océan.

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