Le groupe a publié Roi en juin dernier. Après Guerriers Pacifiques en 2014, Tatoué en 2016 et Soleil Noir en 2021, le groupe signe un album très abouti mêlant le reggae le plus pur aux airs de balade folk, de rock, de groove et de jazz. Rencontre avec ce crew de reggaemen chrétiens fous amoureux de Jésus, emmené par son charismatique leader François-Joseph Ambroselli, dit Fratoun, chanteur, compositeur et créateur du groupe.

PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE MEYER

Comment sont nés Les Guetteurs ?

Fratoun La fondation du groupe remonte à plus de quinze ans. J’en ai eu l’intuition lors d’une veillée de prière. On a prié pour moi et je me suis senti aimé d’un amour plus grand qu’un simple amour terrestre. Quelque chose de puissant qui m’a englobé et qui m’a anéanti. Je suis sorti de cette veillée avec la ferme volonté d’en parler, d’en témoigner. Je faisais de la guitare depuis quelques mois et je suis allé voir mon frère Mathias pour lui demander s’il était chaud pour monter un groupe de reggae et tout a commencé comme ça : lui a la percussion et moi à la guitare. De concert en concert on a rencontré des musiciens. Guilhem, un ami d’enfance, m’a écrit en 2010 en me demandant s’il pouvait nous rejoindre. Puis ça a été le tour de Damien, notre ingénieur du son, et de Vinz, de Ludwig et de Matthieu.

 Quand vous regardez en arrière, quels sentiments vous inspire cette aventure ?

 Vinz Je suis l’un des plus âgés du groupe et j’ai l’impression de voir tous les jours le combat de David contre Goliath : Goliath c’est la musique et David, c’est ce petit garçon qui a décidé, à 12 ans, de se battre pour devenir Guetteur. C’est marquant de voir, dans la chanson chrétienne, un berger qui se lève, comme David, avec sa fronde, en se disant : « Je sais que ma force, c’est le Seigneur » (Ps 117). C’est puissant. J’ai vu ça dès 2010 quand j’ai croisé Fratoun et je savais que ça allait être sérieux !

Dans la musique, une fronde ne suffit pas, il faut avoir des textes, quelle est votre source d’inspiration ? Qu’est-ce qui vous donne la force de David ?

Fratoun J’écris les textes seuls et les arrangements sont le fruit d’un travail collectif. Les chansons prennent alors une autre dimension. Ça va vous paraître cliché mais tout doit partir de l’amour du Christ, de l’envie de témoigner de ce Dieu incroyable qui nous embrase d’un feu intérieur.

Par quoi est-il alimenté votre feu intérieur ?

Fratoun Par les sacrements, comme tout chrétien, la prière quotidienne et la bonne compagnie.

La messe ?

Fratoun La messe, le sacrement de la réconciliation… L’Église est un cadeau formidable. Le Christ nous a laissé un cadeau incroyable !

Pourtant aujourd’hui, les gens n’y croient plus trop. Vous vous retrouvez dans l’Église telle qu’elle est aujourd’hui ?

Fratoun Les gens n’y croient plus trop car ils regardent l’Église des hommes, moi je parle de l’Église de Dieu, l’Église éternelle, qui restera pour toujours, celle qui nous porte, notre mère. Les hommes failliront toujours. Je ne fais pas confiance aux hommes, mais au Christ.

Comment le projet de Fratoun est-il devenu un projet collectif ?

Guilhem François-Joseph a connu une conversion subite, à 12 ans. La mienne s’est faite de manière plus progressive. J’ai rejoint le groupe pour son projet musical et, en découvrant les textes de Fratoun, pendant les concerts, grâce au scoutisme, j’ai appris à endosser le message, à le sublimer.

Vinz Dans les textes de Fratoun, on trouve aussi de la poésie, de la sagesse populaire, des dictons qui se transforment et deviennent de vraies punchlines…

Fratoun Chaque musicien apporte sa patte et élève le niveau. Quand on est deux c’est bien, quand on est trois, c’est encore mieux, et quand on est six – le groupe au complet – c’est l’éclate.

Pourquoi le reggae ?

Guilhem Ce n’est pas Fratoun qui a choisi le reggae, c’est le reggae qui a choisi Fratoun. (Rires.)

Fratoun Chacun est arrivé avec sa musique : Vinz puise ses rythmes dans le rock et le punk, Guilhem dans le blues et le jazz. Pour Ludwig, c’est plutôt le gospel. On essaye de rester reggae en ouvrant des fenêtres ! On fait avant tout du reggae parce qu’on aime ça, tout simplement. On l’a étudiée cette musique, pour être crédibles et faire les choses bien. Le reggae chrétien n’est pas un style de musique en soi. On joue du reggae et nous sommes des chrétiens, voilà tout.

Vinz La musique est un langage. Lorsque Jésus envoie l’Esprit Saint pendant la Pentecôte, tous se mettent à entendre les disciples s’exprimer dans leur langue maternelle. Ce que j’aime avec le reggae, c’est que c’est un style de musique fédérateur qui parle à plein de gens.

Fratoun Le reggae est une musique tranchante qui permet aussi d’asseoir des mystères, plus que toute autre musique. Elle a quelque chose d’hypnotique par son côté lancinant. Cette musique est comme un pèlerinage : on est toujours en train d’avancer.

Guilhem Quand on lit les textes des plus grands interprètes du reggae, on pourra remarquer qu’ils se sont énormément inspirés de la Bible. Le reggae est un des langages de la spiritualité.

Vinz Ces chanteurs y voyaient un chemin vers la liberté. En tant que chrétiens, ça nous parle : notre libérateur, c’est le Christ.

Fratoun On a choisi le reggae parce que cette musique nous touche profondément et nous rapproche du père…

Vinz Amen !

Dites-nous un mot de la genèse de vos albums.

Fratoun Chaque album est un travail titanesque qui sollicite les compétences les plus diverses. Ça commence par la composition, dans ma chambre, puis la chanson est arrangée par le groupe. Suivent les répétitions en studio, l’enregistrement, le mixage, le mastering, le marketing… Ça recommence pour chaque chanson et un album en compte onze ou douze !

Vinz Ludwig, Matthieu et moi sommes intermittents. Notre métier, c’est la musique. Fratoun a son dialogue intime avec le Seigneur, il nous le partage grâce à ses chansons et nous, on les accueille, on les défend sur scène, on les enregistre, on les fait nôtres, on en devient l’interface avec le monde.

Guilhem Une répétition c’est un combat, chacun défend son idée, c’est un gros travail d’humilité.

Fratoun Tout travail collectif provoque des grincements de dents. (Rires).

Vinz Il y a quelque chose de sain dans le travail collectif : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » dit la Genèse.

À quel univers appartiennent vos textes : le biblique, l’onirique, l’amoureux ? Quels champs explorez-vous ?

Fratoun On a assemblé des chansons qui nous mènent à une destination : le père, le Roi. On a appelé l’album Roi pour tourner les regards vers lui.

Guilhem ROI, c’est aussi les initiales de return on investment, retour sur investissement, on espère que ça va marcher ! (Rires.) On retrouve en effet l’idée du départ, du voyage, du pèlerinage, mais cet album explore aussi le combat spirituel. Rester arrimé au Christ en dépit des vents  contraires demande une grande discipline.

Vinz Le Christ est avec nous dans les moments de maladie, de désespoir. Une goutte de grâce nous est offerte même dans les moments les plus difficiles, dans les angoisses les plus terribles. Cette grâce donne sens à tout.

Fratoun On a expérimenté que le Christ prenait soin de nous tout au long de la réalisation de cet album. À ses clins d’œil, on a senti qu’il nous aimait et que ça lui faisait plaisir qu’on soit rassemblés en son nom pour témoigner de son amour.

Vinz Jésus nous a demandé d’être le sel de la terre. C’est une image que l’on peut avoir parfois du mal à comprendre et pourtant, l’essentiel est là. Tu dois donner du goût à la vie, aux autres, éclairer les autres. Le rôle du disciple et du musicien, c’est de refléter cette lumière du monde, de mettre du sourire, c’est porter sur son visage la lumière du monde. Nous devons être des chrétiens souriants et ne jamais avoir peur de dire : « Alléluia », loué soit Dieu !

 

LEUR DERNIER ALBUM
Roi Soulbeats Records, 2023, 11 titres, 44 min, 16,99 €. Disponible sur boutiqueguetteurs.com et sur toutes les plateformes d’écoute en ligne.