La foi est-elle rationnelle ?

3 septembre 2018

14_Guillaume Bignon

Débat. Il est courant d’affirmer que la foi est irrationnelle et même qu’il vaut ne pas trop penser pour croire… Alors, l’intelligence s’oppose-t-elle à la foi ? Les chrétiens mettent-ils leur intelligence et leur raison au placard pour croire en Dieu ?

Le débat entre Lili Sans-Gêne et Guillaume Bignon.

Votre livre affirme que « la foi a ses raisons », mais je trouve ça bien difficile à accepter. L’Église est généralement opposée à la science, donc la foi n’est pas crédible puisqu’elle n’admet pas ce qui est rationnel.

L’idée que la foi ou l’Église s’oppose catégoriquement à la science est très répandue, mais c’est une caricature. Malgré des oppositions historiques regrettables (avec Galilée en tête d’affiche), la relation entre foi et science n’est pas une guerre ouverte. Au contraire, c’est dans le berceau de la foi que la science moderne s’est développée. Pascal, Descartes, Newton, Kepler, et bien d’autres piliers de la science moderne étaient des croyants convaincus, qui voyaient dans leur recherche scientifique une façon de glorifier leur Créateur. L’entreprise même de faire de la science est fortement motivée par une croyance en Dieu : le scientifique qui affirme que Dieu a créé ce monde s’attend naturellement à le trouver ordonné,
régi par des lois rationnelles. Des lois découvrables et régulières, plutôt que des phénomènes chaotiques et indescriptibles.

Mais il n’y a pas de preuve scientifique et rationnelle de l’existence de Dieu, donc c’est une croyance irrationnelle, donc fausse.

Selon ce qu’on entend par « preuve scientifique », nous en avons de très bonnes en faveur de l’existence de Dieu ! L’origine de l’univers est fortement soutenue par nos preuves scientifiques, et si l’univers a eu un commencement, il requiert une cause. Rien ne se fait à partir de rien. Cette cause de l’univers doit alors le transcender, être hors du temps, hors de l’espace, et extrêmement puissante : tout se recoupe avec un Dieu Créateur. Par ailleurs, les conditions initiales de l’univers sont extrêmement bien réglées pour permettre la vie. Si elles avaient été différentes, même un tout petit peu, la vie aurait été absolument impossible dans l’univers. Que tous les paramètres de la physique tombent par chance sur le bon numéro est virtuellement impossible. Leur fin réglage s’explique bien mieux par l’idée qu’un créateur a conçu l’univers avec le but d’y voir se développer la vie. Ainsi, l’origine et le fin réglage de l’univers nous donnent de bonnes raisons scientifiques de croire en Dieu. Mais même si nous n’en avions pas, ça ne voudrait pas dire que la foi est irrationnelle et encore moins qu’elle soit fausse. Personne n’a de preuve que le monde extérieur existe, ou que le passé est réel. On ne peut pas prouver les lois de la logique, ou même que 1 + 1 = 2. Pourtant toutes ces croyances sont raisonnables. Une personne dont les capacités mentales fonctionnent correctement va naturellement former ces croyances vraies et rationnelles. De façon similaire, on peut penser que Dieu a créé le cerveau des hommes pour qu’il forme naturellement une croyance en Lui s’il est placé dans les bonnes circonstances. Il serait alors rationnel de croire, même en l’absence de preuve scientifique.

Les croyants pensent que leur cerveau a été créé par Dieu. Mais pour les athées c’est la nature qui l’a peu à peu créé, pour survivre dans ce monde dur.

Oui, l’athée ne partage pas ma vision de l’origine du cerveau. Ma réponse ci-dessus montre juste que la vue du croyant est cohérente : avec des présuppositions chrétiennes, la croyance en Dieu reste rationnelle. C’est déjà ça ! Maintenant, examinons volontiers la vision du non-croyant sur le sujet. Si le cerveau n’est que le fruit de l’évolution darwinienne en l’absence d’un Créateur intelligent, un nouveau problème de taille apparaît : on ne peut plus faire confiance à nos cerveaux pour accéder à la vérité ! En effet, l’évolution darwinienne façonne les êtres vivants par la sélection naturelle, qui favorise les espèces capables de survivre et non pas spécialement les espèces capables de découvrir la vérité. Dès lors que nos croyances sont utiles à notre survie, la sélection naturelle se moque de savoir si elles sont vraies. Mais alors cette conception de l’origine du cerveau nous donne une raison de douter de sa fiabilité à découvrir la vérité ! Si découvrir la vérité n’est pas le but dans lequel le cerveau a été conçu, il est improbable qu’il accomplisse ce but par simple chance, et il serait naïf de lui faire confiance. Il nous faudrait alors douter des croyances qu’il nous procure, y compris une croyance en l’athéisme. Ainsi, si cette vision athée est vraie, elle nous donne une raison de douter d’elle. Elle s’autodétruit rationnellement.

Je ne peux pas croire en Dieu quand je vois le mal dans ce monde. Soit il permet le mal et alors il n’est pas bon, soit il ne peut pas l’empêcher, alors il n’est pas tout puissant. Donc il n’est pas Dieu.

L’argument repose sur une présupposition majeure qui est rejetable par un croyant. L’argument suppose que si Dieu est parfaitement bon, alors il ne voudra jamais que du mal se produise. Mais rien ne nous pousse à accepter cela. Il est cohérent de dire que Dieu pourrait permettre du mal, dès lors qu’il a des raisons moralement suffisantes. Le croyant n’est évidemment pas en mesure de fournir ces raisons derrière tout le mal sur terre, mais ce n’est pas à lui de montrer qu’elles existent, c’est à l’athée de convaincre que leur existence est impossible. Bon courage ! Enfin, j’ajoute que le problème du mal est un puzzle sur la cohérence du concept de Dieu, mais il n’établit pas l’athéisme non plus. Si l’argument marchait, il nous faudrait tout au plus douter que le Créateur de l’univers est tout-puissant, mais il resterait créateur de l’univers, avec un but pour notre vie, duquel il faudrait quand même se soucier. La vie athée sans dieu ni maître ne s’ensuivrait pas du simple problème du mal, il nous faudrait toujours chercher la volonté du Créateur pour ne pas passer à côté de son plan pour nos vies.

Je pense que la vie n’a pas de sens, puisque tout s’achève avec la mort. Donc autant profiter de cette vie sans se prendre la tête.

Le problème, c’est que pour « profiter de cette vie », il est nécessaire de se « prendre la tête », au moins pour décider quel but poursuivre. Toute la journée nous faisons des choix et poursuivons des buts. La question « comment vivre ? » se pose alors nécessairement. Après quoi courir ? L’amour ? Le pouvoir ? L’argent ? La sieste ? La mort ? Si Dieu n’existe pas, tous ces buts se valent : pas de Créateur, pas de but du jeu. Mais au fond, on sent bien que tous les chemins ne se valent pas, qu’il y a des buts meilleurs que d’autres, une bonne façon de vivre sa vie. Là encore, l’existence de Dieu explique puissamment ce ressenti dans le cœur de l’homme, que sa vie a un sens, un but à valeur morale, et que notre chemin
vers ce but contient du bien et du mal.

Les croyants sont pénibles avec leurs règles morales ! Je crois qu’il n’y a ni bien ni mal : puisqu’il n’y a pas de Créateur, il n’y a pas de règles dans la nature.

Oui, ce sont bien les deux options pour un athée, mais aucune n’est satisfaisante. Si on admet qu’un monde sans Dieu n’a pas de règles de morale objectives plus vraies que d’autres, alors il est impossible d’affirmer des vérités morales qui sont pourtant évidentes : « Il est mal de torturer un bébé pour le plaisir », « l’amour du prochain vaut mieux que la haine », « l’holocauste est une abomination », etc. En l’absence d’une opinion divine privilégiée, on peut dire que la morale du nazi est différente de la nôtre, mais pas qu’elle est plus mauvaise. Si l’athée admet au contraire que cette conclusion est inacceptable, alors il peut en effet dire que ces valeurs morales existent simplement sans fondement, mais cette absence d’explication n’est pas satisfaisante. Et en l’absence d’un Créateur transcendant qui siège au-dessus des individus et des cultures, il est bien difficile de voir pourquoi nous aurions l’obligation de faire ce bien plutôt que le mal. L’existence de Dieu explique donc mieux l’existence des valeurs et des obligations morales. Enfin, le christianisme n’offre pas juste une meilleure explication pour le fondement de la morale, il offre également une solution à notre problème moral. Pour nous tous qui avons enfreint ces lois d’une façon ou d’une autre, la solution n’est pas le déni de notre culpabilité, mais le pardon pour nos offenses. Et c’est précisément ce qu’offre Jésus lorsqu’il prend notre place sur la croix : il offre le pardon à ceux qui l’acceptent gratuitement par la foi en lui. Les disciples de Jésus proclament alors : « Repentez-vous de vos péchés, croyez en Jésus, et vous recevrez la vie éternelle. » C’est ce qu’ils appellent la bonne nouvelle.

Guillaume Bignon
Ce père de famille est ingénieur en informatique financière. Diplômé de l’Institut supérieur d’électronique de Paris, il est aussi titulaire d’un doctorat de théologie philosophique de l’université du Middlesex à Londres. Il est l’auteur de La foi a ses raisons. Confessions d’un athée surpris par Dieu, BLF éditions, 2018 et de Le problème du mal et de la souffrance : Une réponse chrétienne à un débat philosophique, Éditions Impact, 2017.

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