Francis Perrin : Un type bien

4 juillet 2011

francis perrin

Rencontre. Son bégaiement l’a fait connaître, son talent l’a fait durer. De La gifle aux Fourberies de Scapin, du Passe-Muraille à, récemment, Le nombril de Jean Anouilh, du théâtre lyrique au roman, il étonne. La preuve.

Propos recueillis par Emmanuelle Dancourt

« Je m’entretiens avec Dieu tous les jours » »

Comédien, metteur en scène, auteur, sur la scène comme à l’écran il revendique son statut d’amuseur public au point de consacrer un ouvrage miroir à Triboulet, bouffon de François 1er. Une fois le rideau baissé, c’est un homme profond et complet qui se révèle, un homme qui sait puiser dans sa foi les ressources pour combattre l’adversité et déjouer les pronostics.
Quel petit garçon étiez-vous ?

Un petit garçon très heureux, indépendant voire solitaire. Je lisais beaucoup, j’étais rêveur mais aussi très turbulent à l’école.
Odeur de votre enfance ?

En Dordogne où je passais mes vacances, une fermière me faisait des tartines de crème fraîche sur du pain à la grosse mie bien chaude. Un régal !
Qu’y a-t-il de vietnamien en vous ?

Mon père. Il était métis vietnamien, ingénieur du son dans le cinéma et ma mère script girl.
Quelle éducation avez-vous reçue ?

Très catholique. Enfant, je parlais latin couramment. Quand l’évêque venait, c’était toujours moi qui servais la messe. Comme il coupait souvent le texte pour raccourcir l’office, il savait que je pouvais suivre ! Tous les matins, je servais aussi la messe du père supérieur chez les jésuites d’Athis-Mons où j’ai été élevé.
Que reste-t-il de cette éducation ?

Je suis très croyant, très catholique. Je m’entretiens avec Dieu tous les jours. En tournée, je rentre très souvent dans les églises.
Quel personnage d’Église admirez-vous ?

Saint Thomas More. Un homme intègre qui est allé jusqu’au bout de ses idées. Il était chancelier d’Henry VIII. Quand celui-ci a divorcé pour épouser Anne Boleyn, créant un schisme avec Rome à l’origine de l’Église anglicane, Thomas More a refusé de suivre le roi comme chef religieux. Il a été condamné et décapité. Il n’a pas cédé. Il était philosophe, juriste, historien, théologien, humaniste, politique et on lui a tout pris. Un grand croyant. C’est beau les saints ! Sans compromission, droits dans leurs bottes.
Il est le saint patron des hommes politiques… Oh, quel dommage ! Ils ne savent même pas qui il est !

Quel paysage reflète votre intériorité ?

La campagne du pays d’Auge, verte et calme.

Que vous a appris Jean Anouilh, que vous avez connu ?

L’œil malin. Dire les choses avec élégance, humour et ne pas se prendre au sérieux tout en étant conscient de sa valeur.

Comment est née votre vocation de comédien ?

Un de mes oncles récitait du Victor Hugo et dirigeait un journal : c’était un vrai personnage. Il m’a inspiré.

Mais encore ?

Bon. Ma mère était infirme, elle boitait et mes camarades se moquaient d’elle quand elle venait me chercher à l’école. J’ai décidé de faire rire de moi pour détourner l’attention. Je me suis mis à bafouiller beaucoup plus pour qu’on se moque de moi plutôt que de ma mère.

D’ailleurs vous ne bégayez pas du tout là !

En fait, je n’ai jamais vraiment bégayé. Je butais seulement sur certains mots mais j’ai exagéré ce léger handicap pour me faire remarquer. On se construit sur ses défauts aussi et cela ne m’a pas empêché d’entrer à la Comédie française ! Et puis Moïse était bègue, Démosthène aussi.

Le bouffon Triboulet dit dans votre livre : « J’en jouerai, j’en surjouerai même. Mes handicaps au lieu de me rabaisser aux yeux de tous, me serviraient d’élévateur. » Qu’y a-t-il de bouffon en vous ?

Triboulet justement car son histoire est aussi la mienne. Le bouffon de la Cour était un personnage très important qui pouvait dire ce qu’il voulait. Malheureusement, les gens qui font rire n’ont jamais été considérés à leur juste valeur. Mais ce n’est pas grave.

Votre handicap est léger. Votre fils Louis a un handicap lourd. Comment avez-vous réagi à l’annonce de son autisme ?

Mal. J’ai demandé à Dieu : « Pourquoi ? Qu’ai-je fait ? » Tout de suite après je me suis dit : « C’est un cadeau. Si tu es capable de le recevoir, c’est que tu peux avancer plus loin. ». Et j’ai avancé.

Vous connaissiez cette maladie ?

Pas vraiment. Avant j’étais très impliqué dans l’enfance maltraitée, c’est une cause qui me touche beaucoup. Depuis, je me bats pour l’autisme.

Que pouviez-vous faire ?

Au début on m’a dit de faire le deuil de mon enfant ! Impossible ! Avec Gersende, mon épouse, nous avons découvert la méthode américaine ABA, un traitement éducatif stimulant. Heure après heure, année après année, des éducateurs se sont succédé à la maison pour stimuler Louis. Ses progrès ont été spectaculaires. Avant il ne savait ni parler, ni manger et ne supportait aucun bruit. Aujourd’hui il va bien, il est autonome et joue avec ses frères et sœurs.
C’est une méthode mal connue en France… Elle marche dans le monde entier depuis quarante ans mais en France elle piétine. Les soins ne sont pas remboursés, il n’y a pas assez d’éducateurs… Si ma notoriété a pu servir à la diffuser, c’est déjà déjà beaucoup.

Votre regard sur le sens de la vie a-t-il changé ?

Oui, bien sûr, ma vie a basculé soudainement. Les priorités changent, on apprend à relativiser. Il faut être très solide, il faut être deux. L’amour du couple est très important pour les progrès de l’enfant.

Qu’avez-vous appris sur vous-même ?

Mon maître au Conservatoire, Louis Seigner, me disait : « Essaye d’être un type bien. » J’ai travaillé à cela toute ma vie. Donc j’ai voulu assumer la maladie avec ma femme qui a été formidable. Sans Louis, j’aurais eu une vie moins intéressante.

Quelle mort choisiriez-vous ?

Comme mon père et ma mère, le cœur. Dans ma vie, j’ai beaucoup fonctionné avec le cœur. J’espère qu’il sera bien usé à force d’avoir servi.

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