Est-ce raisonnable de croire en Dieu ?

1 février 2019

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Le développement des sciences et la montée concomitante du rationalisme ont éloigné beaucoup de personnes de la foi. Est-il possible de croire en Dieu tout en conservant son intelligence ?

Le débat entre Lili Sans-Gêne et Nicolas Buttet

Je ne comprends pas comment vous pouvez encore croire en Dieu en 2019, alors que la science explique la plupart des mystères dans ce monde.

C’est une façon de voir la question qui remonte… au millénaire précédent ! « Névrose obsessionnelle universelle de l’humanité » (Freud) ; « opium du peuple » (Marx), « revanche des perdants sur les gagnants » (Nietzsche)… Ceux que le philosophe Paul Ricœur appelait les « maîtres du soupçon » n’ont pas convaincu dans la durée… Le disciple de Freud, le psychanalyste C.J. Jung disait déjà : « Parmi tous les patients qui ont dépassé la moitié de leur vie (plus de 35 ans), il n’en est pas un seul dont le problème ultime n’ait pas été sa conception religieuse… Aucun n’est vraiment guéri s’il n’a pas retrouvé sa conception religieuse. » Comte-Sponville, philosophe athée confessant, écrivait : « Reconnaissons qu’il y a davantage de saints chez les croyants que chez les athées ; cela ne prouve rien quant à l’existence de Dieu, mais interdit de mépriser la religion. »

Oui, mais les scientifiques sont plutôt athées en général.

Les scientifiques croyants sont légion, et pas des manches : depuis Newton et la gravitation, en passant par le moine Gregor Mendel, qui a découvert les lois de l’hérédité biologique, jusqu’à l’abbé Georges Lemaître, le théoricien du Big Bang. Ou encore Louis Pasteur, qui disait : « Un peu de science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène » ; Laurent Lafforgue, médaille Fields de mathématique ; André Ampère, fondateur de l’électromagnétisme, dont les travaux furent prolongés par James Clerk Maxwell sur l’évolution des champs magnétiques et électriques ; le physicien et prix Nobel Max Planck ; Francis Collins, qui a dirigé le groupe de savants ayant effectué le premier séquençage du génome humain ; Xavier Le Pichon, géodynamicien et pionnier de la tectonique des plaques… « L’origine de la vie, déclare Francis Crick, prix Nobel de biologie,
paraît actuellement tenir du miracle, tant il y a de conditions à réunir pour la mettre en oeuvre. »

Il n’empêche qu’il est toujours inaccessible, votre Dieu, perdu loin dans son ciel !

Au XXIe siècle, c’est le contraire qui est en train de se produire : toutes les découvertes les plus récentes dans les sciences les plus pointues – et notamment les neurosciences – laissent de la place pour l’émerveillement, le doute, la complexité. L’astrophysicien Trinh Xuan Thuan déclare : « La probabilité que notre univers soit issu du hasard est comparable à celle d’un archer réussissant à planter sa flèche au milieu d’une cible carrée de 1 cm de côté et située à l’autre bout de l’univers. » En ce troisième millénaire, à côté d’une science devenue plus humble, la foi retrouve sa légitime place. Il faudrait reprendre tous les débats (avec Richard Dawkins ou Peter Atkins notamment) et les travaux de John Lennox, professeur à Oxford, sur la science et Dieu. L’écrivain Jim Holt, dans son livre La Science a ressuscité Dieu, écrit : « Je me rappelle avoir vu un sondage dans le magazine scientifique Nature qui indiquait que presque la moitié des physiciens, biologistes et mathématiciens américains croyaient en Dieu. » En conclusion, on ne peut pas nier l’existence de Dieu au nom de la science. Cela, tout simplement parce que la raison et la foi ne s’opposent pas et ne se sont jamais opposées, car leur domaine d’application sont différents et complémentaires. Dans ce sens, l’athéisme relève aussi de la foi et non de la raison. La science va répondre à la question du « comment ». Mais la question essentielle, celle du « pourquoi » dépend de la philosophie et de la foi. Le responsable de l’accélérateur de particules et sous-directeur du CERN Giorgio Brianti me disait : « la Bible ne nous dit pas comment est fait le ciel mais comment y aller… ce qui est bien plus important ! »

Si votre Dieu existe, pourquoi n’exauce-t-il pas nos prières ? Ça devrait être son boulot d’exaucer les prières de ceux qui souffrent ! Alors pourquoi ne le fait-il pas ?

C’est une vraie question. Celle du mal et de la souffrance. Toute personne doit l’approcher à genoux, avec humilité. Selon l’Institut néerlandais des relations internationales, il y a eu 231 millions de morts durant le XXe siècle par la violence humaine et 600 000 morts par des catastrophes naturelles. D’après Olivier De Schutter qui fut rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, l’humanité produit l’équivalent de 4 500 kcal par personne et par jour. C’est deux fois plus que les besoins journaliers des 7 milliards d’habitants. Cependant 1 milliard de nos frères et sœurs en humanité souffrent encore gravement de la faim. 6 enfants de moins de 5 ans meurent de faim dans le monde chaque minute. Durant cette même minute les pays dépensent 3,42 millions de dollars pour l’armement. La question principale s’adresse donc d’abord aux hommes : Que faites-vous ? Que faites-vous de vos richesses, de vos biens ? Homme, femme, que fais-tu de ton frère, de ta sœur qui souffre ? Car le Dieu auquel je crois respecte la liberté des hommes… L’amour qui force, c’est du viol. Et mon Dieu n’est pas un violeur des consciences ou des libertés. Il n’est pas non plus Amazon : tu commandes, tu reçois (normalement !). De plus, il a joué cash avec nous : il n’a pas dit qu’il n’y aurait pas de galère ni d’épreuve. Par contre, il nous a dit qu’il serait avec nous et qu’il nous rendrait heureux. Et cette réalité n’est pas objet de spéculation mais d’expérience concrète. Je l’ai vu chez des personnes handicapées, gravement malades, chez des prisonniers après 10, 15, 24, 35 ans de camp de travaux forcés. Plusieurs m’ont témoigné de leur vrai bonheur. Car le bonheur ne dépend pas des circonstances extérieures, mais de l’intimité avec Dieu. On comprend alors Paul Claudel qui disait : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance ni même l’expliquer. Il est venu l’habiter de sa présence et lui donner un sens. » Et c’est cela qui change tout. C’est le sens de la croix, où l’amour triomphe de la haine et de la violence.

Je ne comprends pas du tout l’intérêt qu’il y a à être chrétien : vous devez obéir aveuglément à un Dieu que vous ne connaissez pas, qui ne vous parle pas, qui ne semble même pas s’intéresser à vous… Ça vous apporte quoi, finalement, une bonne conscience ?

Euh… pour moi c’est une mauvaise conscience, plutôt ! Car je ne peux jamais me dire que j’ai assez aimé ! Et c’est cela, le challenge de ma foi ! Je reste sans culpabilité cependant, car Dieu me connaît, me pardonne et m’aide. Si c’était un Dieu à qui je devrais obéir aveuglement, je serais athée de ce Dieu, moi aussi ! Heureusement, le Dieu auquel je crois, parle… et m’invite à l’écouter… On a rassemblé quelques fragments de son histoire avec les hommes ; c’est plus de 4 millions de caractères et ça s’appelle la Bible. Le bouquin est le plus vendu au monde : 20 millions d’exemplaires par an en 2 300 langues. Un livre attesté par 13 000 manuscrits anciens. Ce Livre me permet de connaître un peu le caractère de Dieu, sa façon d’agir, ses grands dadas : l’amour, la paix, la vérité, la justice, le pardon. Dieu me parle aussi par la création, par les événements, par des personnes – témoins de son amour que l’on appelle les saints. Dieu a un style : il aime passer incognito… par discrétion ; par amour surtout ! Dieu me parle aussi directement au coeur. Même qu’on peut voir son visage : un enfant dans une mangeoire ; un crucifié entre deux brigands. OK, d’accord. C’est de la provoc pure ! Mais c’est aussi une folie d’amour. Alors, mon problème, c’est plutôt que Dieu me parle trop… et que c’est moi qui suis un peu sourd, récalcitrant, qui ai de la peine à suivre.

Il vous dit quoi, Dieu, quand il vous parle ?

Tout ce que Dieu me dit, c’est « Je t’aime ». Tout ce qu’il m’enseigne, c’est pour libérer ma liberté… Derrière toutes ses paroles je lis : « Si tu veux être heureux, alors voilà le chemin que je te conseille. » Et quand j’ai suivi son GPS, je ne me suis jamais planté ! C’est tellement beau et intelligent, ce qu’il raconte et ce qu’il fait, ce Dieu de Jésus !

Nicolas Buttet
Nicolas Buttet est prêtre. Il a fondé la Fraternité Eucharistein, en Suisse, qui accueille notamment des jeunes en difficulté. Il a participé au lancement de la fondation Ecophilos, qui vise à mettre la personne humaine au cœur de l’entreprise. http://eucharistein.org

Pour aller plus loin :
Le disciple que Jésus aime : cinq attitudes fondamentales de la vie chrétienne, Nicolas, Buttet, Éditions de l’Emmanuel, 2013

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