DÉLIVRE-NOUS DU MAL

30 mars 2021

16-17 L1v N124 P Jean-Christophe Thibaut

Que signifie cette phrase du Notre Père, la prière la plus connue des croyants ? Le diable, Satan, l’enfer… tout cela n’est-il pas qu’une invention pour terroriser les enfants (et certains adultes !) afin de les rendre soumis et obéissants ? Peut-on vraiment être libéré du mal et de la souffrance ? Pour Lili Sans-Gêne, on nage en pleine superstition. Heureusement qu’un prêtre a accepté de lui répondre !

LE DÉBAT ENTRE LILI SANS-GÊNE ET LE PÈRE JEAN-CHRISTOPHE THIBAUT

Prêtre du diocèse de Metz, auteur sous le pseudonyme de Michael Dor de La Porte des anges (Médiaspaul) et de Les Enquêtes de l’abbé Nicolas Stock (Salvator), le père Jean-Christophe Thibaut est actuellement aumônier d’un centre hospitalier en Moselle et prêtre en paroisse. Il pratique le ministère de délivrance depuis vingt ans.

« Délivre-nous du mal… » dit-on à la fin du Notre Père. N’est-ce pas de la superstition ?

Effectivement, s’il s’agissait de demander à Dieu de nous libérer du mal, comme ça, d’un coup de baguette magique, ce serait une forme de superstition. Mais cette parole du Notre Père a un autre sens. Il ne faut pas la déta- cher de la demande qui la précède : « Ne nous laisse pas entrer en tentation. » Dans le texte original grec, la formulation ponêrou n’est pas facile à traduire. Cela peut vouloir dire : délivre-nous « de ce qui est mal » ou « de celui qui est mauvais », c’est-à-dire du diable.

La Bible nous explique que l’homme est créé naturellement bon. Cependant, parce qu’il est libre, il peut faire un mauvais usage de sa liberté en choisissant le mal. L’Écriture nous révèle aussi que, avant la création de l’homme, Satan, un ange rebelle, a fait le choix définitif du mal. C’est lui, l’auteur du péché. Satan cherche à entraîner l’homme dans sa chute en le poussant à céder à la tentation. C’est le fameux récit du livre de la Genèse où le serpent – le diable – pousse Adam et Ève à désobéir à Dieu. « Délivre-nous du mal » signifie donc : délivre-nous de celui qui nous entraîne sur le chemin du mal. De notre côté, nous avons un rôle à jouer : celui de résister à la tentation et de couper les liens avec le Tentateur.

Satan, le diable, les anges… on se croirait dans un livre de fantasy. Ça n’existe pas, ce sont des symboles.

Beaucoup de gens, et même des chrétiens, ne croient pas à l’existence des anges et du diable. Pour eux, les auteurs bibliques auraient utilisé des créatures mythologiques pour en faire des figures symboliques du combat du bien contre le mal.

Cette conception n’est pas totalement fausse, mais elle est réductrice. La révélation biblique et la Tradition de l’Église n’ont jamais cessé d’enseigner que Dieu a créé le monde visible – le monde dans lequel nous vivons – et le monde invisible – le monde angélique. La chute des anges, c’est-à-dire « le choix libre de certains esprits créés de se détourner de Dieu et de refuser son règne » (CEC 391) est une vérité de foi. Saint Paul désigne clairement l’existence des esprits mauvais dans son épître aux Éphésiens : « Ce n’est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, mais contre […] les Esprits du Mal qui habitent dans les espaces célestes » (Éphésiens 6,12). Le pape François n’hésite pas à dénoncer les erreurs de ce temps : « À cette génération et tant d’autres, on a fait croire que le diable est un mythe, une image, une idée, l’idée du mal. Mais le diable existe et nous devons lutter contre lui. La parole de Dieu le dit. Mais pourtant, nous n’en sommes pas vraiment convaincus. »

Vous parlez dans votre livre de phénomènes dia- boliques : c’est un scénario de film d’épouvante. C’est invraisemblable, tout cela !

Dans mon livre, j’ai fait très attention à ne pas tom- ber dans le sensationnalisme. Aucun des exemples que je prends ne cherche à vouloir faire peur. Ce ne sont que des illustrations afin de mieux com- prendre de quoi il s’agit, mais j’ai bien conscience que ces récits peuvent parfois être un peu effrayants parce qu’ils reflètent une réalité un peu effrayante. Le monde démoniaque n’est pas un monde de Bisounours. Les démons n’ont aucun sens de

l’humour et sont étrangers à la joie. Ils ne cherchent qu’à faire du mal et à provoquer de la peur et de la souffrance. Mais rappelons-nous que ces phéno- mènes sont rares. On peut vivre sans jamais avoir affaire à ce genre de combat spirituel. Je dirais que tant que l’on n’a pas été confronté à cette réalité, il est compréhensible que l’on puisse en douter. En revanche, crois bien que tous ceux qui ont subi ce genre d’épreuve ne tiendront pas le même langage…

L’Église ne voit pas la voyance d’un bon œil et dit que la magie est mauvaise. Pourquoi ?

Je ne peux pas développer ici toutes les « portes » que l’on peut ouvrir, volontairement ou involontairement et qui permettent au démon d’exercer une action sur un individu. Mais il en est une très importante : celle de la pratique de la voyance, dumagnétisme, de la divination, du spiritisme, etc. La Bible nous met sans cesse en garde contre ce que l’on appelle la « magie ». La magie est l’utilisation de forces occultes dans l’intention d’obtenir un résultat, au moyen de certaines techniques : des rituels, des formules, des invocations, etc. Nous ne sommes pas dans le registre de la prière où l’on s’adresse à Dieu avec respect et amour, sans exiger à tout prix une réponse de sa part. Dans la magie, il n’y a ni merci, ni s’il te plaît. Seul le résultat compte. Un résultat qui ne vise pas une croissance spirituelle, mais seulement un bien matériel. Derrière la magie, il n’y a pas des forces naturelles comme certains le prétendent, mais il y a toujours un démon à l’œuvre qui utilise des forces préternaturelles, mais sans permission divine. La magie n’est jamais gratuite, il y a tou- jours un prix à payer. Si l’on obtient un résultat par la magie – qui ne dure pas dans le temps : la magie ne tient jamais ses promesses –, nous contractons une dette envers le démon qu’il faudra payer, un jour ou l’autre.

Comment se tisse ce lien avec le démon que vous dénoncez dans le livre ? Est-il vraiment possible de le rompre ?

Le démon a deux grandes stratégies pour atteindre un individu : soit il le séduit avec de fausses pro- messes, soit il provoque de la peur pour le mettre dans un déséquilibre émotionnel. Par la peur, le démon rend l’individu plus vulnérable à son action. C’est aussi une manière de nous faire croire qu’il possède un grand pouvoir, alors que, comme créa- ture, ses capacités sont beaucoup plus limitées que l’on ne le pense habituellement. Il a souvent la puissance qu’on veut bien lui donner. Bien entendu, il y a différents niveaux de gravité dans l’action du démon, qui part de la simple tentation à la possession. La possession que le cinéma aime représenter est un cas extrêmement rare et souvent moins spectaculaire que dans les films. Cependant, tout contact avec le démon – par le péché ou par l’ouverture d’une brèche – crée un lien avec lui. Lorsqu’une « porte » est ouverte, on crée un lien avec le Mauvais. Une porte est une sorte de « droit de passage » que le démon peut utiliser pour nous atteindre. Il faut donc couper les mauvais liens. Le premier moyen est celui du sacrement de réconciliation. Le ministère de délivrance permet de couper les liens mauvais par le moyen de la prière, au nom de Jésus.

Le pouvoir de l’amour est infiniment plus puissant que celui de la haine et de la peur. Si le diable, qui n’est qu’une créature, nous fait peur, n’oublions pas que, si nous sommes dans la main de Dieu, il a encore plus peur que nous.

Alors, restons dans la paix et gardons-nous du Mauvais : « Soyez sobres, soyez vigilants : votre adversaire, le démon, comme un lion qui rugit, va et vient, à la recherche de sa proie. Résistez-lui avec la force de la foi» (1 Pierre 5, 9).

ALLER PLUS LOIN

Libère-nous du mal. Guide de discernement et chemins de délivrance des phénomènes diaboliques
Père Jean-Christophe Thibaut, Artège, 2020, 384 pages, 19,90 €.

Que penser de… la sophrologie ? Un regard chrétien sur les thérapies, méthodes de développement personnel et autres techniques
Père Jean-Christophe Thibaut, Artège, 2021, 140 pages, 12,90 €.

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