COMMENT FAIRE FACE AU SUICIDE D’UN JEUNE ?

4 novembre 2022

06 pxhere.com

En hausse chez les moins de 25 ans, le suicide laisse des familles sidérées et brisées. Dans ces circonstances, le chemin du deuil est complexe et contrasté, mais toujours relié à l’enfant défunt. Comment en parler et aider les proches ?

PAR JOËL PRALONG – PROPOS RECUEILLIS PAR MAGALI MICHEL

Joël Pralonga été infirmier en psychiatrie avant d’être ordonné prêtre. Homme des défis, l’ancien soignant devenu prêtre a voulu briser le tabou du suicide en particulier auprès des adolescents et des jeunes.

 

Quand une famille bascule dans le malheur, elle a alors davantage besoin d’écoute. Une telle souffrance a besoin d’être entendue sans jugement. Cette écoute demande une grande disponibilité de temps, d’esprit et de cœur. Après le choc, les émotions s’entrechoquent dans le cœur. Il faut du temps pour se rendre à l’évidence et  réaliser  l’inacceptable.  Les  mots  permettent  d’exorciser et de crier l’intolérable douleur. L’incompréhension, le déni ou le refus font partie du processus de deuil, un chemin sur lequel chacun avance à son rythme entre abattement et euphorie. Certains jours la vie nous rattrape comme un nouveau printemps, une montée de sève dans nos veines et, le lendemain, voici à nouveau l’hiver et ses frimas. Ainsi va le deuil, « de tempêtes en éclaircies, d’oasis en marche torride. »

Chers parents dont l’enfant est parti, j’aimerais vous rappeler que l’amour n’est jamais détruit. Là où il n’y a plus rien, il y a toujours quelque chose. Notre espérance s’obstine à croire que celui qui est mort aura la possibilité de dire un oui de confiance à Dieu au moment de décider de son éternité. Dieu ne condamne personne. Bien au contraire, il veut que tous les hommes soient sauvés. Votre prière et votre espérance soutiennent désormais votre enfant en migration vers la Vie ! Avec votre pardon à cause de l’acte qui vous fait tant souffrir.

Au dire de bien des parents endeuillés, le sentiment de culpabilité reste le grand obstacle dans le processus du deuil. Ce qui peut aider à se libérer des morsures de la culpabilité, c’est d’entrer dans une démarche de vérité pour reconnaître les responsabilités de chacun. Personne n’est ni tout noir, ni tout blanc. L’acte du suicide fait souffrir cruellement. Les parents ont droit à une réparation du tort causé. Par ailleurs, les parents ou les parties concernées ont peut-être aussi une part de responsabilité. Pour sortir de la confusion d’une  culpabilité  continuelle  ou  d’un  pardon  spontané sans éclaircissement ni explication, il faut du courage.

UNE RECONCILIATION

Je suggère un discernement pour séparer les deux parties, les mettre en vis-à-vis l’une de l’autre en deux réalités distinctes, du moins mentalement. Une telle mise en présence ouvre un espace de liberté pour éclaircir les circonstances du drame, déceler  les  blessures  infligées  à  l’autre,  les  mutismes. Quoique partielle et approximative, cette confrontation engage les vivants à plus d’authenticité. Et permettre le chemin vers une réconciliation qui peut avoir lieu en présence d’un prêtre. Au nom du Christ, qui est le pont entre le Ciel et la terre, ce dernier pourra confirmer le pardon. Dans le Christ, nous avons accès à nos défunts et en lui nous entrons dans de nouvelles relations avec eux. Je suggère aux parents de reprendre les mots de la Vierge Marie après trois jours d’angoisse quand elle perd Jésus au Temple. Comme elle, les parents demanderont : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? ». Ils énuméreront alors à voix haute tout ce que « cela » renferme (refus de dialogue, mensonge, fuites…) puis offriront leur pardon à leur enfant à travers le regard d’amour du Christ  Sauveur.  Ensuite,  ils  pourront  se  laisser  étreindre par l’Amour divin dans le sacrement de la réconciliation, puis énumérer leurs manquements à l’égard de leur enfant afin de lui demander humblement pardon. Dieu imprimera alors en eux la certitude du pardon par la grâce sacramentelle ce qui atténue la tristesse et l’amertume.

Accompagner son enfant de l’autre côté, c’est possible. Il n’est jamais trop tard pour toucher le cœur de l’autre et ce n’est jamais inutile. On peut rejoindre son défunt et lui venir en aide. Prier pour lui est la plus belle preuve d’amour à lui témoigner. Cette prière maintient debout. Nos existences sont en profonde communion entre elles par de multiples interactions. Il n’est jamais trop tard. Nous restons unis par des liens d’affection au-delà des limites de la mort. Cette conviction chrétienne est fondamentale. Elle permet à tous d’oser avoir besoin de faire parvenir à un proche déjà parti pour l’au-delà un signe de bonté, de gratitude ou encore de demande de pardon.

TÉMOIGNAGE : « MIEUX VAUT EN PARLER À DIEU »

Après la mort de son fils Hervé, Sophie a repris pied dans la vie à travers le don d’elle-même.

« Je réalise que la montée de mon fils vers Dieu n’est pas aussi simple qu’un ascenseur qui gravit les étages. Je vis un deuxième enfantement mais, celui-ci, au monde de Dieu. Quelques semaines après son décès, je me suis dit : “Je n’ai plus besoin de m’occuper de mon garçon, maintenant, de lui donner du temps. Plutôt que de tourner en rond à la maison, je vais m’occuper d’autres jeunes et leur donner le temps et l’amour que j’aurais donnés aujourd’hui à Hervé.” Auprès de ces jeunes, je retrouve en quelque sorte mon fils vivant. Voilà ce qui m’aide à tenir debout. Le danger, quand on est dans le deuil, c’est d’en parler à tout le monde. Et tout le monde donne des conseils, si bien qu’au bout du compte, on se sait plus où l’on en est ! Mieux vaut en parler à Dieu seul, dans la prière… Mon fils, je le porte tous les jours vers Dieu en formulant cette prière : “Ô mon Dieu, prenez mon fils dans votre bonheur éternel. Qu’il veille sur nous et nous montre le chemin vers vous.” »

POUR FAIRE LE DEUIL DU SUICIDE DE SON ENFANT

1. Échanger

Les relations ne sont pas rompues après la mort. Nous continuons à nous aimer et à échanger nos biens spirituels !

2. Prier

Notre prière et notre espérance soutiennent notre enfant défunt en migration vers sa vie éternelle. Elles peuvent influencer son choix pour la vie éternelle. L’Église prie pour les personnes qui ont attenté à leur vie, précise le catéchisme.

3. Exprimer sa colère.

N’ayez pas peur de laisser sortir ou éclater la colère devant la perte de votre enfant. Elle est légitime, elle vous évite d’exploser en dedans, elle est le signe de votre amour pour lui.

4. À la bonne heure.

Il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour venir en aide à un défunt. Penser à quelqu’un dix ans après sa mort n’a pas d’importance car de l’autre côté, le temps n’existe pas. Quel que soit le moment choisi, le défunt en recevra toujours un bienfait.

5. Bien faire.

Nous sommes équipés pour bien faire. Nous avons tout en nous pour bien faire. Que votre espérance soit forte ! Elle ressemble à une ancre fermement fixée. Restons attachés à l’ancre de l’espérance qui nous enlace autour d’un Dieu au cœur immense.

ALLER PLUS LOIN 

Le vertige du suicide. Lettre aux proches désemparés

Joël Pralong, EdB, 2012, 127 pages, 11 €.

 

 

 

 

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