CHRISTINE KELLY : « J’AIME CULTIVER MA GRATITUDE »

8 septembre 2022

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LA VOIX DE LA SAGESSE

Née au Lamentin (Guadeloupe), la journaliste Christine Kelly a fait un passage remarqué par RFO et LCI, avant d’être nommée au Conseil supérieur de l’audiovisuel par le président du Sénat en 2009. En avril 2010, elle a créé la fondation K d’urgences consacrée à l’aide des familles monoparentales. Depuis 2019, elle anime chaque soir Face à l’info, l’émission phare de la chaîne de télévision CNews.

PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE MEYER

En avril dernier, devant le public de l’église évangélique Martin-Luther-King de Créteil, vous aviez livré un témoignage émouvant sur la manière dont Dieu vous a accompagnée dans votre carrière ces derniers mois, et exprimé un profond sentiment de gratitude.

J’aime cultiver ma gratitude. Ce n’est pas une qualité, c’est une question d’éducation : remercier, aider, s’entraider, encourager, préférer la bienveillance à la violence, avoir de la compassion. Un enfant de cinq ans est comme cela naturellement : il va vers l’autre, il rend service, il partage ses bonbons, son goûter… Depuis toujours je considère qu’il ne faut pas être tourné vers soi mais vers les autres.

Cela ne doit pas aller de soi lorsque l’on s’expose à la télévision !

Lorsque que l’on revient à la télévision dix ans après l’avoir quittée, quand on est passé par le CSA et que l’on a vu les grands enjeux auquels le monde de l’audiovisuel est confronté, quand on est un petit pion sur une petite chaîne au milieu de ce vaste monde, je peux vous dire que l’on se présente en toute humilité et en étant soi-même. Je dirige, je recadre, je fixe les limites, je fais intervenir les chroniqueurs, je pose des questions mais, surprise, je ne fais rien pour me faire remarquer. Je pense que les téléspectateurs s’en sont rendu compte et que c’est ce qu’ils sont venus chercher. J’essaye de faire mon travail en restant le plus simple et le plus sobre possible, sans éclat de voix, et surtout de mettre les autres en valeur.

© CHRISTOPHE LARTIGE
© CHRISTOPHE LARTIGE

Vous aviez lancé une grande opération pour aider 2 000 mères de familles monoparentales en 2012. Aujourd’hui où en est-on ?

Je ne compte plus les opérations que nous avons menées depuis, mais je sais que nous avons aidé près de 20 000 mères de familles monoparentales.

Pourquoi avez-vous choisi de vous investir dans ce domaine si particulier ?

Les gens pensent souvent que je vis en famille monoparentale. Je n’aborde jamais ma vie privée mais je peux vous dire que ce n’est pas le cas, puisque j’ai créé la fondation quatre ans avant la naissance de ma fille. Je veux aider à défendre les intérêts des autres et non les miens. J’ai toujours été marraine d’association et j’ai voulu créer ma fondation dans un secteur où il n’y avait encore personne.

« Je suis récompensée de me savoir utile »

Quel a été le premier chantier auquel vous avez dû vous atteler ?

Faire cesser le scandale du silence. Il faut parler d’elles. En parler sans préjugé. Les comprendre, analyser. Les familles monoparentales sont fatiguées du poids des regards et des clichés. Elles ont décidé d’être seules ? C’est faux. Cela ne concerne que 15 % d’entre elles. 74 % sont la conséquence d’un divorce ou d’une séparation et 11 %, du veuvage. Elles bénéficient d’aides sociales ? C’est faux : 56 % de ces familles ne comptent qu’un seul enfant et ne touchent pas d’allocations familiales.

Elles croulent sous les aides et sont fières d’être seules ? Pas du tout, ces familles sont en souffrance ! Elles n’arrivent pas à gérer, à s’organiser, à joindre les deux bouts. En moyenne, une femme en situation de famille monoparentale met 7 ans à refaire sa vie et un homme, 2 ans.

Quel est le meilleur moyen de les accompagner ?

Agir sur la garde d’enfant, c’est capital. Les familles monoparentales sont plus actives sur le marché de l’emploi que les couples ou les familles nucléaires. Selon l’Insee, aussitôt qu’on leur donne un coup de pouce, elles trouvent un emploi. Hélas, les frais de garde d’enfant peuvent dépasser le montant de leur salaire. J’ai rencontré des fonctionnaires qui pleuraient en me racontant leur situation : les salaires de 1 200 euros, la garde d’enfant qui leur coûtait presque autant…

La première maman que j’ai aidée avait trouvé un travail de femme de ménage en horaires décalés et demandait à sa fille de l’attendre dans la cabine téléphonique en face de l’école. Vous imaginez les conséquences ? C’est pour cela que ces familles sont les premières victimes des agressions, des vols, du surendettement, de la pauvreté, de tous les maux de la société. Les premiers pauvres de notre société, ce sont des hommes et des femmes qui élèvent seuls leur enfant. C’est scandaleux. Ce n’est pas parce que l’on grandit dans une famille monoparentale que l’on devient délinquant, mais la plupart des délinquants sont issus des familles monoparentales. On le voit dans les prisons, dans ? les émeutes urbaines, chez les élèves en situation d’échec scolaire… J’ai apprécié que le gouvernement s’engage en juillet à accorder une aide aux familles monoparentales pour la garde des enfants jusqu’à 12 ans car je ne demande que cela depuis… 12 ans !

Est-il possible de prévenir ce phénomène ?

Oui, je pense qu’on peut le prévenir. Il faut être informé des conséquences dramatiques d’une séparation pour les familles et pour les enfants. Si l’on se sépare, cela doit être en conséquence de cause. Les plus grands coaches du monde vous apprennent que si vous n’avez pas réussi votre vie privée, vous n’avez pas réussi votre vie. Réussir sa vie à deux est un défi incroyablement difficile et pourtant, c’est celui auquel nous devrions nous consacrer entièrement.

« À quoi ça sert d’exister si ce n’est pas pour aider l’autre ? À quoi ça sert d’avancer si ce n’est pas pour tendre la main vers l’autre ? »

Que disent les difficultés que rencontrent ces familles de la société dans laquelle nous vivons ?

L’éparpillement des familles est une bombe à retardement, il est le reflet de la déliquescence de notre société. On n’accorde plus d’attention aux valeurs, à l’éducation, au noyau familial qui protège un enfant et lui permet de devenir un adulte accompli avant d’être lâché dans la nature.

Comment faites-vous pour concilier vie familiale, vie professionnelle et engagement associatif ?

… Sans oublier les conseils d’administration ! J’essaye de garder une place pour chacune de ces activités, mais la priorité va à ma fille. Je mettrais tous les euros de ma vie dans son éducation. Je lui dis souvent qu’il y a trois points essentiels : l’adaptation à tout et à tout moment, la détermination – ne jamais rien lâcher – et la maîtrise des émotions. La vie change tout le temps, il faut s’adapter au lieu de râler.

Comment gardez-vous le moral en dépit des situations parfois très dures auxquelles vous vous confrontez ?

Au début, je pleurais toutes les larmes de mon corps à chaque cas difficile dont je prenais connaissance. Je pouvais pleurer des heures en apprenant la mort d’un enfant. Saviez-vous qu’un enfant est tué tous les quatre jours sous les coups de l’un de ses parents ? Je me demandais comment j’allais pouvoir concilier la maîtrise des émotions et l’action. L’émotion doit être le moteur de l’action sans l’inhiber. J’ai mis du temps à trouver cet équilibre.

Un équilibre éclairé par la conscience ?

Le bien est devenu le mal, le mal est devenu le bien. Lorsque l’on aide quelqu’un, on se fait vilipender, critiquer, humilier. Les gens préfèrent partager la violence plutôt que la bienveillance. J’en ai des frissons rien que d’en parler ! À quoi ça sert d’exister si ce n’est pas pour aider l’autre ? À quoi ça sert d’avancer si ce n’est pas pour tendre la main vers l’autre ? Je trouve inadmissible d’avoir une notoriété et de ne pas la mettre au service de l’autre.

Quelle joie en tirez-vous ?

Il me suffit de voir briller les yeux d’un homme ou d’une femme pour que je sois la plus heureuse du monde. Quand je les vois me dire « Merci Christine », je suis très émue et récompensée de me savoir utile.

Quelle force puisez-vous dans la prière, dans la vie intérieure ?

C’est là que je trouve le sens de ma vie. Je trouve mon équilibre dans une certaine spiritualité depuis toute petite et je ne m’en suis jamais cachée. Nous vivons dans une société en quête de sens et je souhaite de tout cœur aux gens de trouver un sens à leur vie. Humblement, je pourrais conseiller aux gens d’être eux-mêmes, de demeurer à l’écoute de leur quête intérieure.

SON LIVRE

Libertés sans expression
Christine Kelly, Le Cherche Midi, 2022, 160 pages, 18,90 €.

Christine Kelly témoigne de son parcours, de sa vision du journalisme aujourd’hui au cœur des critiques et, surtout, de la liberté d’expression, attaquée quotidiennement et toujours pour de « bonnes raisons ».

 

 

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