Avons-nous besoin d’un sauveur ?

20 mars 2016

Père Alain Bandelier

Débat. Pour beaucoup, la fête de Pâques est l’occasion de manger du chocolat. Pour les chrétiens, c’est la fête de la résurrection du Christ, sauveur du monde. Est-il encore utile de croire qu’on a besoin d’un sauveur?

Débat entre Lili Sans-Gêne et le Père Alain Bandelier

 Vous dites que le Christ est venu pour nous sauver: je ne vois pas de quoi nous aurions besoin d’être sauvés.

Vous ne le voyez pas ? Moi je le vois tous les jours ! Vous trouvez que le monde va bien ? Que l’humanité est dans son état normal ? Moi pas. Bien sûr on peut se résigner, se dire que c’est comme ça et pas autrement. On peut aussi se faire une petite vie tranquille, à l’abri des questions et des drames. Et encore ! On sera toujours rattrapé tôt ou tard par le tragique de la condition humaine. Si quelqu’un qui s’appelle Jésus vient à ma rencontre et me dit : « Veux-tu être sauvé ? » je ne vais pas lui répondre que cela ne m’intéresse pas ou ne me concerne pas ! En plus – peu de gens le savent, même chez les cathos – c’est justement son nom : en hébreu Yeshouah signifie « l’Éternel est mon Sauveur ». C’est ce que l’ange explique à Joseph, avant la naissance de l’enfant : tu lui donneras le nom de Jésus car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.

Autrefois les gens attendaient un sauveur, parce qu’ils étaient impuissants devant les forces de la nature ou devant la maladie: aujourd’hui, grâce au progrès, on a appris à se débrouiller sans Dieu, autrement dit l’humanité est arrivée à l’âge adulte!

Permettez-moi d’en douter ! Il ne faut pas confondre le progrès technique et le progrès humain. Bien sûr la vie est devenue beaucoup plus confortable et plus sûre. La science et la technologie apportent des solutions à toutes sortes de problèmes de la vie quotidienne. Mais le salut se joue à un autre niveau. Est-ce que les gens que vous côtoyez dans le métro sont plus heureux que leurs arrière-grands-parents ? Est-ce que la vision de la vie que peuvent avoir des étudiants d’aujourd’hui est plus sereine et plus positive que celle que saint Albert le Grand par exemple enseignait à la Sorbonne au XIIe siècle – l’auditoire était si enthousiaste et si nombreux qu’il débordait dans la rue ! On continue d’entendre les louanges du progrès, en particulier dans les discours politiques, qui ont toujours des promesses à nous faire, mais on n’y croit plus. Le salut du monde par le progrès, c’est un mythe du dix-neuvième siècle ! Le progrès n’a jamais empêché que des vies soient brisées, que des cœurs soient trahis, que des innocents soient maltraités, bref que l’histoire des hommes s’écrive avec du sang et des larmes.

Vous êtes vraiment pessimiste!

Mais non ! Vivre est toujours une aventure extraordinaire, l’histoire en train de se faire est quelque chose de passionnant aussi bien au plan personnel qu’au plan collectif. Je dis seulement qu’il ne faut pas rêver. Le monde des hommes est marqué par le pouvoir du mal, la création est sous l’emprise du néant dit saint Paul (Ro 8, 20). Et il n’est pas facile d’en sortir ! Sinon cela se saurait. Est-ce que la terre est un paradis ? À certains moments de grâce, oui, peut-être. Mais cela ne dure pas et ce n’est pas donné à tout le monde. Il faut sauver l’homme. Tous les hommes.

Vous dites que le Sauveur est déjà venu, mais apparemment ça n’a pas changé grand-chose: le mal et la souffrance sont toujours là!

C’est une question importante et difficile. Je répondrais volontiers à cette question par une autre question. Qu’est-ce qu’on entend par changement ? Qu’on y croie ou qu’on n’y croie pas, au fond on a tous une vision un peu magique du salut. On rêve d’un changement radical, du jour au lendemain, un peu comme les révolutionnaires attendaient le « Grand Soir » ; ou bien on imagine une société délivrée de tout conflit, de toute question, de toute angoisse, enfin normalisée ; mais dans son livre, Aldous Huxley a montré que Le meilleur des mondes est un univers irrespirable. Le salut ne se décrète pas. Le changement – si changement il y a – ne se fera pas sans nous, sans notre consentement, c’est-à-dire notre conversion. Selon la foi chrétienne, Dieu offre aux hommes le salut, ou plutôt il offre le Sauveur, Jésus Christ. Mais il appartient à chaque être humain de l’accueillir et de se laisser purifier, transformer, sanctifier.

 En tout cas le plus grand mal n’a pas quitté l’humanité depuis la venue de votre Messie: la mort…

 Au contraire, la résurrection des morts est la grande bonne nouvelle. « Incroyable mais vrai ! » C’est cela qu’annonce l’Évangile. Le Christ affirme deux choses : « Celui qui me contemple et croit en moi a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 40). Notez que l’affirmation est double. Il y a en effet deux résurrections. En tout cas c’est ce qu’enseigne l’Apocalypse (Ap 20, 6). La première résurrection est spirituelle. Elle peut être immédiate : il suffit qu’un cœur s’ouvre à la grâce, c’est-à-dire à une vie nouvelle, à la vie divine. Car la mort la plus tragique, c’est la mort dans l’âme, c’est-à-dire le péché, qui est toujours une forme plus ou moins directe d’autodestruction de l’homme intérieur. « Nous étions des morts en raison de nos fautes », dit saint Paul (Ep 2, 5). Or Jésus le Christ – et personne d’autre à ma connaissance – a le pouvoir de me délivrer du péché.

Cette résurrection des âmes appelle et prépare la résurrection des corps, au dernier jour. « Le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la Mort » (1Co 15, 26). Le Christ, là encore, est le seul qui non seulement peut faire cette promesse mais qui a le pouvoir de la tenir, lui qui est « le premier né d’entre les morts » (Col 1, 18). Quelques miracles des évangiles attestent ce pouvoir : il arrache à la mort la fillette de Jaïre, le fils unique de la veuve de Naïm, son ami Lazare de Béthanie. Des prodiges semblables sont attestés dans l’histoire de l’Église. Mais dans tous ces récits la grâce est de re-vivre (avec la perspective de re-mourir un jour). Ressusciter est d’un autre ordre. Ce n’est pas revenir à la vie antérieure. C’est passer pleinement dans une existence transfigurée, qu’on appelle la Gloire, et qui inclut non seulement l’âme mais le corps. Délivrés des pesanteurs et des opacités terrestres, parfaitement accordés désormais l’un à l’autre, ils formeront avec la multitude des anges et des bienheureux la Cité sainte, la Jérusalem céleste, qui n’est qu’amour et lumière dans le rayonnement du Christ ressuscité : « Nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3, 2).

À Pâques, vous fêtez sa résurrection, mais vous auriez du mal à prouver qu’il n’est pas mort; c’est une histoire qu’on raconte, c’est tout.

 Jésus est vraiment mort, cela fait partie de la foi chrétienne : « Crucifié sous Ponce-Pilate. » Mais est-il simplement mort et enterré, comme tout le monde, y compris les grands génies de l’humanité ? Un mort ne peut pas faire des vivants. Or depuis deux mille ans des hommes et des femmes témoignent d’avoir rencontré le Christ, non pas comme un souvenir dont on parle, ou comme un idéal dont on rêve, mais comme une présence : réelle, discrète, bouleversante, appelante. Son tombeau est vide et notre cœur déborde !

Peut-être, mais tout cela ne change pas grand-chose à ma vie à moi…

 Évidemment, s’il s’agit d’une rencontre, personne ne peut la vivre à votre place. Je peux seulement vous dire : « Essayez ! Il répond toujours aux cœurs sincères et aux âmes en attente. » Ou encore, avec Benoît XVI : « N’ayez pas peur ! Le Christ n’enlève rien et il donne tout. »

Puis-je ajouter un mot ? Il nous donne de donner ! Le Sauveur est venu pour nous sauver, vous et moi et tous les autres. Mais à ceux qu’il sauve il propose de devenir sauveurs avec lui. Lui seul donne le salut, d’accord. Mais il compte sur nous pour que ce salut atteigne les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Il y a beaucoup de cœurs à consoler et d’âmes à délivrer.

Père Alain Bandelier

 Ce prêtre du diocèse de Meaux est responsable du Foyer de Charité de Combs-la-Ville. Il prêche de nombreuses retraites. Il est connu pour ses chroniques dans l’hebdomadaire Famille Chrétienne. Il est très engagé auprès des personnes séparées et divorcées. Dernier ouvrage paru : Séparés, divorcés, à cœur ouvert, Parole et Silence Editions, 2015

Aller plus loin :

La prière et la vie spirituelle – Alain Bandelier – Edifa-Mame, 2007

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