AUGUST DIEHL : « CÉDER AU MAL, C’EST TRAHIR LA NATURE ET TRAHIR DIEU »

26 novembre 2019

L’appel de la conscience : après The Tree of Life, Palme d’or du festival de Cannes en 2011, le réalisateur Terrence Malick est revenu en compétition sur la croisette en 2019 avec Une vie cachée. L’acteur allemand August Diehl y interprête avec brio l’Autrichien Franz Jägerstätter, béatifié en 2007 par le pape Benoît XVI. Le film sort sur nos écrans le 11 décembre.

PROPOS RECUEILLIS PAR CYRIL LEPEIGNEUX – PHOTO : ALBERTO PIZZOLI / AFP

À 43 ans, August Diehl vit à Berlin où il brille sur les planches. Il tourne aussi avec les plus grands. Dans ce film, il incarne un fermier objecteur de conscience en pleine seconde guerre mondiale. Un homme capable de dire non et de sacrifier sa vie et celle de son foyer en refusant d’être enrôlé dans l’armée du Reich après l’Anschluss.

Dans le film Une vie cachée, vous incarnez le héros, Franz Jägerstätter, un paysan autrichien qui refuse de se battre aux côtés des nazis et qui décide en son for intérieur qu’il ne peut adhérer au nazisme. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il a été guillotiné. « Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j’avais été allemand ? » C’est une question que le spectateur peut légitimement se poser aujourd’hui, non ? Oui, je me souviens de cette question de la chanson de Jean-Jacques Goldman. Mais quelle question ! Nous ne vivons pas du tout à cette époque si différente et pourtant, quand je pense à ces événements, je me demande souvent ce que j’aurais fait moi-même… Je crois que nous avons tous à nous interroger, et pas seulement nous les Allemands. Les Français et les Autri- chiens aussi. Cette période troublée de l’histoire contemporaine est un fait qui concerne toute l’Europe. Votre question est de taille ! Je ne sais pas ce que j’aurais fait alors… Je ne sais pas si j’aurais été capable de me conduire comme Franz Jägerstätter. Je me suis posé cette question durant le tournage : aurais-je pu être comme lui et rester fidèle à mes idées chaque jour, chaque minute ?

Et alors, votre réponse ? Eh bien, je n’en sais rien… Vous savez, au départ, cet homme était un modeste paysan travaillant dans son village des montagnes autrichiennes. Et ce, jusqu’au jour où il a été confronté à cette question qui a touché sa conscience et là, il est devenu fort. Dans la seconde. On ne peut pas savoir soi-même com- ment on réagirait tant qu’on n’est pas confronté à ce genre de situation. La personne elle-même peut être aussi surprise d’avoir une telle force car elle ne l’avait pas forcément tout le temps aupa- ravant. Vous savez, l’impact de l’Histoire, un accident dans une famille ou une grande catas- trophe, peuvent faire naître cette force prodi- gieuse chez les personnes qui ignoraient l’avoir. Nous sommes tous un peu dans ce cas, je pense.

Et d’où vient cette force selon vous ? Dans le cas de Franz Jägerstätter, elle vient de sa conscience. De ce qu’il croit être bon et de ce qu’il croit être mauvais. Cette conception du bien et du mal utilise des termes qui paraissent démodés. Plus personne ne veut parler comme ça aujourd’hui car cela sonne trop catholique ou quelque chose comme ça. Pourtant, chaque enfant sait ce qui est vrai et ce qui est faux. Chaque enfant sur toute la Terre. Ensuite, je pense que quand on grandit, on entend telle- ment de points de vue différents, tant d’infor- mations sur les mêmes faits que l’on n’arrive plus à distinguer le vrai du faux. Je pense que la déter- mination de Franz Jägerstätter repose sur cette force qu’a l’enfant : la force de l’innocence.

Regrettez-vous cette perte d’innocence ? Vous savez, je trouve qu’il est difficile d’être le seul dans la salle qui dit non. Tout le monde est en train de se mobiliser pour faire quelque chose et vous êtes le seul à rester sur place et à dire : pas moi ! Et là tout le monde se retourne et vous demande pourquoi. Pourquoi vous cassez l’ambiance. Et vous répondez : parce que je ne pense pas que cela soit une bonne chose. Et là, tout le monde va être agacé et se demander pourquoi vous êtes le seul à savoir ce qu’il y a de bon et de mauvais, qui sont les gentils et les méchants. C’est un peu le contexte psycholo- gique de ce film. Alors, si vous me demandez si je regrette cette situation, je vous répondrais que je ne peux que constater la rareté des per- sonnes qui osent dire non.

Dans ce personnage de Franz Jägerstätter, dont la foi inébranlable et l’amour pour sa femme et ses enfants sont nécessaires pour traverser les épreuves qui l’attendent, qu’est-ce qui vous a touché le plus ? La simplicité. Parce que la simplicité de ces personnes, de leur vie proche de la terre, de leur implication entière dans un processus naturel, me rappelle le Heimat allemand. Une sorte de jardin d’Éden. Cette simplicité leur per- met de voir le mal d’une situation et de refuser d’en faire partie sinon céder serait trahir toute cette beauté de la nature et cela trahirait Dieu.

« Le témoignage silencieux et héroïque de tant de chrétiens qui vivent l’Évangile sans compromis, en remplissant leur devoir, est un exemple à suivre. Ce martyre de la vie ordinaire est un témoignage, ô combien important dans la société sécularisée de notre époque. C’est la bataille pacifique de l’amour pour laquelle chaque chrétien doit combattre sans relâche, la course pour défendre l’Évangile qui nous engage jusqu’à la mort », déclarait Benoît XVI qui l’a béatifié en 2007. Trouvez-vous des allures christiques à ce personnage ? Oui, il y a des similitudes. Mais le Christ n’avait pas de famille comme le héros du film. Et cette histoire montrée à l’écran porte sur un homme contraint de quitter sa femme Fani et ses trois petites filles, avec qui il partage une vie simple et joyeuse : c’est ce qui m’a beaucoup touché quand j’ai lu le script. Il ne s’agit pas que d’une figure christique mais bien d’un fermier pleinement humain qui fait son travail sans histoires et qui, un jour, est appelé à prendre une décision à laquelle il s’accroche de manière têtue. Il n’est pas seulement un héros sympathique : il fait ce qu’il pense et s’y maintient.

Le film est de toute beauté : le réalisateur, Terrence Mallick, n’avait pas fait un tel film depuis longtemps, et ses images sont une nouvelle ode à la nature… Oui, cela a été un grand cadeau de tourner avec lui. C’était unique ! C’est un homme tellement humble, convenable, et drôle aussi. Il est surtout curieux et ouvert aux autres. Il crée un univers et invite tout son monde à rejoindre ce voyage dans une sorte de quête… Je crois que Terrence Malick est connecté à cette sorte de lumière : cette présence de la nature est fonda- mentale dans son œuvre. C’est sans doute de là qu’il a créé tout le film…

SA PRÉPARATION

« J’ai lu les lettres de Franz Jägerstätter, ainsi que toute son histoire. Ma préparation a surtout été physique : apprendre à utiliser les outils, à vivre la vie d’un fermier. Un mois avant le tournage, j’étais déjà sur place à travailler avec les paysans, tout comme Valérie Pachner, ma partenaire à l’écran. »

« Si Dieu ne m’avait pas accordé sa grâce et la force de mourir, si nécessaire, pour défendre ma foi, je ferais peut-être simplement ce que fait la majorité des gens. Dieu peut en effet accorder sa grâce à chacun comme Il le désire. Si d’autres avaient reçu les nombreuses grâces que j’ai reçu, ils auraient peut-être fait des choses bien meilleures que moi. » Franz Jägerstätter (1907-1943).

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