Jésus pourrait-il être le Messie ?

21 octobre 2016

Frédéric Guillaud

Débat. De nombreux débats existent autour de Jésus de Nazareth : a-t-il vraiment existé ? Prétendait-il être Dieu ? Ses disciples ont-ils tout inventé ? Est-il ressuscité des morts, comme le prétendent les Évangiles ? Peut-on aujourd’hui prétendre répondre rationnellement à ces questions ?

Débat entre Lili Sans-Gêne et Frédéric Guillaud

Je crois que Jésus n’a jamais existé. C’est un personnage de mythologie.

Ici, je suis obligé d’être un peu ferme : vous vous trompez ! L’existence d’un rabbi peu banal nommé Yeshoua ben Yoseph à Jérusalem sous le règne de l’empereur Tibère est parfaitement attestée. Pas seulement pas les évangiles, mais par des historiens romains et juifs (qui, entre nous, n’avaient aucun intérêt particulier à inventer ce personnage). Je vous renvoie aux textes de Tacite, Pline le Jeune, Suétone, Flavius Josèphe, Mara Bar Serapion, et au Talmud lui-même (traité Sanhédrin 43a). Prétendre que Jésus est un mythe est une idée loufoque, née au XVIIIe siècle, que même les athées les plus motivés ont abandonnée depuis longtemps. Bref, tous les historiens sont d’accord pour reconnaître que Jésus a existé, qu’il a prêché, qu’il a été condamné à mort et exécuté à Jérusalem alors que Ponce Pilate était préfet de Judée, – probablement le 7 avril 30.

Je veux bien croire à l’existence de Jésus comme homme, mais les Évangiles ont brodé une légende autour de son personnage.

Sur quel point par exemple ?

Eh bien toute cette histoire de « Messie » et de « Fils de Dieu » ! C’est à dormir debout !

En êtes-vous bien sûre ? Là aussi, la réflexion historique nous assure de plusieurs choses dont certains croient, à tort, qu’elles relèvent uniquement de la « foi ». Il est ainsi historiquement certain que Jésus s’est présenté comme le Messie (pourquoi sinon des milliers de juifs l’auraient-ils pris pour le Messie ?). Mais mieux que cela, il est également certain qu’il a prétendu être de nature divine.

Je ne vois pas ce qui vous permet de croire que Jésus disait être Dieu !

En fait, c’est très simple. D’abord, il y a les paroles et les gestes de Jésus rapportés par les évangiles, qui à eux seuls me paraissent très convaincants, et peu susceptibles d’avoir été « inventés ». Mais si cela ne vous suffit pas, posez-vous la question : pourquoi les chefs religieux de Jérusalem ont-ils souhaité la mort de Jésus, au point de le remettre au bras séculier de Rome ? Il n’y a pas trente-six solutions ! À vrai dire il n’y en a qu’une. Seul était passible de mort le blasphème suprême : celui qui consiste, pour un homme, à se prendre pour Dieu. Ce simple fait donne de très fortes raisons de penser que Jésus a bel et bien accompli des actions et prononcé des paroles qui ont laissé croire aux grands prêtres qu’il entendait se présenter non seulement comme le Messie (ce qui n’avait rien de répréhensible), mais comme l’égal de Dieu, comme Dieu lui-même (scandale absolu). Or, c’est précisément ce que l’on trouve dans les évangiles : Jésus s’attribue des prérogatives véritablement divines : pardonner les péchés (Mc 2, 5-7), juger les vivants et les morts, annoncer l’avènement du Royaume (Lc 11, 20), donner l’interprétation définitive de la Torah (Mt 5, 22), se faire appeler « Seigneur » (Jn 13, 13) ; il se dit lui-même « plus grand que les prophètes », et même « plus grand que le Temple » (Mt 12, 6). Folie ! Sauf si l’on est capable de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un homme mégalomane qui se prend pour Dieu, mais de Dieu, le Dieu d’Israël, qui se fait homme.

Moi je pense que Jésus ne prétendait pas être Dieu : ce sont ses disciples qui ont voulu le faire passer pour le Fils de Dieu et qui ont inventé cette nouvelle religion.

Si Jésus n’avait pas émis lui-même de prétentions divines, mais s’était borné à se dire le Messie (comme beaucoup d’autres avant et après lui), peut-on raisonnablement croire que ses disciples, qui étaient tous des Juifs pieux, auraient délibérément et spontanément décidé de déifier un être humain ? La réponse me paraît indubitablement négative. Jamais un monothéiste rigoureux du Ier siècle n’aurait pu inventer une histoire pareille. Il a fallu que le Messie se dise lui-même divin et que des événements extraordinaires se produisent pour en convaincre les disciples. Car cela faisait partie de l’inimaginable. C’est le sens de la phrase souvent mal comprise de Tertullien : « Credo quia ineptum, j’y crois parce que c’est absurde » : cela veut dire : « J’y crois parce qu’une chose aussi folle n’a pu être inventée. »

D’accord, admettons que Jésus se soit prétendu Messie et Fils de Dieu, ça ne prouve pas qu’il l’était effectivement. Rien ne m’oblige à le croire.

Il y a une voie courte, qui consiste à lire les propos de Jésus et à se demander si un homme seulement homme aurait pu inventer des idées pareilles ! Quand les hommes veulent créer une religion, ils ne parlent pas ni n’agissent comme le Christ : ils ne se font pas crucifier, ils ne disent pas « heureux les persécutés ». Ensuite on peut réfléchir aux trois solutions possibles : ou bien Jésus était Dieu, ou bien il était un menteur démoniaque, ou bien il était complètement fou. Peut-on croire Jésus capable d’un mensonge aussi terrible ? Rien dans le reste de son comportement ne cadre avec une telle personnalité. Par ailleurs, Jésus n’a pas l’air d’un psychotique atteint du « God complex » décrit dans les manuels de psychiatrie. Je vous laisse conclure… Mais il y a un troisième argument, le plus fort : c’est la résurrection. Si Jésus est vraiment ressuscité, ce que nous avons par ailleurs de bonnes raisons de croire, alors c’est que Dieu a attesté, ratifié, approuvé les prétentions de Jésus. Il a attesté que Jésus disait vrai quand il se présentait comme consubstantiel au Père. Comme il est dit dans les Actes : « Dieu nous a offert à tous un motif de foi en le ressuscitant des morts » (17, 31).

Jusqu’ici j’ai bien voulu vous suivre, mais vous n’allez quand même pas me dire que la Résurrection est un événement historique ! C’est une pure question de foi !

Je vais vous décevoir, mais je crois que non. En tout cas pas au sens que vous donnez au mot « foi ». Personnellement, je ne crois pas à la résurrection parce que ça me fait plaisir ou que je trouve l’idée très belle, ou très consolatrice ; j’y crois parce que je crois au témoignage des Apôtres. Or les apôtres ne sont pas censés avoir cru à la résurrection. Ils sont bien censés l’avoir constatée de leurs yeux.

Cela me paraît fou de croire à une chose aussi improbable sur le témoignage de quelques illuminés il y a 2000 ans !

C’est là que les choses deviennent intéressantes ! Quatre faits majeurs sont reconnus par la majorité des historiens et exégètes (qu’ils soient croyants ou non) : 1° Jésus est mort ; 2° Jésus a été enterré dans la tombe de Joseph d’Arimathie ; 3° le tombeau a été retrouvé vide le troisième jour ; 4° les apôtres sont passés subitement de la dépression à l’enthousiasme évangélisateur, proclamant la résurrection au péril de leur vie. Aucun de ces quatre faits n’est surnaturel. Ce sont des faits parfaitement acceptables et acceptés par la science historique. À partir de là, la bonne question est : comment expliquer l’ensemble des données ? Quelle est l’hypothèse explicative la plus simple, la plus probable ? Un vol de cadavre ? Oui, mais par qui ? Par les ennemis de Jésus ? Si c’était le cas, ils auraient rapidement montré le corps pour faire cesser la rumeur de résurrection. Par ses amis ? Mais alors il faut supposer que les apôtres mentaient et se faisait tuer pour ce qu’ils savaient être un mensonge… Ce n’est pas plausible. Des hallucinations ? Mais Pierre, Jean, Jacques et Paul avaient des profils psychologiques très différents ; il est peu probable qu’ils aient tous été psychotiques… Il reste bien une possibilité : la résurrection ! Voilà une hypothèse qui rend compte de l’ensemble des données, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des complots ni à des épidémies de psychoses hallucinatoires. Je vous laisse sur ce paradoxe : l’hypothèse la moins tirée par les cheveux, finalement, c’est la résurrection du Christ !

Ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de philosophie, Frédéric Guillaud a collaboré pendant dix ans à divers cabinets ministériels et est aujourd’hui enseignant. Il a également publié Dieu existe. Arguments philosophiques, Cerf, 2013.

Aller plus loin :

Catholix reloaded : Essai sur la vérité du christianisme, Frédéric Guillaud, Cerf, 2015, 25 €

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