Transhumanisme : vers l’homme augmenté ?

14 septembre 2015

nathanael garrick

Débat. Pouvoir réparer les pièces de notre corps comme on répare une voiture, décupler nos capacités physiques et intellectuelles, devenir quasiment immortel… C’est la promesse du courant transhumaniste, qui monte en puissance. Est-ce un bien pour l’humanité?

Débat entre Lili Sans-Gêne et Nathanaël Garric.

Lili Sans-Gêne. C’est quoi, exactement, le «transhumanisme», «l’homme augmenté», tout ça? On commence à en parler, mais je ne connais pas trop le sujet…

« C’est la fin de l’homme tel que nous le connaissons», prédit un personnage du film Transcendance devant la magistrale réalisation d’un homme qui a réussi à fusionner avec un ordinateur surpuissant. Ce film fait écho au transhumanisme, un mouvement culturel qui désire modifier l’homme, non seulement le soigner en cas de maladie, mais carrément augmenter ses capacités physiques et intellectuelles en appliquant à son corps de nouvelles technologies révolutionnaires. Ainsi, on espère pouvoir implanter en l’homme une espèce de laboratoire miniature pour détecter toutes sortes de maladies, relier la mémoire humaine à des puces pour en augmenter la capacité. Certains rêvent même de sortir une conscience humaine du corps pour la transplanter sur un support électronique (comme dans le film Transcendance). Au fond, ce qui est désiré, c’est un homme qui aura fusionné avec l’ordinateur ou le robot pour s’affranchir de toutes les limites que son corps lui inflige.

 Tout ça ressemble à de la science-fiction, ça n’arrivera pas…

Je ne serai pas aussi catégorique que vous. Il y a certes une part de fantasme, mais les jambes, le cœur et les rétines artificiels, ça existe déjà. Les puces dans le cerveau pour soigner certaines maladies, ou même les enfants « fabriqués » avec trois parents, ça existe déjà !

 Le responsable de l’innovation chez Google qui travaille en partenariat avec la Nasa, les patrons de Google, Facebook et Amazon, ce n’est pas ce que j’appelle des illuminés, ni même des utopistes. Ils ont des projets et des moyens financiers colossaux pour y parvenir et l’on ne voit pas ce qui pourrait les en empêcher. Si l’on avait dit à nos grands-parents ce que nous faisons avec nos smartphones et tous les objets connectés, ils ne nous auraient pas pris au sérieux ! L’innovation ne va pas toujours dans le sens attendu, et il arrive qu’elle aille beaucoup plus vite qu’on ne l’avait imaginé !

 En tout cas, si ça arrive, moi je trouve que c’est la continuation du progrès de l’humanité: à travers toutes ces inventions, on ne cherche que le bien de l’homme, finalement. C’est ce qui compte. Vous imaginez! Si on peut développer notre potentiel – intelligence, mémoire, capacités de notre corps, etc. – il n’y aura plus de personnes limitées, handicapées, fragiles… Il n’y aura plus que des hommes parfaits! Notre cerveau sera un giga-ordinateur!

Oui, nous pouvons nous attendre à des améliorations médicales réelles. Par exemple, les travaux sur les nanoparticules pour soigner les cancers sont vantées comme très prometteuses. De même, tout le domaine des prothèses pour soigner telle ou telle partie du corps est en vogue. Et qui se plaindrait du progrès médical ? Mais qu’appelez-vous un « homme parfait » ? La perfection humaine, à mes yeux, ne consiste pas dans la performance du corps : un champion du monde de boxe est-il vraiment plus parfait que ne l’a été mère Teresa par exemple ? En tout cas, on voit dès aujourd’hui comment les technologies appliquées à l’homme risquent de le vider de sa vie intérieure, notre plus grand trésor. On risque même de parvenir à une redéfinition de l’homme fondée sur la performance, mais alors, quelle place laisserons-nous à tous ceux qui (handicapés, malades mentaux par exemple) n’entrent pas dans ces critères ?

 Mais quand même, il y a des choses très positives dans tout ça: ça va entraîner une évolution de la médecine si on peut anticiper toutes les maladies, au point que quand on naîtra, on sera programmé pour ne pas tomber malade

C’est le scénario du film Bienvenue à Gattaca. Mais justement, tout n’est pas si rose dans ce film, loin de là ! Une fois de plus, c’est la performance qui est visée : le corps résistant aux maladies. Mais, problème ! Quand les parents ne sont pas « performants », qu’ils sont diabétiques, cardiaques ou considérés comme ayant un QI faible, que faire ? On les « arrange » en introduisant les gènes d’un « troisième » parent ? José Bové a déjà fait connaître son opposition. Ou alors, veut-on interdire l’union de ces « parents », comme certains États l’ont déjà proposé ? Quelle légitimité aurions-nous pour cela ?

 L’homme ne connaîtra plus de limites, il sera tellement plus puissant qu’aujourd’hui, son intelligence sera immense, il n’aura plus d’émotions négatives, et en plus il sera quasiment immortel: c’est l’homme en mieux, sans défaut!

Oui, c’est l’homme plus puissant et sans défaut « génétique », ce qui ne veut pas dire sans défaut moral ! Aujourd’hui, beaucoup déplorent la part grandissante de la solitude et de l’indifférence autour d’eux. Ils désirent une société plus humaine et plus chaleureuse. Or, ce que nous proposent ces technologies, c’est de pouvoir communiquer avec ceux qui sont loin au risque de nous couper de nos proches. La vie, c’est la relation aux autres : à quoi bon être immortel si c’est pour ne plus rencontrer personne ? Au fond, les transhumanistes ne semblent pas désirer que l’homme soit plus humain. Ils veulent plutôt qu’il s’affranchisse de toutes ses limites pour devenir un être radicalement nouveau. C’est pourquoi on parle aussi d’un monde « posthumain » comme si le temps de la transformation par le transhumanisme n’était qu’une transition. Alors, l’homme serait son propre créateur ; ce serait une humanité 2.0.

 Vous semblez dire qu’en fait, vous n’avez pas la même notion de l’homme que le courant transhumaniste.

En effet, je ne me retrouve pas vraiment dans la représentation de l’homme défendue par ce courant. Il me semble que l’homme se caractérise par cet alliage improbable d’une grande fragilité (corporelle) et d’une immense puissance intérieure. Il n’y a rien sur terre de plus profond que l’esprit humain, lequel habite dans un corps fragile. Dans les désirs transhumanistes, l’homme serait plutôt une espèce d’ordinateur humanisé ou bien un animal robotisé. On veut combler la fragilité de son corps sans s’intéresser à sa profondeur intérieure.

 On dirait que ça va être la fin de l’humanité telle qu’on la connaît aujourd’hui. L’homme n’aura plus rien de naturel. Ça risque d’être conflictuel, si une partie de l’humanité résiste et veut rester naturelle, tandis que l’autre deviendra robotisée…

Le professeur Warwick qui s’est déjà implanté plusieurs puces dans le corps, n’a pas hésité à dire que dans les années à venir, ceux qui refuseront de fusionner avec la technologie « constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur ». Au-delà des questions sur le droit de l’homme à se transformer, à modifier son corps indéfiniment, se pose aussi la question de l’inégalité. Si, moyennant finance, un homme peut décupler ses capacités intellectuelles ; si la recherche sur l’augmentation de l’espérance de vie ne profite qu’aux plus aisés, où sera la justice sociale ? Déjà un journal titrait il y a quelques mois : « Seuls les riches seront immortels. »

Nathanaël Garric
Ce jeune prêtre de la Communauté de l’Emmanuel est vicaire à la paroisse de la Trinité, à Paris. Il est parti en mission avec l’ONG Fidesco à Salvador de Bahia, au Brésil, de 2008 à 2009.

Aller plus loin : 

Le transhumanisme ou quand la science-fiction devient réalité, Jean-Guilhem Xerri, Documents Épiscopat, 2013

La tentation transhumaniste, Franck Damour, Salvator, 2015

www.ecologiehumaine.eu

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