STÉPHANIE PILLONCA : « JE CROIS EN UN DIEU QUI NOUS GUIDE ET NOUS APAISE »

22 septembre 2020

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Stéphanie Pillonca été comédienne, animatrice, chroniqueuse et journaliste à la télévision. Elle se consacre aujourd’hui à la réalisation avec une sensibilité et un talent hors du commun. Après un documentaire exceptionnel chez les Petites Sœurs de Bethléem à Bet Gemal, en Israël, la réalisatrice nous offre un téléfilm à pleurer d’émotion au titre éloquent : Apprendre à t’aimer.

PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE MEYER

Ce n’est pas banal de passer devant puis derrière la caméra. Qu’est-ce qui a changé ? J’ai eu envie de raconter des histoires et surtout, j’ai été convertie. J’ai pris conscience que mon existence, dans cette société de consommation, soumise aux exigences de l’image et du paraître, ne me satisfaisait plus. Je suis née en 1971 et j’ai reçu le baptême pendant les Journées mondiales de la jeunesse de Rome en 2000.

Votre conversion est-elle le fruit d’une rencontre ou d’un phénomène plus mystérieux ?Le mystérieux : une soif d’absolu, le désir de m’unir à quelque chose de plus grand que nos motivations quotidiennes dictées par l’époque actuelle. C’est le fruit d’une quête de spiritualité et d’une rencontre avec quelque chose qui nous dépasse, qui est plus fort que nous, la volonté d’entrer dans une espérance qui allait me donner beaucoup de joie.

Ces derniers mois, beaucoup d’entre nous ont remis en question leur métier, leurs habitudes, ont cherché des réponses au fond de soi… Les réponses ne sont pas en nous, je ne le pense pas. Il faut pouvoir élever son esprit, son âme, vers quelque chose de plus secret, de plus insondable, de plus mystérieux et qui interroge et guide les êtres humains depuis la nuit des temps. Quelle que soit la foi ou le credo, il y a quelque chose de plus fort que nous.
Je crois beaucoup à la responsabilité et au discernement personnels. Nous sommes appelés à nous prendre en main et je ne partage pas l’avis de ceux qui disent que le mal qui nous accable est une épreuve envoyée par Dieu. Dieu ne nous éprouve pas. Je crois en un Dieu miséricordieux qui nous guide, nous apaise et nous pardonne. C’est notre propre impuissance, notre indignité et notre propre misère qui nous punissent. Face à l’amour, on se rend compte à quel point nous avons suivi un mauvais chemin, commis des erreurs.

Pourtant, quand le handicap vous tombe dessus, on pourrait accuser la fatalité, se dire : « Je n’y arriverai pas, je n’aurai pas la force… » Quand on croit en Dieu – et je crois – j’ai l’intime conviction qu’il nous est demandé d’accomplir quelque chose. D’ailleurs, si l’on s’intéresse un peu aux écritures, il n’y a qu’un seul commandement que le Christ nous ait laissé, une seule parole : faites du bien aux plus petits d’entre les miens. « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matt 25, 40).
Le plus affaibli, le plus amoindri, le plus vulnérable est bien souvent celui qui est en situation de handicap, celui qui est porteur de différence, de particularité. Je pense que c’est vers lui qu’il faut se tourner si l’on croit en Dieu.
Le plus petit a la figure de l’autre, du différent, de l’étranger, du migrant, de celui qui est dans la souffrance, de celui qui est scruté, jugé, qui n’a pas de maison, qui est ostracisé. À travers le han- dicap, on peut vivre tout cela à la fois.

C’est une question qui occupe une place importante dans vos films… Oui, les personnes en situation de handicap sont souvent jugées, dans l’ombre, dénigrées, dévalorisées, ou vivent dans des conditions inextricables économiquement. Je veux raconter comment vivent les familles, comment une femme, un homme, peut vivre avec cette différence.
C’est mon quatrième film sur le handicap et je me rends bien compte que dans la société, même si nos concitoyens ont une volonté spectaculaire de se pencher vers le différent, le différent ne rapporte rien économiquement. Celui qui est porteur de particularité ne suscite pas le moindre désir. Il ne ressemble pas à ce que l’on croit bien ou beau, ou bon. Son enveloppe physique, son pouvoir d’achat, sa place sociale sont différents. On le met de côté.

Comment lui rendre sa juste place ? Sur le chemin, les personnes porteuses de handicap sont les lanternes, elles nous amènent à nous interroger sur nous-mêmes et à progresser, à nous adapter. Elles donnent le « la » à la musique de nos vies.
Je pense qu’il vaut mieux témoigner par ses actions que de faire du bruit sur les réseaux sociaux. Les plus grands spirituels que j’ai rencontrés étaient des gens qui ne jugeaient jamais et ne parlaient presque pas de Dieu. Leur façon de parler de Dieu, c’était d’agir et d’apporter un tout petit peu de bonté et de réconfort autour d’eux.
Sans la moindre prétention, j’aimerais à mon tour changer le cœur des hommes et apporter un peu de réconfort. Voilà ma petite responsabilité en tant que personne qui aime Jésus : que puis-je faire de sympa pour l’humanité ? Je veux témoigner petitement par mes actes.

Le public ne cache pas son amitié pour les personnages de cinéma en situation de handicap et paradoxalement, le législateur s’acharne à les faire disparaître. Quel est votre regard là-dessus ? Cela me frappe, c’est un truc de fou ! Il y a une dichotomie phénoménale entre ce qu’attendent les gens dans la vie et ce que votent nos législateurs. La majorité des français est disposée à la différence, au soin, à l’accueil, aux bras ouverts…

Mais qu’est-ce qui les motive, si ce n’est pas l’intérêt général ? Vous savez, il n’y a pas que le bien dans la vie, il faut l’accepter, accepter qu’il y ait des combats. Je préfère faire l’éloge de la faiblesse, de la vulnérabilité, de la différence, que de faire l’éloge du sans-faute, du parfait, du prévisible, du « garanti 100% ». La vie n’est jamais « garantie 100% ». Il y a la mort, il y a les écueils et il y a la différence, et ça, on ne pourra pas le changer, c’est comme ça. Nous en souffrons tous.
La vie est faite de grandes déceptions et de grands rendez-vous. Au cœur du mal, il y a des fioretti, des petites fleurs qui éclosent dans le champ des souffrances.

« Voilà ma petite responsabilité en tant que personne qui aime Jésus : que puis-je faire de sympa pour l’humanité ? »

Depuis 2010, je vis en immersion dans le handicap. J’ai rencontré beaucoup de parents qui m’ont confié de prime abord : « On ne voulait pas d’enfant handicapé. Si l’on avait su, on aurait dit non, enlevez-le. » Et tous m’ont dit : « Mais qu’est-ce qu’on est content de pas avoir su. Cet enfant nous a fait grandir, progresser dans la vie. Il a changé notre cœur, nos regards, nos capacités, il nous a élevés, car il nous a appris la tolérance, l’humilité, la bienveillance, à aller au-delà de nous-mêmes. » Bien sûr qu’il est dur de vivre avec un enfant ou un parent handicapé ! Évidemment que c’est un chemin de croix ! Mais j’entends tellement plus parler d’amour dans ces familles. Je vois combien ces enfants sont aimés, combien ils sont des instruments de paix dans les familles.

Elles nous apprennent à être redevable du don que la vie nous a fait d’être en bonne santé ? On se sent petit car les personnes en situation de handicap transcendent toute chose, elles ont une grande force. Je me sens souvent minable devant elles !

Que voulez-vous dire aux parents ? C’est une grande responsabilité de donner la vie et d’élever des enfants, c’est un grand chemin. La vraie clé, c’est l’amour et le pardon, quoi qu’il se passe.

Que voulez-vous transmettre à vos enfants ? Je suis fière quand je les vois émus par l’autre, attentif à celui qui est dans le besoin, celui qui est dans l’attente. La capacité à s’émouvoir, à avoir un cœur tendre, voilà le principal. On élève nos enfants pour qu’ils aillent en prépa, qu’ils fassent des études supérieures mais on oublie la part mystérieuse de l’empathie.
À trop chercher à avoir des enfants parfaits, avec un parcours scolaire remarquable, une situation florissante et une grande réussite professionnelle, on en oublie la grâce, la magie de tendre la main. Ce qui compte c’est de se dire que l’on s’aime, de donner de l’amour. Donner de l’amour et de la sécurité affective, c’est tout ce qui compte.

SON DERNIER FILM

Apprendre à t’aimer, avec Julie de Bona et Ary Abbitan. Diffusé le
8 septembre sur M6, ce téléfilm raconte l’arrivée d’une enfant porteuse de trisomie 21 au sein d’une famille ordinaire. Un plaidoyer sensible et émouvant pour l’acceptation de la différence, qui a conquis pas moins de quatre millions de téléspectateurs.

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