MIEUX VIVRE EN FAMILLE

28 mars 2024

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Se rencontrer soi-même pour rencontrer l’autre. Thomas d’Ansembourg, psychothérapeute et formateur en Communication NonViolente®, nous offre des clés indispensables pour mieux se connaître d’abord, pour devenir un Nous confiant, ensuite.

PAR ANNE-CLAIRE DÉSAUTARD-FILLIOL

Comment les situations de conflit naissent-elles dans les familles selon vous ?

La plupart du temps, les conflits sont basés sur des malentendus qui sont eux-mêmes basés sur des mal-écoutés. Souvent, les conflits révèlent un manque d’écoute, d’attention profonde à l’un et à l’autre. Sachant cela, nous avons déjà une clé pour la résolution du conflit. Apprenons d’abord à nous écouter nous-même pour clarifier ce que nous voulons vraiment, pour ensuite bien écouter l’autre.

Comment apprendre à s’écouter soi-même ?

On apprend en prenant conscience que la plupart du temps, nous ne savons pas nous écouter. Nous prenons nos habitudes pour de l’écoute. Je n’écoute pas l’autre, je coupe l’autre, j’argumente et on parle de soi avec des « tu devrais, à ta place je, de mon temps j’aurais »… Ecouter, c’est la fermer !Cela s’apprend avec patience, en acceptant que la relation se nourrit avec du temps. Ce n’est pas un automatisme. Nous avons besoin de développer de la confiance. Beaucoup de relations sont compromises par la crainte, la peur, l’appréhension. A mes yeux, c’est extrêmement précieux de se rappeler que le contraire de l’amour, ce n’est pas la haine, qui est un amour très blessé, mais la peur. Si nous nous rappelons cela, nous serons plus vigilants dans nos rapports humains à s’occuper de notre peur plutôt que de contrôler l’autre, diriger l’autre car nous avons peur. Ce n’est pas un petit détail que de reconnaître que j’ai peur et que cette peur m’appartient, que je vais la travailler sans l’imposer à l’autre.

Un couple qui se déchire, est-ce irrémédiable ?

Le fait d’être en conflit est parfaitement naturel. Nous ne ferons pas l’économie du conflit dans nos vies. Il vaut mieux un couple de frictions qu’un couple de fiction. Il est important de savoir et d’accepter que la friction fait partie de la vie. C’est intéressant de voir comme le conflit peut devenir fécond. Il permet de trouver une valeur ajoutée dans le fait de s’être rencontré au-delà de nos postures premières. Si nous apprenons ce travail de ne pas éviter le conflit en s’asseyant pour se parler et s’écouter en profondeur, avec patience, détermination, avec l’engagement de se rencontrer au-delà du conflit, nous pouvons grandir dans le Nous.

Alors il vaut mieux casser des assiettes plutôt que de ne pas se parler ?

Il est bon de savoir anticiper la présence de la colère pour arriver à l’exprimer à temps et dans la bonne mesure (et à la bonne personne !) sans passage à l’acte ! Il existe une règle d’hygiène de conscience : je ne laisse pas ma frustration, ma mauvaise humeur, ma colère m’envahir au point de passer à l’acte. Je la perçois à temps, je m’assois avec mon émotion pour la comprendre et je prends le temps de trouver les mots pour la dire d’une façon qui soit audible et compréhensible.

Le travail de la Communication NonViolente® va bien au-delà de la communication horizontale (j’apprends à te dire les choses de façon plus aimable, j’apprends à écouter d’une façon plus attentive). L’aspect le plus important, c’est la communication verticale. Réussir à te dire ce que j’ai à te dire alors que je bouillonne d’énervement suppose que j’ai travaillé mon ancrage dans qui je suis vraiment. Je travaille la personne qui n’est plus dans l’action-réaction mais qui a besoin de nourrir une relation sur le plan de l’être et de l’être ensemble. De même, pour apprendre à t’écouter alors que j’entends bien, dans le ton que tu utilises, que tu es très en colère, j’ai besoin d’un bon ancrage pour ne pas partir dans le mimétisme de la violence.

Quand le couple devient famille avec la naissance des enfants, comment cela peut-il se passer au mieux ?

Nous voyons que pour arriver à conjuguer tout cela, nous aurons besoin d’un espace de recul, un espace d’intériorité. J’ai besoin d’apprendre à connaître le meilleur de moi-même, ma vraie personne au-delà du personnage encodé par les enjeux de la famille, de la société, des éducations… Nous avons besoin de nous rencontrer profondément pour pouvoir être profondément en lien avec l’autre et éviter de reproduire les mécanismes liés aux blessures d’enfance. Beaucoup de conflits viennent de ce qu’on n’a pas nettoyé ces blessures d’enfance. Cette hygiène de conscience est nécessaire. Comme nous avons une hygiène physique qui nous invite à prendre des douches pour nous nettoyer et être d’une fréquentation agréable, nous avons besoin d’une douche psychique quotidienne pour être agréable aux autres.

Comment prend-on cette douche d’hygiène psychique ?

En se posant plusieurs fois par jour et en se demandant ce que l’on demande de nombreuses fois aux autres : comment tu vas ? Prendre trois minutes, en sortant du travail, après avoir amené les enfants à l’école… pour se demander comment on va, quels sont nos besoins et les émotions qui nous traversent. Nous sommes la première personne dont nous avons besoin de prendre soin. Nous sommes le premier être humain dont nous avons la charge. Est-ce que je prends soin de savoir s’il va bien, s’il se sent écouté, aimé, soutenu, aidé, aligné sur son fil rouge ? Est-ce que je le musèle, je l’empêche de vivre, je n’écoute pas ses tristesses, je n’ai pas d’empathie pour ses peurs et ses colères, je fonce de choses à faire en choses à faire sans me rencontrer ? Si je ne m’occupe pas de ma colère née au boulot à cause de mon collègue, de mon patron, c’est mon enfant qui prendra le soir dès la première irritation car je n’ai pas pris ma douche psychique pour clarifier « comment vas-tu, en sortant du boulot ? ». Je me prends trois minutes de sas, dans la voiture, sur un banc… pour clarifier : je suis agacé par le collègue car il fume sur la plateforme, j’irai lui parler demain pour régler ça. Le rendez-vous est pris, je peux décompresser et retrouver mon rôle de parent à la maison. Le risque, c’est que si je ne me rencontre pas moi-même, je ne pourrai pas rencontrer l’autre. Si je n’ai pas d’empathie pour moi, je n’aurai pas d’empathie pour l’autre.

Les « il faut », « tu dois », comment les transformer en choix ?

Ils sont l’expression d’une vieille programmation de vivre dans la contrainte, dans l’obligation, dans le non-choix. Cela ne rend pas heureux. Cela inhibe la capacité de faire ce que nous aimons faire pour donner le meilleur de nous. Nous avons besoin d’apprendre à transformer nos « il faut » en « je tiens à », « c’est important pour moi de », « j’ai du goût pour » et j’accepte les inconforts qui vont avec mes choix, c’est la clé ! Accepter que ce n’est pas parce que je tiens profondément à quelque chose que ce sera tout confort. Aujourd’hui, la jeune génération a compris. Elle questionne sur le sens profond de ce qu’on leur demande. C’est très heureux !

Dans votre livre Cessez d’être gentil, soyez vrai, vous dites « Si nous imposons nos demandes comme des exigences, nous obtenons soit la soumission, soit la rébellion, et pas la rencontre ». Comment parvenir à cette rencontre ?

Nous avons besoin d’apprendre à penser en terme de Nous. Beaucoup de divisions viennent de ce que nous sommes ancrés dans une vision binaire de la réalité. Il y a « je, me, moi » qui est souvent un peu autoritaire, avide, accapareur, face à « tu, te, toi » qui est vécu comme menaçant, hostile. Cela divise, sépare, rejette. Nous avons vraiment besoin de dépasser cette vision binaire et de penser en terme de Nous. C’est comme ça que nous avons besoin d’apprendre à élever nos enfants, dans un joyeux partenariat. Transmission, partage, connaissance de soi, liberté… Quand le différend s’installe, est-ce que nous sommes habités par la joie et par la confiance ? La CNV®, c’est l’idée que là où nous sommes, nous pouvons créer du Nous.

Vous dites aussi : « Retrouver la présence, la joie et le goût de la vie, même à travers ses difficultés les plus crues, sans les nier ni les refouler ». La gratitude et l’acceptation du présent sont-elles la clé d’une joie ancrée ?

Commencer la journée par le constat joyeux que nous sommes vivants, c’est un bon début ! Réaliser que nous sommes en bonne santé, mesurer dès le matin toutes les chances que nous avons d’avoir à vivre une nouvelle journée. Muscler en nous un état de plus en plus stable de gratitude pour que nous puissions travailler les enjeux plus contraignants. Si je me plains dès le matin de ce qui ne va pas, s’il m’arrive en plus des tensions, je ne vais pas tenir. Je voudrais que les parents réalisent que leur façon d’être imprègnent la façon d’être au monde de leurs enfants. L’enfant n’écoute pas ce que vous dites, ne fait pas ce que vous faites mais imite ce que vous êtes.

Thomas d’Ansembourg est psychothérapeute et formateur en Communication NonViolente®. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, notamment le célèbre Cessez d’être gentil, soyez vrai.

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