Dans les pratiques ésotériques, on prie. Mais qui prie-t-on ? Qui répond ? Le discernement de saint Ignace est un indispensable pour voir clair dans sa vie. Entretien avec le père Philippe Barbier des Coopérateurs Paroissiaux du Christ Roi.
PROPOS RECUEILLIS PAR ANNE-CLAIRE DÉSAUTARD-FILLIOL
D’après saint Ignace, comment cela se passe-t-il pour savoir si j’écoute Dieu et non le démon dans ma vie ? Pour savoir qui est en train de me souffler des « conseils » à l’oreille sur ce que je dois faire, saint Ignace de Loyola, spécialiste en discernement, demande en premier lieu d’être « en bons termes » avec le Seigneur. Ce qui veut dire que, si je fréquente Dieu habituellement en lisant la Bible et particulièrement les Evangiles, si je prends du temps pour prier, si je fais le bien autour de moi et si je travaille à conformer ma vie aux commandements de Dieu, je suis en train de prendre peu à peu la mentalité de Dieu, le Bien par excellence. Quand j’étais gosse, les parents nous disaient « Qui se ressemble, s’assemble ». On peut retourner le dicton : « Qui s’assemble, finit par se ressembler. » Ainsi, à force de passer du temps avec Dieu et de l’imiter, je prendrai sa mentalité. Du coup, presque automatiquement, je verrai arriver le démon, Esprit du mal, avec ses gros sabots fourchus. Saint Ignace explique que chez les amis de Dieu, « ceux qui vont de bien en mieux », le Démon entre bruyamment et de façon perceptible, « avec bruit et agitation, comme lorsque la goutte d’eau tombe sur la pierre. ». Il convient donc de savoir se livrer à une bonne introspection, s’examiner sur les sentiments qui nous habitent et juger paisiblement de leur qualité, particulièrement en identifiant leur origine et leurs conséquences possibles. Si tout est bon, je suis en train d’écouter Dieu, l’Esprit du bien est mon allié. Si ce n’est pas le cas, il y a beaucoup à parier que je suis sous l’emprise du Tentateur.
Pourquoi une bonne intention ne suffit-elle pas à aller dans la bonne voie ?
L’intention est très importante, mais, dans l’attelage de la vie, elle doit avancer unie à ce que j’appellerais « le bien objectif ». On comprend aisément qu’une bonne intention n’est pas suffisante et qu’il faut scruter tout autant la valeur intrinsèque de ce que l’on fait, avec ses origines, ainsi que ses conséquences pour soi et pour les autres. Faire le mal envers soi ou envers une autre personne, retire l’adjectif « bonne » du binôme « Bonne intention ». C’est alors une intention « erronée », « tordue ». Cela demande des critères, de la réflexion et d’avoir appris à ne pas suivre le « premier sentiment » que j’éprouve. On touche là un aspect essentiel de l’école de la vie où la spontanéité est mauvaise conseillère.
Qu’est-ce que le discernement ?
Je répondrai tout simplement avec des paroles du Pape François qui écrivait en 2018 : « Comment savoir si une chose vient de l’Esprit Saint ou si elle a son origine dans l’esprit du monde ou dans l’esprit du diable ? Le seul moyen, c’est le discernement qui ne requiert pas seulement une bonne capacité à raisonner ou le sens commun. C’est aussi un don qu’il faut demander. Si nous le demandons avec confiance au Saint Esprit, et que nous nous efforçons en même temps de le développer par la prière, la réflexion, la lecture et le bon conseil, nous pourrons sûrement grandir dans cette capacité spirituelle. »
Comment est-on sûr que l’on adresse la bonne prière ?
Le contenu de ce que l’on demande doit, certes, être bon. Ainsi, je ne vais pas demander la mort de mon chef de service sous prétexte qu’il me harcèle de plus en plus. Ça n’aurait pas de sens. Une fois que je suis certain que l’objet de ma demande est bon, il est essentiel de demander avec conviction, confiance et aussi détachement, parce que Dieu sait mieux que moi ce qui est vraiment bon pour moi, ici et maintenant.
Comment discerner ce qu’il se passe en moi avant, pendant et après une prière pour travailler à la gloire de Dieu et au salut de mon âme ?
Outre tout ce qui vient d’être dit, j’ajouterais que la paix intérieure, une joie durable, une joyeuse espérance, le sentiment et la certitude d’être aimé de Dieu, ainsi que la volonté de mettre Sa volonté au-dessus de la mienne (détachement intérieur), sont des critères excellents de discernement.
