QUELLE EST MA MISSION ?

29 août 2023

11 L1v N146 Richard de Sèze

Sommes-nous tous sur cette terre pour une juste cause ? Quel est le but de mon existence ? Pourquoi marcher dans les pas de Jésus, des saints ou des sages ? La mission que Dieu assigne à tous les chrétiens est-elle impossible ? En cette rentrée, pleine de nouveaux défis, Lili Sans-Gêne voit s’éloigner la quiétude des vacances avec une pointe d’amertume et se pose bien des questions existentielles. Son contradicteur parviendra-t-il à lui faire entrevoir le sens de sa vie ?

LE DÉBAT ENTRE LILI SANS-GÊNE ET RICHARD DE SEZE

 

Lili Sans-Gêne  Vous les cathos, vous n’avez que le mot « mission » à la bouche, vous vous êtes crus dans un film de conquistadors ou dans un blockbuster avec Tom Cruise ?

Richard de Seze On se sent plus Tom Cruise partant pour sauver le monde, hein, et je dois dire que Mission : impossible paraît bien résumer la chose juste avant qu’on se lance. Après, on se retrouve avec Sœur Emmanuelle ou le Dr Adel Ghali au Caire, deux « conquistadors » qui se sont lancés à l’assaut des bidonvilles égyptiens pour y annoncer l’Évangile et, surtout, le pratiquer. Sans argent, sans fanfare, sans épée, sans arme ni haine, ils ont réussi à amener l’espérance là où il n’y avait que le fatalisme. Et je ne parle pas de toutes les « petites » missions entreprises, à bas bruit, auprès de tous les petits, les faibles, les ignorés et les méprisés. Ça ne remplit pas les livres d’histoire mais ça remplit le cœur de ceux qui reçoivent comme de ceux qui missionnent.

Par acquis de conscience, j’ai ouvert la bible et j’ai lu : « Jésus appela les Douze et commença à les envoyer en mission deux par deux »(Mc 6, 7). D’abord, je ne crois pas faire partie du collège des Apôtres ; ensuite, j’aurais l’air maligne de partir en mission toute seule !

Je crois qu’on n’est jamais seul. Quand sœur Roselyne [l’héroïne du dernier ouvrage de Richard de Seze, En arrivant au Paradis] arrive au Ciel, elle emporte avec elle les intentions de prière de ses sœurs, le souvenir de ceux qu’elle a aimés. Sur terre, nous avons le sentiment – ou nous devrions l’avoir – d’appartenir à quelque chose qui nous précède, nous dépasse et nous emmène : famille, patrie, métier, passion commune, religion (on a aussi notre ange gardien mais il faut y croire)… Nous pouvons même avoir le sentiment, et la certitude, de la présence de Dieu, qui n’est pas sensible mais qui est bien réelle. On peut partir en mission en se sentant soutenu par ces forces. Je trouve très touchantes les vies de petits saints, sainte Germaine de Pibrac ou saint Benoît-Joseph Labre, dont on sent bien qu’ils sont animés par quelque chose d’infiniment grand qu’ils perçoivent et dont ils se nourrissent. Leur vie paraissait sans fruit et sans intérêt à leurs contemporain mais leur mission n’est toujours pas finie grâce à ceux qui les prient.

À vous entendre, nous sommes appelés à changer le monde, à convertir la terre entière. Permettez-moi de vous rappeler les mots de saint Paul : « N’ayez pas de prétentions déraisonnables, mais pensez à être raisonnables, chacun dans la mesure de la mission que Dieu lui a confiée » (1 Co 9, 17). Et toc !

J’aime beaucoup cette phrase de saint Paul. Surtout quand on considère ce qu’il a accompli : si être raisonnable c’est changer radicalement de vie, parcourir quelques milliers de kilomètres en transformant le regard que les Juifs posent sur les Gentils [du latin gentiles, les « nations », autrement dit, les non-Juifs] en discutant passionnément avec tout le monde et en écrivant des textes définitifs, je vais essayer d’être raisonnable. On peut même être raisonnablement raisonnable et commencer par parcourir quelques dizaines de kilomètres ou convertir ceux qui sont juste autour de nous. Notre mission, nous la découvrons chaque jour en étendant un peu notre champ d’action. On est très surpris de voir qu’il finit par excéder largement les limites que nous pensions avoir. À croire que Dieu y met la main !

Votre dernier livre est bien joli, vous y parlez de la prière pour les uns, d’allumer un petit cierge pour les autres… Qui vous dit que Dieu vous écoute ?

C’est vrai que mes contes sont jolis ! En tout cas, j’ai essayé qu’ils soient joyeux, ce qui est bien normal quand on parle du Paradis (et même du purgatoire !), et qu’ils montrent qu’aider son prochain n’est pas une entreprise héroïque ou titanesque. Prier suffit, en faisant confiance au Bon Dieu pour le reste. Pour le croyant, Dieu nous écoute, c’est une certitude. Et la Vierge, et les saints, et les bienheureux… Mais être écoutés et être exaucés sont deux choses différentes, ne serait-ce que parce qu’on ne demande pas toujours ce qui est bon pour nous. La communion des saints, c’est aussi se dire qu’aucune prière n’est perdue, qu’elle alimente un immense réservoir de grâces qui sauront trouver leur emploi.

Dans le fond, tout cela n’est-il pas que « vanité des vanités », comme dit la Bible ? À chaque jour suffit sa peine, la mission attendra que j’aie un peu de temps pour ça !

La mission n’est pas toujours une entreprise grandiose, une aventure pleine de bruits et de couleurs, une plongée exaltante dans l’inconnu. La mission est d’abord se donner entièrement à ce qu’on fait, être totalement présent à l’instant même qu’on est en train de vivre. Le temps de la mission, c’est maintenant. La mission, c’est être intense, même quand il ne s’agit que de décharger un camion, d’être assis, silencieux, à côté d’un malade ou de jouer avec un enfant. Des gens malades sont en mission quand ils se saisissent d’un chapelet hors du commun – alors que Dieu nous fait signe à tous, chaque jour, en mettant sur notre route des tristesses à consoler, des peines à soulager et nous demande, simplement et explicitement, d’aimer les autres. Même le collègue qui nous énerve ou le camarade qui nous exaspère. Ça manque de panache, c’est sûr, mais c’est très efficace.

En quoi la « mission », avec tout ce qu’elle comporte d’effort et de frustration, est-elle un chemin de bonheur ?

Parce qu’elle nous délivre de nous-même. Centré sur moi-même, je finis par ne plus contempler, avec des yeux de myope, qu’une cellule qui sent le rance. Tourné vers les autres, je me dilate aux proportions du monde, surtout si je le fais en essayant de goûter Dieu dans les autres. Le divin est dans l’ordinaire, dans la succession tranquille et même monotone des instants. Oui, c’est difficile de mesurer ce qui a été accompli et de trouver que cela pèse peu. Mais le piège, c’est la quantité. Vous imaginez la prodigieuse intensité que prend le monde quand on y décèle la présence du divin ? Comme un entomologiste qui s’émerveille d’un insecte, un astronome qui contemple le mouvement des galaxies ou un horloger qui place un rouage. Le sens de la mission en surpasse les tangibles résultats. Quand je pars et surtout suis en mission, je me rends perméable à Dieu et peu importe ce que j’ai accompli aux yeux du monde.

Votre petite religieuse a passé sa vie dans un couvent qui périclite, à fabriquer des confitures. C’est une vraie mission ?

Sœur Roselyne a prié chaque jour pour tous ceux qu’elle croisait, et d’abord pour ses sœurs. Elle s’est donnée pour mission de prier pour tous les hommes, même ceux dont elle ignorait les exacts besoins (les confitures ne suffisent pas à tout), bien certaine que le Bon Dieu ne les ignorait pas. Et au Paradis, elle continue. Nous prions les morts et les saints en espérant qu’ils nous entendent et intercèdent pour nous : sœur Roselyne s’attache à ce que les prières soient exaucées, elle est dans la bonne place, elle en profite ! Et elle en profite pour nous donner deux ou trois tuyaux pour mener à bien nos propres missions.

 

 

Consultant en communication, Richard de Seze est aussi journaliste culture pour plusieurs périodiques. Il a récemment publié, aux Éditions du Cerf, En arrivant au Paradis (2023, 160 pages, 14,90 €) et Les 33 meilleures blagues de Jésus avec Basile de Koch (2021, 160 pages, 15 €).

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