Pascal Légitimus : Métis pas sage

11 février 2012

Pascal Legitimus

 Rencontre. Du Petit théâtre de Bouvard, au triomphe des Inconnus, de sa carrière solo au succès théâtral de Et plus si affinités (avec Mathilda May), l’inconnu célèbre revient sur scène dans un spectacle très personnel.

Propos recueillis par Emmanuelle Dancourt

Est-ce violent de livrer sa vie sur scène ?

Non. J’avais envie de parler de mon métissage depuis longtemps. C’est le spectacle de la maturité artistique.

Vos deux familles sont très différentes ?

L’énergie, la manière de faire et de penser sont antinomiques.
La culture arménienne est assez austère. La blessure du génocide (en 1915) est encore très vive.
La culture antillaise semble plus festive. En apparence, mais au fond elle est triste. L’impact de l’esclavage est encore fort. Les Antillais sont des fêtards a fortiori.
L’Arménie c’est Aznavour ! Oui je sais, c’est comme si on apprenait qu’Aznavour est Antillais ! Mon physique est trompeur avec cette couleur entre deux chaises. Métis, c’est particulier à vivre mais intéressant. Je n’aurais pas dit cela il y a trente ans !

Enfant, vous en avez souffert ?

Le délit de faciès, je connais. Être le seul enfant de couleur de la classe n’est pas facile : il faut serrer les poings pour se défendre. De quoi d’ailleurs ? De rien.

Vous avez été traumatisé par les films de Tarzan.

Les seuls noirs du film portaient les bagages et se faisaient dévorer par les crocodiles ! J’ai voulu prouver qu’on peut être autre chose, au cinéma, que le repas de carnassiers affamés !

Cette double culture vous a enrichi : un souvenir typique ?

Nous partions en vacances sur la presqu’île de Gien, où mon père animait un village vacances. En juillet, arrivait ma grand-mère antillaise, Darling Légitimus. Elle était actrice, très diva et chantait toute la journée. En août, place à ma grand-mère arménienne, plus posée, plus inquiète, moins légère. J’ai hérité des deux.

Votre père était acteur et chanteur de jazz.

Il y avait beaucoup de musique à la maison. Mon père faisait des bœufs avec des copains : Sacha Distel, Henri Salvador.

Lui, le saltimbanque noir, a été rejeté par la famille de votre mère.

Mes parents se sont rencontrés au bal de la Solidarité Antillaise. Mon père jouait dans l’orchestre et maman est tombée amoureuse de lui. À leur mariage, il y avait un seul Arménien : mon grand-père. Je suis un enfant de l’amour. Et de la culpabilité aussi.

Du ressentiment ?

Non. Ma famille a agit par peur. Quand on est issu d’une diaspora, on est clanique, on veut le meilleur pour les siens : belles études, beau mariage. Là, c’était l’inverse !

Vous avez fréquenté l’Église, enfant ?

Beaucoup. Ma mère m’emmenait à l’église arménienne où le prêtre parlait souvent du génocide. L’atmosphère était tendue.

Des souvenirs de catéchisme ?

J’aimais bien y aller. Je posais des tas de questions : comment s’est allumé le buisson ardent ? Comment Moïse est monté en haut du mont Sinaï, à 2285 mètres, sans piolet et en djellaba ? Puis j’ai compris que, ce qui comptait, c’était l’amour de soi et des autres. J’y ai appris à être bon.

Le Christ a-t-il de l’humour ?

Je retiens surtout qu’il était juste. Toujours le bon mot au bon moment, l’intelligence des situations, comme avec les marchands du temple.

Quelle relation avez-vous avec Dieu ?

J’ai été baptisé dans l’Église arménienne, élevé au vin de messe. Mais j’ai cessé de pratiquer à quinze ans, au départ de ma mère. J’ai la foi. Je prie. Et, ce qui me fascine, c’est que mes prières sont exaucées.

Votre maman est décédée ?

Je préfère dire qu’elle est partie.

Dans votre spectacle, vous arrivez à faire rire en racontant ce drame. L’humour : arme de protection massive ?

C’est un moyen d’être accepté par les autres. Enfant, j’imitais les gens que je voyais et cela avait son petit effet sur mes camarades. J’ai prolongé cet effet en devenant humoriste.

Un proverbe arménien dit : « Mieux vaut ne pas avoir d’argent que de ne pas avoir d’âme. » Que faites-vous de votre âme ?

Je ne la soumets pas à l’argent, bon serviteur, mauvais maître. J’ai vu ma grand-mère Darling et mon père courir le cacheton d’un côté, des Arméniens désargentés de l’autre : cela éduque à l’argent.

César, Victoire de la musique, 7 d’or, Molière… Vous avez eu tous les honneurs avec les Inconnus. Comment continuer ?

Je me violente, je cherche, je fouille. Je n’attends pas que le téléphone sonne. Il y a plus de perte à dépendre des autres que de moi. Et comme mon pire ennemi, c’est moi-même, j’apprends à me connaître… Tout ça, grâce au catéchisme.

Engagé ?

Avec le WWF pour l’eau « action eau dans le bassin du Niger », depuis 2006. L’eau, c’est l’or de demain. Sur le littoral français, il y a encore des métaux lourds qui ne se désagrègeront jamais. 80% de l’air qu’on respire vient des coraux… en train de mourir ! Qu’allons-nous respirer demain ? C’est le catéchisme qui m’a enseigné le respect de la nature.

Vous aidez les artistes qui débutent : pourquoi ?

J’ai été tellement rejeté, jeune, que je me suis promis d’aider mon prochain. Être humain c’est un métier difficile ; j’espère avoir mon diplôme avant de mourir.

Vous êtes très populaire donc très sollicité : comment vous protégez-vous ?

Je suis secret, pudique, réservé. Quand je fais mes courses, je me déguise presque en boite de conserve !

Le plus beau compliment reçu dernièrement ?

Un Arménien venu me voir à la fin du spectacle. Sa femme est chinoise, ils veulent fonder une famille et le spectacle l’a rassuré. Je m’en suis sorti, ce n’est donc pas si douloureux.

Emmanuelle Dancourt

Antillais sur scène mais Arménien dans la vie ! Cette dualité « caucase cocotier » est à l’origine de la carrière de l’humoriste et de son dernier spectacle Alone Man Show (au Palace à Paris). L’artiste y évoque ses ancêtres dans une chronique familiale haute en couleurs, teintée d’émotion et d’humour.

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