L’ESPÉRANCE, ENCORE UN ATTRAPE-NIGAUD ?

26 août 2020

17 L1v N117 Damien Le Guay

L’espérance, en voilà un bien grand mot quand l’actualité nous paraît si tragique et l’avenir si sombre ! Cette vertu qui dispose le chrétien à mettre sa confiance dans les promesses de Jésus – la résurrection et la vie éternelle – et garder confiance en l’avenir, peut sembler bien difficile à comprendre… Mais espérer et faire confiance au-delà de ce que nous voyons n’est-il pas l’élan même de la vie ? Un philosophe répond à Lili Sans-Gêne.

LE DÉBAT ENTRE LILI SANS-GÊNE ET DAMIEN LE GUAY

Philosophe, écrivain, Damien Le Guay est président du Comité national d’éthique du funéraire, Maitre de conférence à HEC, et enseigne à l’espace éthique d’île-de-France, à l’espace éthique de Picardie et à l’IRCOM d’Angers.

L’espérance, très peu pour moi. D’ailleurs, quand on regarde l’état du monde, il y a de quoi désespérer !

Oui. Après, pour chacun, reste la stratégie du colibri raconté par Pierre Rabhi : « Aussi puissant soit-il, un incendie ne doit pas nous empêcher d’agir, là ou nous sommes. » Voilà ce que pense le colibri qui, de son coté, au milieu des flammes, n’a pas renoncé à mettre de l’eau, avec son petit bec, sur les flammes. Je me pose alors quelques questions : la désespérance du monde est-elle contagieuse ? Suis-je responsable (ou non) de la joie que je mets en moi et autour de moi ? Le désespoir passera-t-il (ou non) par moi ? Je crois que parfois il faut refuser cette contamination cathodique des mauvaises nouvelles, débrancher cette perfusion désespérante, se poser là, penser à l’essentiel, puiser en soi la confiance indispensable et mettre un peu d’eau sur les incendies du monde.

Je n’attends plus rien de ce monde, tout n’est justement qu’églises qui brûlent, violence, bruit, insultes, agressions, meurtre…

Parfois, quand l’avenir est bouché, le monde noir, la violence un peu partout, il faut, pour éviter la désespérance, faire un « tri sélectif » : éviter la pollution des yeux, les mauvaises nourritures de l’esprit, éviter de « parler pour ne rien dire » et se recentrer sur ses ressources du cœur. Nous sommes les gardiens des portes de notre cœur dit Jean Cassien, un moine du IVe siècle . Si déjà je fais ce travail-là, le ciel n’en sera que plus bleu. Si déjà je remets la main sur le gouvernail de mon esprit et ne me laisse pas m’échouer sur tous les rochers du monde, alors je pourrai de nouveau attendre. Attendre, être prêt, croire que demain m’attend, que je puis y trouver ma place, qu’une place m’attend – et avec elle des amis, des amours, de belles aventures – voilà la meilleure manière de reprendre goût à la vie qui vient.

Pourtant, si Dieu existait, jamais il ne laisserait faire tout cela. Je vais finir par revendiquer mon athéisme !

Nous sommes tous des athées. Nous refusons tous une certaine idée de Dieu. Dieu n’est jamais là où l’on voudrait qu’il soit. « Si tu le définis, ce n’est pas lui », dit saint Augustin. Celui qui le tient est aussi un athée. Celui qui s’en sert pour régler ses querelles est un athée. Qui pourrait accepter que des horreurs soient faites, que la mort survienne ? Personne. Alors que faire ? S’enfermer dans ses certitudes ou demander des explications ? « Pourquoi es-tu si loin ? » « Pourquoi te cacher aux jours d’an- goisse ? » « Pourquoi m’oublier ? » « Écoutes-tu ma plainte ? » Ces questions ouvrent. Qui répondra ? Un autre, ma conscience ou Celui qui se cache au « plus intime de mon intimité » ? Il suffit d’essayer.

Vous avez la foi, je le vois bien, tant mieux pour vous. Je vis très bien sans.

Si vous me dites ce qu’est la foi, je vous dirai si je l’ai ! Si vous me dites de quoi vous vivez dans votre cœur, je vous dirai si vous avez la foi ! Tous nous avons besoin de confiance pour vivre. « Pas de vie sans confiance », nous dit Kafka. Et il ajoute : « Nous devons tous justifier notre vie. » Alors, loin des réponses toutes faites, des postures, des fausses certitudes, comment aller trouver cette confiance en moi et m’y amarrer ? Tout est là. Le reste est vain. Comment ? Avant tout en cultivant, comme une plante fragile, cette confiance (autre nom de la foi) qui me fait vivre. Après, si cette foi m’ouvre sur un horizon élargi, un texte de référence, un appel plus puissant que moi, une nouvelle assurance apparaît. Mais c’est là une autre histoire !

Pour trouver la paix, un peu de silence me suffirait amplement, merci. La foi, la prière, la méditation, tout cela ne me parle pas vraiment…

Oui, il est indispensable de prendre du temps en silence, de faire le vide en soi, de chasser les mauvaises pensées (et Dieu sait qu’elles ne manquent pas !), d’entendre le chant des oiseaux et de sen- tir le vent sur son visage. La méditation est indispensable à tout un chacun. Elle devrait être rem- boursée par la Sécurité sociale. « L’attention, nous dit Malebranche, c’est toute la vie morale » [Nicolas Malebranche était un philosophe, prêtre oratorien et théologien français, ndlr]. Mais bien malin celui qui pourrait distinguer la méditation, la concentration, les exercices spirituels, l’atten- tion à soi de la prière ! Un seul critère me semble judicieux : « À qui s’adresser ? À qui parler ? Dans la nuit, qui m’entend ? » L’athée dit que je parle dans le vide, pour rien, à personne. Si je ne suis pas cet athée-la, un dialogue (autre nom de la prière) s’instaure…

Bon d’accord, admettons, mais l’espérance, c’est croire à l’invisible, l’impossible ! Je préfère croire ce que je vois.

« Ce sont les étoiles qui gouvernent notre existence », nous dit Shakespeare. Les étoiles, nos rêves, notre imagination, nos espoirs et ce besoin éperdu d’aimer et d’être aimé. Alors, si vous vous limitez à ce que vous voyez, vous ne verrez pas grand-chose. Voit-on l’amour ? Voit- on le besoin d’être reconnu à sa juste valeur ? Voit-on les espoirs que nous portons ? Non. Tout cela est invisible. Et l’invisible nous porte en avant, nous fait nous lever le matin. Sinon, à quoi bon ! L’espérance est cette levure d’exis- tence qui rend l’impossible possible, même si rien n’est jamais acquis. Il est impossible que l’on puisse m’aimer ! Et pourtant je suis digne d’être aimé. Et si je me rends aimable je serais aimé. Telle est l’espérance de ceux qui croient à l’espérance. Car, il faut y croire. Croire à l’amour pour aimer et être aimé.

ALLER PLUS LOIN

41 exercices d’hygiène spirituelle.
Sortir des impasses du développement personnel Damien Le Guay, Salvator, 2020, 228 p., €.

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