Les chrétiens sont-ils polythéistes ?

29 décembre 2015

père Descouvemont

Débat. Le christianisme croit en un Dieu unique en trois personnes distinctes : c’est la Trinité. Un dogme que d’autres trouvent trop compliqué, ou interprètent comme le signe d’une foi polythéiste.

Débat entre Lili Sans-Gêne et le père Descouvemont.

Le christianisme est un monothéisme. Donc si vous adorez un Dieu unique, c’est incohérent d’affirmer qu’il y trois personnes en Dieu – votre dogme de la Trinité. D’ailleurs, lors de son retour du Maroc en 1886, Charles de Foucauld lui-même a été tenté d’embrasser la religion musulmane qui ne comporte pas ce fameux 1 = 3, qui lui paraissait « inadmissible ».

Oui, mais il ne l’a pas fait ! En effet, à partir du moment où nous croyons que Jésus est le Fils de Dieu en personne venu sur terre, il est logique de penser qu’Il était bien renseigné sur ce qui se passe « là-haut » ! C’est donc lui qui nous a parlé de la relation privilégiée qu’Il avait avec Celui qu’il appelle sans cesse « son » Père ; c’est lui aussi qui a annoncé à ses apôtres la venue de l’Esprit Saint, qui viendrait les aider à se souvenir de son message et à mieux le comprendre.

Trois personnes qui partagent la même et unique intelligence, la même et unique volonté : ça doit être compliqué la communication « là-haut » ! Comment les Trois Personnes divines peuvent-elles communiquer entre elles si chacune n’a pas son intelligence propre et son propre pouvoir de décision ?

C’est effectivement l’un des plus grands mystères de la foi chrétienne. Mais ce qui est merveilleux, c’est qu’il éclaire prodigieusement des réalités dont, sans cesse, nous faisons nous-mêmes l’expérience. En effet, comment se fait-il que nous aimions tellement échanger avec d’autres ? Nous apprécions d’être seuls un moment… à condition d’avoir un portable qui nous permette de communiquer. Rien d’étonnant ! Le Dieu qui nous a créés à son image n’est pas replié sur lui-même : il est Un en trois Personnes qui, depuis toujours, ne cessent de communiquer entre elles et de s’aimer.

D’autre part, pourquoi les couples qui ne réussissent pas à avoir d’enfants souffrent-ils autant ? Parce que les couples sont créés à l’image d’un Dieu qui ne cesse de donner vie à un autre Lui-même : de toute éternité le Père donne la vie à son Fils. Il ne peut pas faire autrement : la générosité, la fécondité sont au cœur de l’Être divin : Dieu est amour ! Rien d’étonnant par conséquent que nous accordions tant d’importance à la réussite de nos amours et que nous désirions donner le meilleur de nous-mêmes à des enfants, à des disciples, à des apprentis ou à des élèves. Nous sommes créés par amour et pour l’amour. Notre foi dans le Dieu Trinité est donc un phare qui éclaire prodigieusement bien des aspects de notre condition humaine.

Vous parlez d’amour, mais la représentation que les chrétiens se font de la Trinité semble introduire une inégalité dans ce Dieu unique en trois Personnes. Si vous dites que c’est le Père qui est à l’origine de toute la vie divine, cela signifie que les deux autres Personnes dépendent de Lui.

Cette « hiérarchie » entre les Personnes divines n’y introduit aucune subordination : le Fils et l’Esprit sont tout aussi éternels et nécessaires que le Père. Ils ne lui sont donc pas inférieurs. Notons à ce propos que, sur terre, dépendre de quelqu’un n’est pas forcément humiliant. Je peux reconnaître avoir beaucoup reçu de quelqu’un (un père, une mère, un éducateur, un professeur, un ami…) et n’en ressentir aucune humiliation, surtout si je perçois tout l’amour avec lequel ils m’ont légué – souvent à leur insu – ce que j’ai reçu d’eux. D’ailleurs, le désir secret de tout vrai père comme de tout véritable éducateur est d’être dépassé par ceux ou celles dont ils ont la charge.

Parmi les trois personnes de la Trinité dont vous parlez, celle de l’Esprit Saint me paraît très fumeuse, si je puis dire !

Il arrive que des époux parlent de leur amour comme d’une réalité en quelque sorte distincte d’eux : ils se souviennent du moment où il est né, ils l’ont senti grandir au fil des ans, ils sont fiers de l’avoir jalousement préservé de tous les dangers qui ont parfois menacé son existence. Cet amour qui fleurit dans un couple peut nous faire entrevoir ce que vivent éternellement le Père et le Fils. L’Esprit Saint, c’est l’admiration éternelle du Père pour son Fils et l’élan d’amour du Fils vers son Père. Il est la joie et la musique de leur Amour.

Concrètement, je ne vois pas en quoi ces réflexions sur le mystère de la Trinité peuvent nous aider à mieux prier.

Le chrétien a l’audace de croire qu’en priant, il entre dans le dialogue même qui existe de toute éternité en Dieu. Jésus n’est pas venu sur terre satisfaire quelque peu notre curiosité sur ce qui se passe « au-delà du voile » ; il est venu nous faire entrer dans le dialogue d’amour qui est sa joie éternelle. Il est une véritable passerelle entre le ciel et la terre, du fait qu’il est à la fois le Fils bien-aimé du Père, ne faisant qu’un avec Lui, et en même temps un homme tout à fait comme nous. L’Esprit Saint a façonné pour lui, dans le sein de Marie, sa mère, un vrai corps de chair, comme le nôtre, capable de souffrir er de mourir, et une âme humaine, capable d’aimer et de prier Dieu, comme peut le faire une créature. Ainsi, lorsque nous disons à Dieu : « Abba ! Père ! », c’est Jésus qui le dit en nous.

Par conséquent, lorsque nous ne ressentons pas l’envie de prier, ce n’est pas grave : nous pouvons rejoindre la prière que Jésus fait en nous, à notre insu ; et lorsque nous ressentons cette envie, quelle joie de savoir que c’est encore avec lui que nous prions le Père ! Il nous l’a dit : « Personne ne peut aller au Père si ce n’est par moi » (Jn 14, 6). C’est une Personne divine, le Fils de Dieu en personne, qui nous introduit auprès du Père, qui lui parle de nous, qui nous le fait prier ! Que demander de plus ?

Mais comment les hommes peuvent-ils causer avec Dieu comme avec un Père, lorsque les circonstances de leur vie semblent leur prouver qu’il ne fait rien pour leur faciliter l’existence…

Jésus lui-même a eu du mal à accepter la volonté de son Père. Un quart d’heure avant d’être arrêté au jardin de Gethsémani, il lui demande s’il ne lui serait pas possible de déclencher le plan bis de la Rédemption dans lequel il ne serait pas obligé de monter au calvaire pour sauver le monde : « Père, lui dit-il, à toi tout est possible : que cette coupe (de souffrance) s’éloigne de moi ! Cependant que ta volonté soit faite, et non la mienne ! » Et le Père ne change pas le plan mis en place de toute éternité : c’est par la croix et sur la croix que le Pasteur (Jésus) doit devenir un agneau immolé en sacrifice pour sauver tout le troupeau (les hommes).

Ne soyons donc pas étonnés qu’il nous faille parfois beaucoup de temps pour pouvoir dire ou redire la célèbre prière du père Charles de Foucauld : « Mon Père, je m’abandonne à toi. Fais de moi ce qu’il te plaira. Quoi que tu fasses de moi, je te remercie, je suis prêt à tout, j’accepte tout… » Le Fils de Dieu est venu parmi nous pour qu’il y ait enfin quelqu’un sur terre à savoir la dire – et pouvoir la dire en nous ! C’est grâce à Jésus, à l’Esprit dont il nous remplit, que nous pouvons croire que son Père est vraiment un Père infiniment attentif à chacun. Et que nous pouvons dire en toutes circonstances la prière du Notre Père : « Père, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ! »

Adorer Dieu, ce n’est pas seulement reconnaître qu’Il ne cesse de nous créer, c’est accepter les limites de notre intelligence humaine, accepter le mystère de la Providence divine que nous proclamons dans le Credo en affirmant que le Père est « tout-puissant » : malgré les apparences souvent contraires, Dieu fait tout concourir au bien de ses enfants (Rm 8, 28). A

L’abbé Pierre Descouvemont

Professeur de philosophie à Douai pendant plus de vingt-cinq ans, puis aumônier de jeunes, il a aussi été conseiller national des équipes Notre-Dame pour les couples. Actuellement, il prêche des retraites en différents lieux. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, notamment le Guide des difficultés de la foi catholique, Cerf, 1989.

Les trésors du Credo, Pierre Descouvemont, Parole et silence, 2014

Guide des difficultés de la foi catholique, Pierre Descouvemont, Le Cerf, 1989

www.peredescouvemont.fr

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