Le curé des prostituées

11 novembre 2012

Pauvreté, alcool, maison de correction… Ses débuts dans la vie ont été chaotiques. Aujourd’hui  Jean-Philippe est prêtre. Une de  ses missions est d’accueillir les prostituées du bois de Boulogne.

Propos recueillis par Laurence Meurville

J’ai grandi dans une cité de banlieue, dans une famille pauvre et alcoolique. Mes parents ont divorcé quand j’avais 5 ans. Nous avons été mis en pension : ambiance sordide et manque de tendresse garanties ! À notre retour quelques années plus tard, notre belle-mère, qui avait d’abord été gentille, est devenue à son tour accro à la bouteille. Régulièrement, je me faisais tabasser.
À 12 ans, j’ai été violé par un gars. À partir de ce jour-là, mon comportement déjà déviant s’est encore dégradé : les adultes m’avaient tous trahi, à qui accorder ma confiance ? J’ai été placé pendant deux ans en maison de correction.
Les années ont passé avec leur lot de misères. Embauché chez Peugeot, j’ai rencontré Fernand. Il s’intéressait à ma vie. De temps en temps, il me faisait une « sortie » sur Jésus : « Me prends pas la tête avec ça, on m’en a assez dégoûté en pension ! » Mais il m’aidait avec discrétion et m’écoutait sans me juger. Il m’a présenté ses copains qui avaient tous un sourire que je n’avais jamais vu ailleurs. Ils avaient l’air heureux.

Une mystérieuse attirance
Je suis parti au service militaire. Désœuvré, j’ai commencé à lire la Bible, à prier, à aller à la messe aussi. Sans comprendre vraiment. Mystérieusement attiré. Je n’étais pas devenu un enfant de chœur pour autant !
Je me posais des questions sur le sens de ma vie. Je l’ai écrit à Fernand. Il m’a suggéré de faire une retraite au foyer de charité de Châteauneuf-de-Galaure (Drôme). Là, je me suis confessé pour la première fois, sans vraiment capter ce qui se passait. Mais à la fin de la retraite, quelque chose a changé dans ma vie. J’ai été touché par cette communauté, la bonté de ces gens.
De retour à Paris, je cherche à approfondir ma foi et m’inscris à des cours du soir. On m’avait toujours dit : « Tu ne feras jamais rien de ta vie, pauvre idiot. » Je découvre que même si je peine à tout piger, mon intelligence est comme un papillon qui sort de son cocon. J’enchaîne une année de philosophie, une de théologie et une dernière de morale sociale.
Je retourne souvent à Châteauneuf. Besoin de retrouver la source. Et aussi de rendre un peu ce que j’ai reçu. Un jour, on me demande de ramener Jean Vanier, cofondateur de l’Arche, communauté de personnes handicapées. Un très grand bonhomme. Un an après, je me retrouve à l’Arc, un foyer accueillant des personnes avec un handicap léger. Apprentissage décapant de la vie en communauté et, en même temps, formidable école d’amour !
L’été 1976, je retourne à Châteauneuf. Le père Marie-Dominique Philippe, dominicain, prêche. Un jour, je le croise dans un couloir. Il pose sa main sur mon avant-bras et fiche son regard pétillant dans mon regard. Il me regarde comme une personne et c’est ce qui change ma vie.

Devenu aumônier de prison
À cette période, l’appel à devenir prêtre me tenaille. « C’est impossible ! ça suffit ces c… Pas toi ! » On me conseille de me confier au père « Marie-Do ». Je suis tellement intimidé que je m’assieds à côté de ma chaise ! « Venez à Fribourg. Un groupe d’étudiants suit des cours, prie et vit ensemble. Vous verrez bien. » Le 8 septembre 1982, après des années de formation, je suis effectivement ordonné prêtre au sein de la communauté Saint-Jean, née autour du père Marie-Do.
Avec une telle histoire, j’étais « taillé » pour aller vers ceux qui ne trouvent pas leur place dans la vie. On m’a d’abord envoyé chez les toxicos dont je me suis occupé pendant des années. Aujourd’hui, je suis aumônier de prison. En plus, avec une équipe de bénévoles, je m’occupe des travestis et des prostituées du bois de Boulogne. Ils savent qu’ils peuvent trouver un havre de paix dans le camping-car de notre association. Sur ses flancs, nous avons inscrit la phrase de Bernadette Soubirous à propos de la Vierge Marie qui lui est apparue, à Lourdes : « Elle m’a regardé comme une personne. » C’est ce dont ils ont le plus besoin.

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