La foi : un pari ou un acte raisonnable ?

10 janvier 2012

monseigneur André-Joseph Léonard

Débat. Beaucoup de non-croyants pensent que si l’existence de Dieu ne peut être prouvée, avoir la foi est absurde. Faut-il vraiment débrancher son cerveau pour croire ou y a-t-il des raisons d’avoir la foi ?

Débat entre monseigneur André-Joseph Léonard et Lili Sans-gêne.

1 Comme disait Pascal, la foi est un pari. Dans l’Antiquité aussi, d’ailleurs, Tertullien, chrétien fervent, avait confessé : « Je crois parce que c’est absurde. » Alors, vous n’allez pas me faire croire que la foi respecte la raison et lui obéit !

Il est vrai que la foi va au-delà de la raison, si l’on entend par « raison » notre pouvoir de « mesurer » les choses. Or, je le reconnais, les affirmations de la foi dépassent ce que nous pouvons « mesurer » par notre raison. Ainsi, par exemple, l’affirmation que Dieu est Trinité ou que la résurrection de Jésus contient le salut du monde, ne dépasse pas seulement le pouvoir de la raison scientifique (comment ces vérités pourraient-elles être vérifiées scientifiquement ?) ; elle déborde même le champ de la raison philosophique, pourtant beaucoup plus large. Seule une parole venue de plus loin que notre raison et reçue précisément dans la « foi » peut dévoiler le mystère intime de Dieu. Je concède donc volontiers que la foi dépasse la raison. Mais cela ne veut pas dire qu’elle s’y oppose !

2 Soyons sérieux : si la foi déborde la raison humaine, elle ne peut être qu’une illusion, un mythe, consolant peut-être, mais sans rapport avec la réalité.

Pas du tout ! Je dirais même qu’il est heureux que, sans être absurde pour autant (Tertullien y allait un peu fort pour provoquer son public !), la foi dépasse la raison. En effet, pour reprendre un autre mot de Pascal : « L’homme passe infiniment l’homme. » Cela signifie que seul ce qui nous dépasse est capable de nous satisfaire, seul ce qui passe notre mesure est vraiment à notre mesure. Regardez les animaux : quand ils ont à disposition les quelques ressources naturelles dont ils ont besoin pour vivre, ils sont paisiblement repus. Jamais d’angoisse existentielle pour eux ! L’homme, au contraire, n’est pas facilement rassasié. Tiraillé entre la pesanteur de son animalité et sa soif insatiable d’absolu, il ne lui suffit pas d’être simplement l’homme qu’il est pour être vraiment humain. Il y a plus en lui, si bien que ce qui est à sa simple mesure n’est pas en mesure de le combler. Si l’homme peut s’achever, ce ne sera donc qu’au-delà de lui-même !

3 Peut-être… Mais alors, il suffit que je vous fasse miroiter des merveilles dépassant toute mesure humaine pour que vous y croyiez ! Votre foi me paraît bien crédule…

La foi, c’est comme l’amour. Même si l’amour est plus qu’une question de clairvoyance rationnelle, son idéal n’est pas d’être aveugle. Il n’est pas un pari sans fondement ! Celui qui aime authentiquement sait pourquoi il aime, même si son amour déborde ce savoir. Bref, si « le cœur a [bien] ses raisons que la raison ne connaît pas » (pour citer encore Pascal), justement, ces raisons du cœur, bien que différentes de la pure raison, sont encore… des raisons. La même chose vaut pour la foi religieuse : pour être digne de l’homme et de sa raison, elle doit avoir des raisons d’affirmer ce qui dépasse le pouvoir de la simple raison.

4 Vous voulez me faire croire qu’il y a des raisons de croire que Dieu existe…

Je suis de ceux qui pensent qu’à partir de ses conditions initiales, l’univers s’est développé de lui-même, sans intervention du Créateur, mais en produisant cependant de la pensée. D’abord de la pensée « objective », à savoir la prodigieuse intelligibilité des lois de la nature physique, puis de l’organisation de la vie. Nous décodons progressivement cette pensée « objective » grâce aux sciences de la nature : physique, chimie, biologie, etc. Et finalement, l’univers a produit un animal original, capable de s’intéresser à la nature et à ses lois, porteur, cette fois, d’une pensée « subjective », c’est-à-dire en mesure de réfléchir et d’être conscient de soi. Diverses questions se posent donc : d’où cet « atome primitif » tire-t-il son existence et ses conditions initiales ? Comment est-il possible qu’une pensée « objective » existe sans le support, fût-il lointain, d’un « sujet » pensant, et ce alors que l’homme biologique et sa pensée n’existent pas encore ? Le fait que l’univers finisse par produire ainsi un être capable de le penser (l’homme capable de la science) ne suggère-t-il pas que le cosmos a finalement son origine dans une Pensée précédant la nôtre ? Il est raisonnable et éclairant d’affirmer, en réponse à ces questions, l’existence d’un Dieu créateur. D’autres esprits sont davantage sensibles à l’énigme constituée par notre conscience morale. Chacun de nous entend en quelque sorte au fond de lui-même une voix, à la fois intime et impérieuse, qui lui dit : « Ceci est bien ; fais-le » ou « Ceci est mal ; ne le fais pas ». La présence de cette instance intime qui, simultanément, nous est intérieure et nous dépasse, suggère, elle aussi, qu’il y a une autre Pensée et une autre Volonté avant les nôtres. C’est une autre raison pertinente d’affirmer Dieu, non seulement comme Créateur de l’univers, mais comme Source ultime de la loi morale.

5 De là à croire en un Dieu d’amour qui s’est incarné en Jésus Christ : le pas est difficile à franchir !

 La raison n’est pas seulement scientifique, mais aussi historique. Or la foi en Jésus, vrai homme et vrai Dieu, est la seule manière de rendre vraiment compte de l’origine des textes du Nouveau Testament, des faits dont ils sont l’écho et du surgissement historique de l’Église grâce à la prédication des apôtres. Je sais qu’il n’est pas aisé de croire en un homme qui serait le Fils de Dieu fait chair, crucifié et ressuscité, mais, sans cette foi, on se trouve devant une énigme insurmontable : la naissance de l’Église à partir d’hommes peu perspicaces et poltrons, et désormais capables de défier les autorités religieuses de leur peuple et le pouvoir politique de Rome. Le genre littéraire des évangiles et des lettres de Paul est également un rébus sans solution s’il n’y a pas, à la base, la figure du Christ, si complexe et en même temps si cohérente, mais pas d’une cohérence construite en chambre par un écrivain. La cohérence de la figure du Christ ne peut pas être de simple facture humaine.
Quant à Dieu, quel pauvre Dieu il serait, de quelle Pensée infirme et de quelle Volonté étriquée il serait doué, s’il ne pouvait être un Dieu d’amour ! Dans ce cas, le moindre de nos saints et saintes serait plus divin que lui… Étrange Dieu créateur, pauvre en amour, qui serait dépassé par ses créatures ! En faisant preuve du plus grand amour, Jésus nous a révélé le visage d’amour de son Père, selon sa parole : « Qui me voit, voit le Père. »

Monseigneur André-Joseph Léonard

Il est archevêque de Malines-Bruxelles depuis 2010. Il est licencié en théologie de l’Université grégorienne à Rome, docteur en philosophie. ll a écrit de nombreux ouvrages.  Mgr Léonard est le dernier d’une famille de quatre fils, tous devenus prêtres.

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