Homoparentalité: Légaliser insémination et mères porteuses.

29 mai 2013

tugdual derville

 Débat. Après la légalisation du « mariage » et de l’adoption pour les personnes de même sexe, la question de la Procréation médicalement assistée (PMA), et des mères porteuses est dans les esprits. Déjà des personnes homosexuelles vont à l’étranger pour ces services. Faut-il les légaliser ? Sont-ils une évolution naturelle de la famille ?

Débat entre Lili Sans-Gêne et Tugdual Derville.

1 Je suis pour la PMA pour les femmes homosexuelles et pour les mères porteuses pour les hommes homosexuels : s’ils s’aiment et qu’ils ont un si grand désir d’avoir un enfant ensemble, je ne vois pas au nom de quoi on leur interdirait de le faire, puisque les progrès de la science le rendent possible ? Peut-on leur refuser le bonheur d’avoir un enfant, sous prétexte que leur mode de vie est différent ?

 
C’est beau de vouloir engendrer, mais ça ne se fait pas n’importe comment. Tu sais bien que chacun de nous reste conçu de la complémentarité entre un homme et une femme. Cette loi biologique rend la procréation homosexuelle impossible. N’est-ce pas parce que paternité et maternité sont précieuses ? Faut-il changer la nature ? Est-elle si mal faite ? Bien sûr, il faut entendre le désir des adultes, mais c’est en premier le droit et l’intérêt de l’enfant – la personne la plus faible de la société – qu’il faut respecter. Peut-on fabriquer un enfant comme un objet ? Peut-on délibérément le priver de son père ou de sa mère ? Ne faut-il pas lui offrir ce qu’il peut espérer de mieux : un papa et une maman ?

2 J’ai bien aimé ce qu’a dit Élisabeth Badinter : « Quand on voit la somme de malheurs, de névroses, de douleurs que peut engendrer la famille hétérosexuelle, au nom de quoi une famille homoparentale serait-elle pire ? » Les hétéros ne sont pas de meilleurs parents que les homos !

Cette approche est biaisée. Il ne s’agit pas de savoir qui est meilleur éducateur, mais si on a le droit de priver un enfant de son père ou de sa mère. J’accompagne des familles en difficulté, et c’est vrai qu’aucun parent n’est parfait. Il y a aussi des familles monoparentales, où l’un des deux parents manque, ce qui n’est jamais facile. Mais ces souffrances familiales ne disent pas que père et mère sont interchangeables. Bien au contraire. Un système qui prive délibérément l’enfant de l’un ou l’autre est injuste.

3 C’est très hypocrite de refuser la PMA aux lesbiennes : de toute façon, elles vont à l’étranger pour le faire, en Belgique, en Espagne, au Pays-Bas… Autant leur permettre de le faire en France, ce serait plus juste, puisque les couples hétéros peuvent le faire, eux.

Ce n’est pas parce qu’une transgression est possible à l’étranger que la France, pays des droits de l’homme, doit la légaliser… Sinon, il faut le faire pour le cannabis, la prostitution, la peine de mort, etc. Il y a surtout une grosse différence entre la PMA pour les couples homme-femme qui souffrent d’infertilité (qui n’est d’ailleurs jamais une démarche anodine pour le couple et pour l’enfant) et l’insémination artificielle avec donneur anonyme de sperme pour deux femmes : dans ce second cas, on fabrique carrément des enfants privés de père. Sais-tu que des personnes nées de de donneurs anonymes ont protesté parce qu’elles en souffrent ?

4 Légaliser les mères porteuses pour les hommes est une autre urgence. En effet, les enfants déjà nés par Gestation pour autrui (GPA) à l’étranger n’ont pas d’état civil français et ne sont pas inscrits sur le livret de famille de leurs parents. C’est honteux. Et hypocrite : surtout, n’offrons pas de cadre légal à ces enfants, comme ça la morale sera sauve…

Tu sais, je trouve plutôt injuste que des hommes s’autorisent à transgresser notre loi bioéthique qui veut protéger de la GPA les enfants et les femmes. Ils vont dans des pays ultra-libéraux ou pauvres pour louer un utérus. À partir de banques d’ovocytes, ils font fabriquer des bébés qu’ils coupent (légalement) de leur mère et ramènent en France. Puis ils s’y posent en victimes ! Comme Axel Kahn (le grand généticien), je pense que la protection de ces enfants devrait passer par une sanction pour les adultes qui ont manipulé ces procréations.

5 L’accouchement sous X, légal en France, est déjà une GPA déguisée puisque la mère mène sa grossesse à terme tout en sachant qu’elle va abandonner son enfant, sans savoir ce qu’il va devenir… Au moins, quand tu es mère porteuse, tu sais que l’enfant que tu portes sera entouré d’amour.

Attention à la confusion ! Dans le cas de l’accouchement sous X, une femme enceinte en détresse choisit de confier son bébé à l’adoption. Gratuitement, pour qu’il ait une famille, parce qu’elle se sent en danger, ou en grande difficulté pour l’élever. Dans le cas de la GPA, l’abandon du bébé est programmé avant même sa conception, par contrat, contre rémunération ou dédommagement. Les féministes ont raison de contester l’instrumentalisation du corps de la femme.

6 Mais la GPA, c’est comme confier un bébé à une nounou. Elle le garde au chaud pendant neuf mois puis elle le donne aux parents, rien de plus. Pour le bébé, ce n’est pas pire que s’il avait été adopté…

Comment peux-tu promettre par avance d’abandonner l’enfant que tu auras porté pendant neuf mois ? Avec la nécessité de « ne pas t’y attacher », ou d’avorter s’il est malformé… Nous connaissons de mieux en mieux les interactions qui relient le fœtus à celle qui le porte. Elles sont essentielles pour toute la vie. On aura beau donner à l’enfant de jolies explications, il saura un jour qu’on l’a privé délibérément de sa maman, contre de l’argent ! Quant à l’adoption, elle n’est jamais une réalité facile… Et elle doit aussi obéir à des exigences éthiques.

7 Et finalement, pourquoi limiter la possibilité de disposer de son corps comme on le souhaite ? Si j’ai envie de louer mon corps pour des services sexuels c’est mon droit, tout comme j’ai le droit de le faire gratuitement. Je ne vois pas en quoi être mère porteuse serait pire. Ces femmes seraient protégées par la loi. Peut-être vaut-il mieux être mère porteuse que de vivre dans la rue…

Quelle violence de savoir que des femmes pauvres se louent à des hommes pour survivre ! Car le corps n’est ni un objet, ni une machine : nous sommes notre corps. La loi française en a déduit un principe d’inaliénabilité ou de non-marchandisation. Contrairement à un objet, un corps n’a pas de prix. Je ne peux pas le vendre en pièces détachées. J’ai le droit de conduire ma voiture neuve à la casse pour la faire couper en rondelles décoratives ! Mais ni le corps de mon enfant, ni le mien. Car ni l’un ni l’autre ne m’appartiennent. La sexualité elle aussi est attachée à la dignité intime du corps humain. C’est pourquoi le viol est un crime très grave. La France reste donc inscrite dans le courant abolitionniste en matière de prostitution : il la considère comme une forme d’aliénation voire d’esclavage…

8 Parenté et filiation n’ont rien de naturel aujourd’hui. Ce ne sont pas les liens génétiques mais la manifestation de la volonté d’être parent, l’engagement irrévocable et la réalité d’une vie de famille qui font qu’une personne devient un parent. Laissons le droit aux gens d’être parents techniquement, quand ils ne peuvent pas l’être naturellement 

Hé  ! Il y a tout de même dans notre pays 75 % des enfants qui vivent avec leurs deux parents. C’est encore la meilleure situation possible, la plus simple et la plus naturelle. La filiation adoptive est magnifique pour donner une famille à un enfant, mais ce n’est pas la norme. Et puis surtout, être parent n’est pas d’abord une question de volonté. C’est un consentement à ce qui est, un accueil de la vie, qui porte aussi sa part de mystère. Sinon pourquoi pas aussi trois ou quatre parents ? C’est justement parce qu’être parent ne dépend pas exclusivement de la volonté des adultes que les êtres humains « naissent libres et égaux en droit ». L’enfant n’étant ni un projet ni un objet maîtrisable, parents et enfants partagent ainsi la même dignité humaine.

Tugdual Derville

Il a fondé en 1986 À Bras Ouverts, qui accueille des enfants et des jeunes porteurs de handicaps. Depuis 1994, il est délégué général d’Alliance VITA. L’association agit pour le respect de la vie et de la dignité humaine. Dans ce cadre, il a développé des services d’aide et d’écoute : sosbebe.org et sosfindevie.org. Il intervient régulièrement dans le débat médiatique. 

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