Cristian Mungiu : Prodige du 7e art

11 novembre 2012

Cristian Mungiu

 Rencontre. En 2007, il reçoit la Palme d’or à Cannes pour son film 4 mois, 3 semaines, 2 jours. Cette année, ce jeune prodige roumain est rentré de Cannes avec le prix du scenario et le prix d’interprétation féminine pour sa dernière réalisation : Au-delà des collines.

Propos recueillis par Hubert de Torcy

Peintre attentif et minutieux tant de la société roumaine que des mouvements de l’âme humaine, Cristian Mungiu n’hésite pas à aborder des sujets très sensibles. Avec  4 mois, 3 semaines, 2 jours, histoire d’un avortement clandestin sous l’ère Ceausescu, il parvenait à rassembler dans un hommage unanime à la fois ceux qui y voyaient une apologie de la légalisation de l’avortement et ceux qui estimaient à l’inverse que ce film contribuait à dissuader de vouloir avorter un jour. Dans son nouveau film, Au-delà des collines, certains critiques ont déjà salué « un portrait féroce de l’abrutissement religieux » quand d’autres ont entendu au contraire un vibrant plaidoyer pour l’Église orthodoxe, injustement décriée à l’occasion du fait divers évoqué par le film : l’histoire d’une jeune femme qui meurt suite à un exorcisme. Rencontre avec un artiste hors du commun.

Le propre de vos films est de réconcilier l’inconciliable. Quel est votre secret ?

Au-delà des collines est comme un miroir. Selon qu’on est athée ou religieux, on regarde le film d’une manière différente. Quand je tourne le film, j’essaie de comprendre chacun de mes personnages, de ne pas les juger ni les favoriser. J’ai mis plusieurs années avant de trouver la façon adéquate de traiter cette histoire. Et finalement, j’ai choisi de montrer que c’est l’amour qui est le moteur de tous les actes évoqués dans ce film. Parfois, on essaie de faire le bien, et on fait le mal.

Qu’est-ce qui vous attire dans ces histoires souvent très dures ?

Je passe deux à trois ans de ma vie pour faire un film. C’est une part importante de mon existence que je vois mal consacrer à la réalisation d’une petite comédie romantique. Je choisis des histoires très fortes susceptibles de provoquer une réflexion profonde chez le spectateur.

Quel est le but d’un film ?

C’est toujours de raconter une histoire. Mais pour moi, la discussion que tu peux avoir en sortant du film est plus importante encore que le film. Je ne crois pas que le film doive imposer une opinion ou un jugement. Mais il doit te donner envie de te forger un avis personnel.

Comment le film a-t-il été perçu en Roumanie, par le monde orthodoxe ?

Quand le fait divers s’est produit en Roumanie, la presse a beaucoup écrit à ce sujet, de manière très virulente. Pour l’Église orthodoxe, revenir sur cette histoire qui a entaché son image n’est pas forcément une bonne chose. Pourtant, je crois que ce film peut lui donner une très belle occasion de préciser son point de vue et ses valeurs.

De fait, vous semblez donner au pope qui dirige le couvent toutes les excuses.

Il y’a une très grande différence entre mon prêtre et le prêtre réel, qui était visiblement fanatique. Ce qui m’intéressait, c’était de comprendre les circonstances qui ont permis les décisions prises au cours de ces événements. Quel a été le moment de fracture ? Finalement, quand on regarde l’histoire de ces deux jeunes filles, on s’aperçoit que tout bascule le jour où elles ont été abandonnées par leurs parents, alors qu’ils étaient encore vivants, dans un orphelinat géré par l’Etat.

Quelle éducation religieuse avez-vous reçue ? 

Nous avons tous été baptisés à l’église orthodoxe à l’âge de 3 semaines. Mais je n’ai pas reçu d’éducation religieuse, car mes parents n’étaient pas croyants. J’ai découvert la foi avec un ami quand j’avais un peu plus de 20 ans, suite au décès brutal d’un ami commun très proche. Mon ami s’est rapproché de l’Église orthodoxe à cette occasion. J’ai commencé à lire aussi des livres de spiritualité mais je ne suis pas pour autant devenu un pratiquant régulier. En revanche, je partage les valeurs de l’Évangile.

Comme Voichita dans le film, avez-vous rencontré Dieu ?

Je ne vais pas à l’église le dimanche et je ne crois pas que le monde ait été créé en sept jours. Mais en même temps, j’essaie de ne pas pécher, j’essaie de faire du bien, d’être attentif aux autres, d’aider les enfants. Je ne sais pas si cela fait de moi un croyant.

Il est beaucoup question du diable dans le film. Croyez-vous à l’existence du démon ?

Je crois qu’il y a plusieurs manières d’appréhender la réalité du mal. Quelle est son origine ? Question compliquée. D’où ce personnage du prêtre dans le film, qui fait la différence entre l’apparence du mal et ses causes. Il n’essaie pas de remplacer le médecin mais d’identifier les causes du mal.

La qualité que vous préférez chez les autres ?

L’honnêteté. On travaille dans ce métier avec des moyens qui peuvent s’avérer malhonnêtes. Si j’ai choisi la difficulté en travaillant sur des plans séquences de 8 à 12 minutes, sans musique et sans coupure, c’est parce que je ne veux pas manipuler mon public. C’est très facile de faire pleurer quelqu’un en utilisant la musique. Très facile d’avoir un rythme infernal et stressant en adoptant un montage très découpé. C’est beaucoup plus compliqué d’essayer d’obtenir une émotion uniquement avec le comédien.

Votre principal défaut ?

Je n’ai pas le courage de dire toujours ce que je pense. Je suis trop poli.

Quel rapport entretenez-vous avec la France ?

J’ai beaucoup plus de spectateurs pour mes films en France qu’en Roumanie. La palme a beaucoup aidé.

Ce que vous détestez par-dessus tout ?

Je ne déteste rien. Je suis patient. Si j’ai une qualité, c’est celle-là. J’écoute les gens, je prends le temps d’essayer de comprendre, sans m’énerver, même sur un plateau.

Vos héros dans la vie réelle ?

Les gens normaux. Je n’aime pas les histoires de héros. Je voudrais faire un film sur un coureur qui finit…

Le dernier ?

Non pas le dernier. Parce que çà aussi, çà veut dire quelque chose. Mais le onzième. La vie pour nous tous, c’est de n’être ni le premier, ni le dernier, mais au milieu.

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