COUPLE : AIMER SANS UTILISER

26 décembre 2019

Woman and man drinking mulled wine on Christmas Market in front of tree

Et si le secret du bonheur tenait en ces trois mots ? Avez-vous déjà rencontré quelqu’un dont vous aviez la nette impression qu’il ne s’intéressait à vous que parce que cela lui était utile ? Inversement, n’avez-vous jamais été touché par une personne qui vous écoutait comme si vous étiez la personne la plus importante du monde ?

PAR PASCAL IDE – PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE MEYER

Il est 22 heures. Paul émerge de ses révisions d’examen et hésite entre trois soirées : la pre- mière où il retrouvera des potes qui rentrent de voyage, la deuxième où le buffet comme le DJ sont toujours excellents, et la troisième, qui est tout près, où l’attend un piston pour son prochain stage. Laquelle choisir ? D’ailleurs, pourquoi choi- sir ? Finalement, Paul s’invitera aux trois soirées. Il rentrera éreinté à 4 heures du matin, content de toutes ses rencontres, mais avec un vague goût de cendre dans la bouche, éprouvant un besoin compulsif de ne pas rester seul. Il connaît ces sentiments de lendemain de fête. D’où pro- viennent-ils ? Il n’a employé qu’un seul critère de discernement : son propre avantage. Chez chacun de ses hôtes, il a agi de même : les quittant lorsqu’il n’y trouvait plus son intérêt. À aucun moment, il ne s’est demandé : quel est leur bien ? Paul a utilisé autrui. L’utilitarisme peut contenter un temps, mais ne rend jamais durablement heureux. Il rend dépendant aux sensations fortes qu’il procure. En 1960, Karol Wojtyla, le futur pape Jean-Paul II, décrivait deux attitudes à l’égard d’autrui : l’utiliser et en jouir, ce qu’il appelle la norme utilitariste ; ou l’aimer comme une personne, la norme personnaliste.

N’est-il pas légitime de penser à soi, de se faire du bien ? C’est non seulement légitime, mais nécessaire ! Il y a une façon de se donner aux autres qui peut conduire à un épuisement, voire au burn-out. Songer à se détendre après une longue journée d’études est normal. Ce qui l’est moins, c’est de se conduire comme Paul de manière habituelle et de ne même pas avoir l’idée de rendre les invitations.

LA RÈGLE D’OR

Une amie vous propose de passer un week-end à la campagne. Ravie de ce séjour au vert, vous acceptez avec joie mais, en arrivant, vous découvrez qu’elle est en train de poser du papier peint dans le salon et qu’elle serait ravie que vous lui donniez un coup de main. Êtes-vous toujours aussi heureuse d’être venue ? N’allons pas la suspecter d’être une personnalité narcissique ! En avoir quelques traits (nous en avons tous) ne fait pas d’elle une manipulatrice ! Mais personne n’aime être utilisé. Et Karol Wojtyla explique pourquoi. Nous sommes des per- sonnes, donc des êtres libres. Notre dignité consiste à être la cause de nos actions. Or, dans la norme utilitariste, l’autre nous enrôle dans son propre plan, et décide à notre place de ce qui est bon pour nous. Il nie notre liberté. Votre joie s’envole quand vous découvrez que votre amie ne cherche pas votre bien, mais le sien, qu’elle ne vous aime pas pour vous, mais pour elle.

« Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi. » Cette « règle d’or » énoncée par le Christ, on la retrouve dans toutes les religions et toutes les sagesses. Arrêtez-vous un instant et réfléchissez : depuis que vous vous êtes levé, avez-vous posé un acte gratuit, désintéressé, par exemple en saluant le chauffeur de bus, en prenant des nouvelles d’une personne seule, malade ?

UN IDÉAL ACCESSIBLE

Si je choisis mes amis d’abord pour leur capacité à m’aider, cherchant avant tout la complémentarité, si je cesse de les fréquenter quand ils ne me sont plus guère utiles, si je compte dans ma tête s’ils m’ont donné autant que je leur ai donné, il y a de fortes chances que je sois mené par la seule norme utilitariste. Si le couple fonctionne d’abord au donnant-donnant, si le mari se montre aimable parce qu’il désirerait avoir une relation intime avec sa femme ou si celle-ci y consent pour lui demander de passer Noël dans sa famille, le ménage est guidé par la norme utilitariste et a oublié la gratuité de l’amour.

Quelle est mon intention en passant du temps avec mes amis, mes enfants ? Vers qui est dirigé mon cœur ? Suis-je suis centré sur l’autre ou sur moi ? Le moment de convivialité passé, celui qui agit de manière personnaliste se demandera : suis-je détendu ou heureux ?

Aimer sans utiliser est un bel idéal qui devient accessible en passant graduellement de la norme utilitariste à la norme personnaliste. Je peux com- mencer par prendre un quart d’heure pour écou- ter une personne gratuitement, en étant unique- ment tourné vers elle, comme j’aimerais moi-même être accueilli.

Cette norme personnaliste s’étend à toutes nos relations : à l’autre, à soi, à Dieu. Elle est un che- min aussi simple qu’universel pour accéder au bonheur et, pour un chrétien, à la sainteté.

6 CLÉS POUR AIMER L’AUTRE SANS L’UTILISER

1 J’ai été utilisé
Prendre conscience que, parfois, je fus utilisé. Visualiser un souvenir, le ressentir et en décrire les conséquences délétères.

2 J’ai été aimé
Prendre conscience que, parfois, je fus aimé comme une personne. Visualiser un souvenir et en ressentir de la gratitude.

3 J’ai aimé
Prendre conscience que, parfois, j’ai aimé l’autre comme une personne, exclusivement pour son bien, sans calcul ni attente de retour. Visualiser un souvenir et en ressentir de la gratitude.

4 J’ai utilisé
Prendre conscience que, parfois, je me suis servi de l’autre, pour mon utilité ou pour mon plaisir. Visualiser un souvenir, le ressentir et en décrire les conséquences délétères

5 Je fais le point
Appliquer la règle d’or : « Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi. »

6 Je passe à l’action
Désormais, décider de ne plus jamais vivre selon la norme utilitariste et de toujours vivre selon la norme personnaliste.

TÉMOIGNAGE : « TA CARRIÈRE COMPTE PLUS QUE LA MIENNE »

Louise et Adam se sont aimés. Maintenant, ils ont mis l’Atlantique entre eux : il vit à Paris et elle à Montréal.
Le roman épistolaire d’Éric-Emmanuel Schmitt, L’élixir d’amour, s’ouvre après la rupture quand ils décident de renouer une correspondance où ils mêlent leur histoire passée et leur aventure présente. Jusqu’au coup de théâtre final (attention, spoiler !), spectaculaire sinon crédible, où Adam se décide à reconquérir enfin sa Belle : « Adam est descendu de l’avion en m’annonçant qu’il brûlait de m’épouser. Rends-toi compte il a renvoyé ses patients et décidé d’exercer désormais à Montréal. Uniquement pour moi ! “Ta carrière compte plus que la mienne”, m’a-t-il assuré, “et tant pis si j’empoche moins”. […] Je suis touchée. » On le serait à moins ! Certes, Adam cherche son bien, mais il pose un certain nombre d’actes radicaux tournés vers le bien de Louise : déménager, lâcher sa clientèle, faire passer la carrière de Louise avant la sienne… Ces actes animés par la NP sont autant d’actes de véritable amour. Adam est sorti de la norme utilitariste et a enfin découvert le secret de l’amour durable : aimer l’autre pour lui-même.

PASCAL IDE

Prêtre catholique du diocèse de Paris, médecin, docteur en philosophie et en théologie, Pascal Ide a publié une trentaine de livres, notamment en éducation, en éthique, en psychologie, en philosophie et en théologie.
Il anime le site pascalide.fr

POUR ALLER PLUS LOIN

Aimer l’autre sans l’utiliser Pascal Ide, Paris, Éditions Emmanuel, 2019.

Amour et responsabilité. Étude de morale sexuelle Karol Wojtyla Jean-Paul II, trad. Thérèse Sas revue par Marie-Andrée Bouchaud- Kalinowska, Paris, Les Plans-sur-Bex (Suisse), Parole et silence, 2014.

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