L’adieu aux larmes

30 avril 2019

10 Esp A

Accepter son passé, purger l’imaginaire, découvrir la joie au travail, l’exemplarité des bénévoles, guérir. Comprendre pourquoi on est tombé dans la défonce, aller au fond de soi, poser des choix : l’héroïsme, le beau, la prudence. Saint Jean Espérance est l’histoire de défis par milliers, de chutes et de très belles victoires.

TEXTE ET PHOTOS : ALEXANDRE MEYER

Trois décennies à passer du baume sur les âmes blessées des toxicomanes. Saint Jean Espérance est née en 1987 d’une intuition du Padre, le frère Jean-Philippe Chauveau, membre de la communauté Saint-Jean, pour sortir les jeunes de la dépendance et des souffrances qu’il a lui même éprouvées. La providence a fait le reste. Les dons ont permis de rebâtir la maison de Pellevoisin qui leur sert de refuge.

Ils sont issus de familles à problèmes, ont subi la violence, l’absence, l’alcoolisme de leurs proches. Traînent certaines hérédités comme un lourd fardeau. Polytoxicomanes avec un produit de prédilection, ils sont arrivés là après dix ans d’addiction au jeu, au porno, à l’alcool ou aux drogues les plus diverses. Ils ont souvent tout perdu, sont tombés dans la délinquance – ou pire – pour s’acheter leur dose, se sont endettés auprès des dealers.

À une demie heure de route, les filles sont accueillies dans la coquette maisonnée des sœurs à Méobecq. Elles aussi ont plusieurs années d’addiction derrière elles et les rechutes sont fréquentes. La peur de passer à côté d’une vie de couple, d’un boulot, des amis est angoissante.

Renoncer aux effets de la drogue n’est pas le plus difficile. La culpabilité qui les ronge est plus tenace, plus dure à surmonter. Ils ont fait souffrir leurs parents, échoué dans leurs études, raté leur vie. Du moins leur vie d’avant.

TRAQUER LE MAL À LA RACINE

Un « ange gardien » veille sur chaque nouveau venu : un jeune déjà bien avancé dans son parcours, qui partagera sa chambre et l’acclimatera à la vie communautaire, l’encouragera à aller vers les autres. Il faut réapprendre la bienveillance : ce qui est bon pour les autres est bon pour eux-mêmes et les aide à s’en sortir, à contrôler les manies entraînées par le manque : égocentrisme, compulsion, obsessions… Ici, on n’entre pas en cure mais en quête de la racine du mal. Sans produits de substitution ni de sédatifs, seules les prescriptions médicales pour traiter les failles psychiques fréquemment provoquées par la drogue sont admises : schizophrénie, paranoïa ou bipolarité. Vittoz, EMDR, visites chez le psychiatre ou l’art-thérapeute… toutes les méthodes sont les bienvenues. Les rechutes conduisent parfois à la tombe mais les deux tiers du millier de jeunes passé ici ont remonté la pente.

Arthur, une force de la nature, veille sur les poussins et manipule les œufs délicatement. Il passé un an dans l’une des maisons annexes. « Difficile de retrouver sa carte bancaire et la liberté, je n’étais pas prêt, j’ai préféré revenir ici. »

Vincent, les bras plongés dans la pâte à pain, claquait 1500 € par mois dans le cannabis : « J’avais le choix entre l’hôpital psychiatrique, la prison ou la rue. Ma sœur connaissait Saint Jean et j’y suis allé. J’ai failli partir au bout de six mois. Aujourd’hui je suis le plus ancien. Je veux aller au bout. »

LA PUISSANCE DE L’ESPRIT

Frère Éric accompagne les jeunes depuis 17 ans. D’une puissante intériorité, il dispense les cours et guide la prière du chapelet, deux fois par jour. La dévotion des jeunes priant les uns pour les autres est impressionnante.

Les filles, sereines, papotent en grillant une cigarette avant de retourner au potager. Concentrées, elles repiquent les fraisiers, redressent les tuteurs, aèrent la terre des oignons avant de rafraîchir la paille des clapiers. Gabrielle, 23 ans a été orientée vers Saint Jean « par une amie catho, comme par hasard ». Le déclic ? La psychiatre qui proposait de l’interner. « Il faut que tout le monde connaisse l’existence de Saint Jean Espérance. Ici, je me suis sentie chez moi. »

Le travail manuel, l’amitié et la prière sont la règle. Ils participent du travail sur soi. Le travail manuel reconnecte au réel, développe la confiance en soi, entraîne une certaine satisfaction et encourage la coopération. Il n’est pas exigé de croire en Dieu pour entrer à Saint Jean Espérance, mais d’être ouvert à la spiritualité. « Il y a une quête d’absolu chez les toxicomanes, la drogue développe la sensibilité, l’imaginaire. Ils entrent non-croyants et ressortent pratiquants à 99 % » sourit le frère Juan Pablo, pilier de l’association depuis 10 ans. Ses doigts courent sur les billes de bois du long rosaire qu’il porte à la ceinture. Il ajoute, le regard lourd : « internet a abîmé l’humanité, les drogues chimiques et les stupéfiants de plus en plus sales. Ce qui me pacifie, c’est de penser qu’au ciel, les derniers seront les premiers, Dieu ne pourra pas ne pas tenir compte de leurs souffrances. » Il se lève, confiant : « Quand la nature humaine est réconciliée avec elle-même, le travail de l’Esprit Saint est extraordinaire. »

POUR EN SAVOIR PLUS : http://www.stjean-esperance.net


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