Valérie Corré : de l’inceste à la vie

13 mars 2015

10_Valérie Corré

Il a fallu des années de silence et d’amour à Valérie Corré pour pouvoir presque «tout dire» après avoir subi l’inceste pendant son enfance.

« Ces deux abuseurs sévissaient dans le secret de l’alcôve familiale »

J’ai six ans lorsque je suis brutalement plongée dans le monde du silence. Je suis une gentille petite fille devant « aimer » son papa, obéissante, devenue une proie à disposition, otage, agneau sacrifié. Enfance transformée en supplice, les coups les plus violents ont été aussi les plus invisibles. Je les ai reçus de celui qui aurait dû me protéger, mon père, et de son frère, mon oncle, sinistres héros de la perversion. Ces deux abuseurs sévissaient dans l’anonymat, le secret de l’alcôve familiale. Dans le plus insoutenable des silences et la plus grande indifférence générale, j’ai tenté de survivre à l’inceste, subi régulièrement durant plus de mille quatre-vingt jours. Souffle fragile. Ne pas en parler, ne plus parler. « Sois gentille…! »

Matricule 147

Les menaces, puis les abandons, ensuite les placements à la DASS, saccagent un peu plus ma personnalité, mon droit à l’amour, mon droit à la vie, mon droit à l’enfance. Je m’appelle Valérie : « Matricule 147 ». Éprise de liberté et attirée par les arbres, un jour, au bout de la clairière jouxtant le parc de l’orphelinat, je découvre une chapelle à l’abandon. Intriguée par la représentation d’un homme accroché, épinglé comme un vulgaire tissu sur une croix, je saisis la souffrance. Rien qu’à le regarder, je l’aime déjà ! Recueillie chez mes grands-parents, à l’âge de neuf ans, j’applique mon cœur à comprendre, au catéchisme, attentive aux autres, pleine de compassion pour un autre « père » qui, pour moi, est tout le contraire de mon géniteur. Le même homme rencontré au bout du sentier perdu, dans la bâtisse, sur la croix, c’est Lui, le « Père » ! Un soir, j’ai dit « Père », poussée par la honte, la douleur morale. Poussée par ce besoin de respirer autrement, de remonter des abîmes de l’horreur. Poussée par la nécessité d’aimer et d’être aimée. J’ai dit « Père », comme j’aurais exprimé : « Me voici. » Revenir du fin fond de l’enfer, calcinée dans tout mon être, il me devenait indispensable de ne compter que sur Dieu, qu’Il me tire de là, qu’Il me tire vers le haut. Je reçois la grâce du baptême et de la communion à treize ans : j’unis mon âme à celle du Christ (comme-union : à deux, ça devrait aller mieux !). « N’aie plus peur, tu es libre, tu peux reconstruire ta vie », signifiait-Il au creux de mes prières. « Il faut veiller, ma fille, jusqu’à la fin, et les tempêtes pourront te tremper mais sans te nuire, et tu iras, chargée de fruits, vers Moi, ton Seigneur, pour la récompense éternelle. Ne te dépouille jamais de la ‘protection’ de la prière. »

Années de lutte

Comme par un goutte-à-goutte d’amour à ma vie, le Christ panse mes blessures, peu à peu. Il y a eu aussi des années de persévérance, de lutte contre mes traumatismes, contre les indifférences et les humiliations. Je me suis cognée souvent à ma mémoire douloureuse et au pardon. Le pardon du vouloir et celui du pouvoir. Le pardon de la mémoire n’est pas facile. Il exige beaucoup de temps. Il fallait aussi absolument recréer mon histoire. Tendre vers le plus beau, donner des gestes d’amour (j’ai été hospitalière à Lourdes auprès des malades), porter un regard d’amour sur les victimes d’inceste (étant membre d’association d’aide aux victimes). Transformer ma vie en existence d’amour. Dieu m’a donné la force de revivre, Il m’a aussi donné les outils pour témoigner autour de l’événement qui a marqué mon enfance. Et de mettre des mots sur les maux. J’ai écrit mon livre Sois gentille comme un témoignage qui se veut sensible et lucide. Il a été présenté à la commission des lois de l’Assemblée nationale en 2013. Il est un appel à la dignité humaine, à une prise de conscience. Il est le point de départ d’un débat citoyen, un passeport pour la réhabilitation, l’affirmation d’un droit à la vie, un hymne à l’amour.

Pour aller plus loin :

« Sois gentille… ! », Valérie Corré, 7 Écrit Éditions Paris (dès fin mars)

www.soisgentille.123siteweb.fr

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