Accompagner les enfants en deuil

26 octobre 2019

Father and daughter at graveyard visiting grave of mother on rainy day with umbrella

La perte d’un être cher fait partie de la vie et concerne également de nombreux bébés, enfants et adolescents. Comment les accompagner pour vivre au mieux ce deuil si douloureux et les aider à vivre ? Explications de Josée Masson.

PAR JOSÉE MASSON – PROPOS RECUEILLIS PAR ÉMILIE POURBAIX

Le deuil est une souffrance, parce qu’il faut aimer, ou avoir aimé la personne qui est morte pour être endeuillé. On vit le deuil, on ne le fait pas. Un deuil ne se fabrique pas, il se ressent une seconde à la fois, car il est mouvant, il change de seconde en seconde, de minute en minute, d’heure en heure. Ce n’est pas parce qu’on ne pleure plus tous les jours que le deuil s’est volatilisé. Il reste présent et fera signe dans cer- taines circonstances. L’important n’est pas d’accepter la mort de l’être cher, c’est plutôt d’accepter son état d’endeuillé et le travail qui l’accompagne, qu’on soit adulte, enfant ou adolescent. Pour cela, il faut vivre un instant à la fois, accepter les émotions qui se présentent.

L’ÂGE DE L’ENFANT

L’âge de l’enfant, même s’il n’est qu’un des facteurs ayant une incidence sur un deuil, est très impor- tant, car il influence toute la compréhension de la mort de celui-ci et ses réactions actuelles et à venir, et ce, pour plusieurs années. Les enfants ont la compréhension que leur âge leur permet d’avoir. Ce sont souvent les questions qu’ils posent qui reflètent vraiment leur compréhension. Les enfants commencent à avoir une idée plus précise de la mort et de la vie à l’âge de 10 ans.

PAS DE « DEUIL TYPE »

Chaque deuil est unique. Même des frères jumeaux qui vivent la mort de leur papa dans les mêmes circonstances vivent chacun un deuil unique. Il faut donc prêter une attention particulière à chaque jeune touché par la mort d’un être cher. Il n’existe pas de « deuil type ». Il est faux de croire que le deuil constitue une route parsemée des mêmes obstacles et des mêmes panneaux de signalisation pour tous. Les réactions qu’on ressent ou les émotions qu’on a ne se présentent pas selon un ordre défini. Là où il y avait attachement, il y a eu arrachement. Et là où il y a arrachement, il doit maintenant y avoir détachement, car l’endeuillé, même s’il décide de garder un lien intérieur avec l’être aimé, doit se détacher de ses anciennes façons d’interagir avec lui. Le deuil consistera ainsi dans l’ensemble des réactions d’ajustement à cette perte.

UN TRAVAIL

Il y a une autre façon de percevoir le deuil, celle de considérer qu’on a un travail à faire, dans lequel on doit s’acquitter de quatre tâches qui sont sans ordre spécifique et seront revisitées au fil du temps, grâce à l’aide d’adultes : reconnaître la réalité de la perte (ce qui exige une compréhension totale du caractère irréversible de la mort [1]) ; vivre cette expérience douloureuse (ce qui implique la possibilité d’exprimer toutes ses émotions et d’observer les adultes accomplir cette tâche) ; s’adapter à l’absence, grâce à des ressources intérieures et extérieures (cet ajustement se fera au fil du temps car c’est la maturité qui permet de réaliser toutes les pertes sous-jacentes à la mort d’un être cher) ; réinvestir son énergie dévolue à la personne décédée dans d’autres relations humaines (mais pour cela le jeune doit comprendre ce que la personne décédée représentait véritablement dans sa vie). Ces tâches devraient être connues des adultes proches des jeunes endeuillés. En effet, même si cela n’empêche pas la souffrance de ces jeunes, cela permettra aux adultes de mieux les comprendre et de mieux les accompagner.

DEUIL D’AMOUR

Il faudrait calculer la période du deuil en amour et non en temps. Plus le lien est important, plus l’amour est grand, et plus le deuil en sera mar- qué la vie durant. Car il n’y a pas de mal à pleurer la mort de sa mère soixante-dix ans plus tard, ce sont des larmes d’amour et la mort n’estompera jamais l’amour. C’est parce que nous aimons que nous ressentons le chagrin, sinon notre route se poursuivrait sans changements ni réactions. Il faut accepter que c’est l’amour qui nous fait pleurer, regretter. Le jeune commence à bien se porter lorsqu’il ne refuse plus la mort de la personne décédée et qu’il commence plutôt à cultiver son souvenir. Pourquoi ne pas accepter que, tant qu’il y aura de l’amour envers un être cher décédé, il y aura aussi un deuil ? Apprendre à vivre avec la perte, créer la vie à partir de cette mort précoce, cher- cher un sens à cette épreuve, croire qu’il est possible de vivre dans les montagnes russes d’émotions, se permettre de profiter de la vie… C’est cela aussi un deuil.

1. Nous ne reverrons plus la personne aimée en ce monde, même si, croyant à la vie éternelle et à la résurrection, nous espérons la retrouver au-delà de la mort. (NDR.)

4 CLÉS POUR AIDER UN ENFANT EN DEUIL

1 Participer aux rites funéraires

N’ayons pas peur de les traumatiser, car les inclure à ces rituels sera source pour eux de mieux-être. Ils sont en effet la représentation, pour les vivants, du dernier au-revoir à la personne décédée, et ils marquent l’achèvement de la vie du défunt. Ils constituent les moyens les plus sûrs, bénéfiques, réparateurs. Ils aident à surmonter l’épreuve. 

À l’inverse, l’absence de rituel aura des conséquences importantes sur la vie de la personne endeuillée. Le rituel est tout aussi important pour l’adulte que pour l’enfant ou l’adolescent. Il lui permet de manifester son chagrin, de consolider son sentiment d’appartenance à la famille et de témoigner ouvertement de son attachement au défunt.

2 L’écouter

Le jeune endeuillé doit savoir qu’en tout temps, il peut exprimer ce qu’il vit et poser les questions qui le tourmentent, parler avec un être cher qui a connu la personne décédée, à un adulte de confiance, à un ami, à un membre de sa famille. Pour un jeune, cela signifie trouver des réponses, normaliser son vécu, garder vivante la personne décédée ou même essayer de mieux comprendre la mort.

3 L’aimer

Le jeune a plus que jamais besoin de ressentir l’amour du parent ou de l’adulte dans ses gestes et ses attitudes. Il ne faut donc pas hésiter à sourire
à l’enfant endeuillé, à le cajoler, à le serrer dans ses bras, à lui dire qu’on l’aime, quel que soit son âge. La preuve de cet amour résidera aussi dans l’encadrement et le maintien de la routine de vie.

4 L’encourager

Le jeune est rassuré lorsque les adultes lui disent que la mort d’une personne qu’on aime est une très grande épreuve, très difficile, mais qu’il pourra vivre une belle vie malgré tout.

TÉMOIGNAGE : « JE CONFIE À JÉSUS TOUTES MES PEINES »

Alizée a perdu son père d’une longue maladie il y a un an et demi, elle avait 14 ans.

« Quand papa est mort, je ne priais pas trop et ne vivais pas vraiment ma foi. Un jour, j’ai rencontré aux scouts un garçon qui avait, lui aussi, beaucoup souffert. Sa rencontre avec Dieu l’avait sorti du trou et avait même transformé sa vie. En me tournant vers Dieu à mon tour, j’ai vécu une véritable conversion. Depuis, je lui parle quand je traverse des moments difficiles, que ça ne va pas. Je prie tous les soirs au calme. À la messe, je confie à Jésus toutes mes joies et mes peines. Je me sens écoutée. Ma foi est encore sortie renforcée d’une session spirituelle à Paray-le-Monial, grâce aux paroles de Dieu que l’on m’a transmises. Le soir, ou à la messe après la communion, je parle à mon père et lui confie mes sœurs, maman, mes amies. Je lui demande d’intercéder pour moi. Voilà comment je garde le lien avec lui. Je suis moins triste qu’au début, je ressens toujours le manque, j’ai souvent besoin de parler de lui à mes amies, mais je pleure beaucoup moins. Quand nous mourrons, nous nous retrou- verons tous près de Dieu, je le sais. Y croire, cela change tout. »

 

Josée Masson, travailleuse sociale, a développé une expertise en matière de deuil chez les enfants et les adolescents depuis plus de vingt ans. Formatrice et conférencière internationale, elle a créé Deuil-Jeunesse, un organisme de bienfaisance pour les enfants et les adolescents endeuillés ou vivant différents types de pertes.

POUR ALLER PLUS LOIN

Mort, mais pas dans mon cœur, Josée Masson, Desclée de Brouwer, 2019, 400 p., 20,90 €

www.deuil-jeunesse.com

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