Influenceur du patrimoine, auteur, réalisateur et animateur d’un reportage sur la cathédrale Notre-Dame de Paris, Henri d’Anselme est plus souvent connu sous le nom de « l’homme au sac à dos », depuis son intervention héroïque à Annecy où un terroriste attaquait des enfants. Rencontre avec des valeurs à retrouver !
PAR ANNE-CLAIRE DÉSAUTARD-FILLIOL
Henri, on vous connaît comme « l’homme au sac à dos » mais qui êtes-vous vraiment ? Je suis Henri d’Anselme, j’ai 26 ans, je suis français, catholique ! Aujourd’hui, je suis influenceur du patrimoine grâce au Chant des cathédrales que l’on retrouve sur Instagram. Mon but est de transmettre la beauté du patrimoine, tant sur le plan de la matière que de l’âme. Comment est venue cette idée de faire le tour des cathédrales de France ?
C’est un rêve de gamin, une idée qui trotte dans ma tête depuis le début du collège ! Je me rappelle avoir dit à ma mère que j’avais envie de faire ce tour de France à cheval ! Finalement, j’ai décidé de marcher car nous sommes des hommes faits pour ce mode de transport. Lors des pèlerinages solitaires au long court, au bout de trois ou quatre semaines, le corps se met au rythme du soleil et de la nature. On retrouve un rythme inné. C’est transformant.
Qu’est-ce qui vous a décidé à partir sur les routes ?
J’avais d’abord envie d’aventure. Puis il y a eu l’incendie de Notre-Dame de Paris en 2019. J’ai fait l’expérience que beaucoup de monde a fait ce soir-là : j’ai compris qu’il était possible de perdre quelque chose de très précieux, personnellement, pour notre communauté et pour notre pays. J’ai compris que ma démarche du Chant des cathédrales avait une volonté de rendre un hommage à l’héritage que l’on reçoit. Tandis que mes amis partaient vivre une expérience à l’international, j’avais envie de mieux connaître la France et montrer la beauté de notre patrimoine. Je suis parti le 25 mars 2023, jour de l’annonciation de Marie, pour accoucher 9 mois plus tard du 25 décembre 2023, de mon tour du Chant des cathédrales !
Une cathédrale vous a-t-elle marqué ?
La cathédrale d’ Albi ! Elle est très surprenante ! C’est une forteresse de briques rouges. De loin, on dirait des silos à grain ! Quand on arrive, on se retrouve devant un portail de pierres calcaires, extrêmement sculpté, qui donne déjà l’idée de ce qu’on va trouver à l’intérieur. On rentre, et là, c’est la crise cardiaque ! Une explosion de couleurs, de sculptures, un foisonnement incroyable, majestueux, gigantesque, de mises en scènes. Albi a encore son jubé, sauvé in extremis par un ingénieur du coin au moment de la Révolution. Des tableaux sont peints par des artistes de la Renaissance italienne. Inspiration gothique, folie occitane, artistes italiens : la cathédrale d’Albi est un cocktail explosif !
Dans votre tour des cathédrales, y a-t-il un endroit où vous avez été saisi sur le plan spirituel ?
Aujourd’hui je suis passionné par les cathédrales car j’en ai vu 152, ce n’était pas forcément le cas au début de mon aventure. Je pense que j’ai vécu mes plus beaux moments d’exaltation face à de beaux paysages ! Je me souviens d’un moment, sur la Côte d’Azur, entre Fréjus et Cannes. Un coucher de soleil sur une plage, j’en ai pleuré ! Jusqu’à Annecy, je n’ai vécu que de générosité, vu que de belles choses, des sourires, de belles rencontres, de beaux villages. J’avais juste envie de dire merci ! Je vivais mon aventure à pied. J’avais de quoi me payer un sandwich au déjeuner. Le reste, c’était de la mendicité : dîner et logement. Sur 9 mois, j’ai dormi 4 fois dehors, dont 2 fois volontairement.
Une rencontre qui vous a marqué ?
A la fin d’une journée éprouvante, c’était pendant la traversée de la Camargue, une dame m’a accueilli comme si j’étais son petit-fils. Chez elle, il y avait une espèce de pureté. Elle était veuve depuis 20 ans mais gardait un sourire radieux. La pureté de la simplicité est touchante. Le pèlerin ne fait que passer et c’est justement pour ça que la rencontre est belle. Il y a cette démarche de retrait par rapport au monde. Les discussions sont plus faciles car on sait qu’on ne se reverra jamais. Les gens se confient facilement. Ce qui faisait le poids de mon sac et la beauté de mon voyage, c’étaient les émotions, les sourires et les rencontres que j’emmenais avec moi sur la route.
Après deux mois et demi, vous devenez malgré vous « l’homme au sac à dos ». Vous intervenez lors d’une tentative d’assassinat sur des enfants dans un parc d’Annecy. Un tournant dans votre aventure ?
La démarche a changé car du jour au lendemain, je me suis retrouvé dans une tempête médiatique qui a duré deux mois. J’ai été marqué psychologiquement jusqu’à cette année. Malgré cet épisode difficile, il était hors de question d’arrêter ma démarche. Cela n’avait pas de sens pour moi. L’attaque a eu lieu un jeudi matin, et dès ce soir-là, des gens sont venus me voir pour me dire merci de nous réapprendre à ne pas avoir peur. Voilà ce que j’ai exprimé : « j’ai agi comme chaque français devrait agir à partir du moment où il se nourrit de ce qu’il y a de plus grand et de plus beau dans notre pays. Relevez la tête, n’ayez pas peur, fixez la flèche des cathédrales, elles nous donnent la direction ». Des journalistes disaient découvrir une nouvelle jeunesse qu’ils croyaient disparue ! Je leur répondais qu’elle existe, mais qu’on n’en parle jamais !
Pendant cette attaque, qu’est-ce qui vous a fait agir ?
Il ne faut pas évidemment pas faire de mon intervention quelque chose de surnaturel mais on ne peut pas non plus supprimer la dimension spirituelle. Ce jeudi, j’arrive vers le parc. Que je sois là à cet instant précis n’est pas le hasard, c’est la Providence. Qu’un Syrien, demandeur d’asile, qui se prétend chrétien alors que c’est un ancien affilié état islamique, attaque des enfants au nom de Jésus-Christ, croise le chemin d’un pèlerin catholique pratiquant qui essaie de vivre de l’Evangile au jour le jour, et que l’un fasse fuir l’autre… C’est la Providence ! D’autant que j’aurais déjà dû être passé sur ce lieu depuis plus d’une heure. Je m’étais assis sur un banc profiter du paysage. J’avais aussi le choix entre 3 chemins. Le plus logique aurait été de prendre à travers la ville car c’était le plus rapide. Ou profiter du paysage en longeant le lac. Pourtant, je coupe à travers le parc car je décide de repasser voir la cathédrale avant de partir. Là, j’aperçois l’homme qui commence à taper dans les poussettes. Au début, je crois que c’est un vol à l’arraché mais je vois qu’il tient dans sa main un long couteau noir de 20 centimètres. Je capte ce qu’il se passe. En une fraction de secondes, il faut prendre la décision. Ce qui se passe ensuite est animal et je ne me souviens pas de tout : le champ visuel s’élargit, le temps ralentit, le cerveau s’éteint. A ce moment-là, le processus est chimique : le cerveau nous drogue volontairement pour pouvoir réagir. Il faut ensuite se mettre à l’écart pendant au moins une ou deux semaines pour que le corps évacue les hormones qui empoisonnent. Je suis resté quatre jours dans cet état et il m’a fallu quatre mois pour m’en remettre totalement.
Comment poser un tel acte de la volonté ?
J’ai posé cet acte de la volonté pour plusieurs raisons : d’abord, il y a Dieu qui veille. Ensuite, cela fait deux mois que je ne vois que de belles choses : les sourires des gens, la beauté des paysages, la richesse des rencontres. A tel point que, parce que je ne me nourrissais que de beauté, voir le mal était devenu quelque chose d’intolérable, d’insupportable. Aristote l’explique bien, la vertu est une habitude à faire le bien. Le vice est une habitude à renoncer au bien. Notre capacité à faire de grandes choses dépend de notre capacité à nous en nourrir. C’est un message de civilisation ! Si j’avais été dans un train-train de métro boulot dodo, je ne sais pas si j’aurais réagi de la même façon. Puis, il y a ce que je suis antérieurement à tout cela. Mon éducation catholique, le scoutisme (avec l’idéal chevaleresque), ma famille aristocrate, l’héritage familial transmis à travers des récits, des souvenirs. Mon grand-père m’a remis la Légion d’honneur en janvier dernier. Ce jour-là, il m’a appris, lors de son discours, que son père avait lui aussi reçu la Légion d’honneur à 25 ans pour fait d’armes pendant la guerre de 14-18. Je ne suis pas le premier de la famille ! C’est une responsabilité. Je disais aux médias, le lendemain de l’attaque : « Ce qui était en lui avait peur de ce qui était en moi ». J’étais nourri par quelque chose qui me dépassait. Pendant les six minutes de l’action, j’avais en tête deux êtres, comme une idée fixe : saint Michel Archange (l’ange qui terrasse le démon) et Arnaud Beltrame Que s’est-il alors passé pour le chant des cathédrales après cette épisode à la fois dramatique et héroïque ?
Ma démarche d’aventure s’est complètement transformée en démarche de transmission à ce moment-là. Le bon Dieu m’a fait réaliser ça. Il m’a donné cette épreuve pour me faire comprendre ma mission. J’ai visité 152 cathédrales. J’ouvre mon livre sur l’expérience de Notre-Dame de Paris et je finis sur ça aussi. Je montre en quoi ce n’est pas du tout un hasard si la réouverture à lieu le 8 décembre 2024, soit la veille du quart de siècle. C’est pour moi, un très fort signe des temps ! Notre-Dame a un message fort a faire passer. Le bon Dieu a autorisé un drame pour nous rappeler où sont nos racines. C’est une renaissance matérielle, symbolique et spirituelle.
Ne pensez-vous pas que les nombreuses demandes de baptême en France seraient liées au déclic provoqué par l’incendie de Notre-Dame ?
Ce regain s’explique car nous sommes vides ! La nature a horreur du vide et il faut remplir ! Les jeunes n’ont rien reçu spirituellement, c’est pour ça qu’ils sont sensibles à recevoir le vrai, le beau le bien. Pendant mon tour des cathédrales, j’ai rencontré beaucoup de jeunes qui me racontaient leurs parcours.
Un nombre incroyable de gens reviennent à la religion catholique ou au moins à une forme de spiritualité, parce que c’est la nature de l’homme ! Il faut profiter de ça pour rappeler la nouvelle du Christ.
C’est génial de se battre pour sauvegarder matériellement le patrimoine religieux. Il faut le faire car c’est un héritage offert par nos ancêtres gratuitement dans le temps long dont on a la charge de transmettre gratuitement dans le temps long. Mais pour le faire, il est nécessaire de comprendre ce qu’il est dans sa nature profonde pour transmettre ce qui en fait son âme. Le plus important n’est pas tant d’aller restaurer la pierre que de faire aimer son message et de transmettre sa vocation.
Que pensez-vous de faire payer l’entrée de la cathédrale Notre-Dame de Paris ?
Pour moi, c’est impensable de payer pour visiter la cathédrale Notre-Dame de Paris ! Cela va contre la nature même de ce bâtiment qui est religieux, construit pour Dieu. On ne rentre pas dans une cathédrale comme on rentre dans un musée pour suivre un parcours touristique. Que l’on soit athée, juif, musulman, catholique, bouddhiste … quand on entre dans une église ou dans une cathédrale, même si c’est Notre-Dame de Paris, on entre dans la maison de Dieu, on devient pèlerin. Dans la cathédrale, il y a le tabernacle avec la présence réelle du Christ. Qu’on le veuille ou non ! Il y a à Notre-Dame la plus belle relique que l’humanité possède : la couronne d’épines du Christ, qui sera présentée dans toute sa majesté dans un reliquaire géant où les gens pourront venir prier et toucher le reliquaire ! Dans le nouveau parcours de Notre-Dame, qui a été bien pensé par le diocèse de Paris, on rentre par le portail nord, c’est-à-dire la passion du Christ, l’Ancien Testament. Nous sommes dans l’ombre. Puis on arrive jusqu’au à la couronne d’épines, le sacrifice du Christ pour sauver les hommes, avant de sortir par le sud, c’est-à-dire la lumière, la Résurrection du Christ. Ce n’est pas un parcours touristique. La vocation de Notre-Dame de Paris est catholique. Catholique signifie universel !