Poète mystique

1 février 2023

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Auteur de nombreux ouvrages à succès, Christian Bobin vit dans son Creusot natal, au cœur d’une forêt et pourtant au beau milieu du monde. Il passe ses journées à contempler l’homme et la nature, et cisèle en orfèvre ses mots pour dire le réel. Il vient de publier Un bruit de balançoire.

 

PROPOS RECEUILLIS PAR CYRIL LEPEIGNEUX 

 

Christian Bobin, auteur d’un livre renommé consacré à saint François d’Assise (Le Très-Bas, couronné par le prix des Deux Magots et le grand prix catholique de littérature) parle comme il écrit : sans masque, lentement, en quête du mot juste. Un poète spirituel et très humain, toujours en recherche d’« un langage qui soit aussi puissant, aussi fort, aussi vibrant qu’un pré sous le soleil ou qu’une rivière ».

 

Certains se demandent à quoi peut bien servir la poésie…

Et l’amour, à quoi ça sert ? Il n’y pas des choses très belles et protégées d’un côté, et des choses terribles qui seraient à l’abandon. Pour moi, écrire c’est aller chercher tout ce qui est à l’abandon dans nos vies, tout ce que le monde délaisse et lui redonner la première place, aller fouiller dans ce que le monde a rejeté et y trouver de l’or.

Notamment du divin ?

Je ne fais aucune séparation entre l’humain et le divin. Quand l’humain dans le monde diminue ou recule ou s’obscurcit, alors le divin suit la même pente. Le divin, c’est la présence au maximum de quelqu’un devant nous. C’est la fraternité. C’est la bonté réelle de quelqu’un. C’est son intelligence. Ce que j’appelle le divin, c’est juste la grâce d’avoir en face de soi un humain qui s’étonne de la vie et qui ne la comprend pas car elle est incompréhensible.

A force d’observer, comme vous, l’homme et de contempler la nature, parvient-on à Dieu ?

Pour voir Dieu, il suffit de regarder un visage. Même celui de quelqu’un de perdu, de quelqu’un de violent, est comme un petit temple de chair. La difficulté avec le nom de Dieu est que l’on croit très vite savoir de quoi il s’agit et on se précipite pour en parler mécaniquement. En vérité, je ne sais pas ce que c’est que Dieu. Et les deux ou trois choses que je sais de Lui ne sont en fait pas tout à fait un savoir : ce serait plutôt un sentiment, voire un pressentiment. C’est une certitude mais qui n’est pas dogmatique.

Que dites-vous encore de Dieu ?

Je rejoins un grand penseur, doublé d’un poète, du nom de Jean Grosjean. Il a défini l’indéfinissable, c’est-à-dire Dieu, en écrivant un jour que Dieu est le gouffre, l’abîme intérieur de chacun. Curieusement, cela commence à s’éclairer quand on parle comme ça. On sort de la représentation du catéchisme ou peinturlurée… Ce que cette vie a de divin est très difficile à dire… Que ce soit au milieu de la forêt ou dans un immeuble de banlieue aux fenêtres aveugles, il y a quelque chose de divin dans le fait d’être en vie. Il m’est aussi difficile de parler de Dieu, de la vie ou de parler vraiment des suites pour violoncelle de Bach… Je peux les écouter et comprendre quelque chose. Mais c’est une com[1]préhension que je ne peux expliquer.

Lisez-vous encore les Évangiles ?

Oui et régulièrement. J’aime leur simplicité incroyable. Cette histoire d’un jeune homme qui vit cachédu monde durant trente-trois ans. Et tout d’un coup, Il rompt avec cette grâce du quotidien et soulève la vie par quelques paroles qui sont au fond très simples. Et qui gardent toujours une force explosive. Ce qui m’étonne, c’est la banalité, l’ordinaire, de ces paroles. Les Évangiles ressemblent à une petite scène qui est en fait toujours celle que nous avons sous les yeux aujourd’hui. Le fond de l’humain, du divin, est resté le même : je te trahis ou je ne te trahis pas. Je te fais confiance sans savoir pourquoi ou je ne te fais pas confiance. Il n’y a rien de plus actuel que ce livre-là. Il est même en avance sur nos vies puisqu’il parle, très peu d’ailleurs, de résurrection.

Un passage préféré ?

Une phrase que le penseur, philosophe et journaliste Maurice Clavel a fait mettre sur sa tombe à Vézelay : «Je te remercie, ô Père, d’avoir caché ces choses aux docteurs et aux sages et de les avoir révélées aux humbles et petits » (Luc 10, 21). Je donnerais beaucoup de bibliothèques pour une parole comme celle-là.

Pourquoi ?

C’est une parole révolutionnaire ! Ce n’est pas une école, ni des diplômes, qui nous donnent la vérité sur la vie. La vérité profonde et bouleversante de la vie est donnée à chacun, notamment aux plus pauvres, aux plus simples, considérés par le monde comme trop faibles ou idiots. Ceux-là qui n’ont rien, en vérité ont tout. Ils savent exactement, entre la pesanteur et la grâce. Comme lorsqu’on entend des personnes qui ont connu la prison ou qui n’ont apparemment pas d’instruction, et qui parlent comme des boulets de canon en allant à l’essentiel.

À quel moment avez-vous réalisé que les Évangiles étaient de la dynamite ?

Petit à petit. En ayant traversé quelques épreuves qui m’ont simplifié. Et en réfléchissant à l’aide de pensées telles que celle de Jean Grosjean. Plus je suis étonné par la vie, plus elle me paraît ressembler à ce qui est écrit dans l’Évangile. Évangile où tout se trouve : meurtres, grâce, liberté, absence, pire sommeil, éveil absolu… Ce livre est comme une vitre transparente entre notre temps et l’Éternel, et entre nous et nous-mêmes.

Êtes-vous heureux ?

Dans le temps où j’écris, oui. Un bonheur dans l’instant du travail et je retrouve ensuite mes pesanteurs d’homme. On demandait à Matisse s’il croyait en Dieu et il avait répondu très vite : « Oui, quand je peins »… Je suis en quête de la sagesse à petits pas. En tombant parfois, et en boitant. Mais j’ai une sorte de confiance que je ne peux pas m’expliquer. Je l’ai toujours eue mais j’ai eu besoin qu’elle me soit révélée.

 

SON LIVRE 

Un bruit de balançoire (Ed. L’iconoclaste) 

Un recueil de lettres destinées à un ami, à sa mère, une poétesse russe, le facteur, un nuage, un bol ou encore Ryokan, poète et ermite japonais.

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