Lancés au lendemain du dramatique incendie du 15 avril 2019, les travaux de sécurisation et de consolidation de la cathédrale sont terminés. Le chantier de restauration peut commencer. Un vaste programme d’aménagements intérieurs veut rendre la cathédrale aux 12 millions de fidèles, pèlerins et touristes, qui franchissent son porche chaque année et leur proposer un nouveau parcours de découverte des trésors qu’elle abrite.
TEXTE ALEXANDRE MEYER – PHOTOS REVIVRE-NOTRE-DAME (1) – C2RMF / ALEXIS KOMENDA (2-3) – DRAC ÎLE-DE-FRANCE (4)
La renaissance de Notre-Dame est un projet considérable qui ne s’arrête pas à ses murs. Approuvé dans son principe, le 9 décembre dernier par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, le programme des aménagements intérieurs doit maintenant trouver son financement (voir encadré). Il est entièrement à la charge de la cathédrale. « L’élan des bâtisseurs pour redonner à l’édifice son allure extérieure doit se poursuivre pour faire de nouveau battre son cœur, appuie Mgr Éric Aumonier, représentant du diocèse de Paris pour le chantier de la cathédrale Notre-Dame. Avant l’incendie, à l’intérieur de Notre-Dame, il y avait de la vie. La mise en lumière, l’installation du son, l’extension de l’orgue de chœur, le remplacement du mobilier détruit… sont les projets, non couverts par la souscription nationale, destinés à faire revivre la cathédrale aux visiteurs au moment de sa réouverture. »
UN CHEMIN SPIRITUEL
La démarche créative veillera à respecter la cohérence de l’axe liturgique, du baptistère (symbole de l’éveil à la vie chrétienne), jusqu’au chœur de la cathédrale (lieu sacré par excellence), en passant par la nef, l’ambon (le pupitre où est lue la parole de Dieu) et l’autel, à la croisée du transept (où le Christ se rend présent, dans l’eucharistie, au cours de la messe). Le cheminement spirituel emprunté par le visiteur vient synthétiser le discours intemporel de l’édifice, qui reste et restera un lieu de culte catholique.
UNE DÉCOUVERTE DE LA FOI CHRÉTIENNE
L’entrée se fera donc désormais par le portail central. La nef, libérée en semaine d’une partie de ses assises, offrira au regard une perspective pure, reliant le baptistère, l’ambon, l’autel, le tabernacle (où sont conservées les hosties consacrées) et la Croix de gloire, cette grande croix dorée dominant le maître-autel et la Pietà du sculpteur Nicolas Coustou (Vierge éplorée portant sur ses genoux le Christ descendu de la Croix). Un parcours catéchuménal – de découverte de la foi chrétienne et de la Révélation divine dans l’Ancien et le Nouveau Testaments – occupera les chapelles de la nef et du chœur.
LE SAViEZVOUS ? 150 M3 DE BLOCS DE PIERRE, ISSUS DE NEUF CARRIÈRES DE L’OISE ET DE L’AISNE, SERONT NÉCESSAIRES À LA RECONSTRUCTION DES VOÛTES.
« Le visiteur circulera dans une nef débarrassée de ses bancs. Il entrera dans la cathédrale par le grand portail, fera l’expérience de l’élévation et sera saisi par l’ampleur de l’espace. » Père Gilles Drouin, chargé du projet d’aménagements intérieurs de Notre-Dame.
Un sarcophage anthropomorphe (de forme humaine) en plomb, intégralement conservé, a été dégagé à la croisée du transept. Au regard des caractéristiques et de la localisation du sarcophage, l’hypothèse d’une sépulture d’un ecclésiastique semble probable, elle pourrait dater du XIVe siècle. Tout autour, on distingue les carneaux (conduits) de chauffage en brique datant de la restauration de l’édifice par Eugène Viollet-le-Duc au XIXe siècle.
La restauration des tableaux de la cathédrale a débuté en octobre dernier. 22 des 25 tableaux, dont 13 Mays (œuvres offertes chaque année, les premiers jours de mai, par la Confrérie des orfèvres parisiens entre 1630 et 1707), sont en cours de restauration (couches picturales, supports et cadres) à l’initiative de la Drac Île-de-France.
Des éléments sculptés polychromes (de plusieurs couleurs) ont été enfouis sous le dallage actuel de la cathédrale. Ils pourraient appartenir à l’ancien jubé de Notre-Dame (la barrière séparant le chœur de la nef), construit vers 1230 et détruit au début du XVIIIe siècle, dont nous ne savons presque rien.
EN DÉTAIL
LE CHANTIER N’A PAS FINI DE RÉVÉLER SES SECRETS
Le 2 février 2022, des fouilles ont été entreprises à la croisée du transept, sous les dalles noires et blanches du podium, très endommagé par la chute de la flèche de la cathédrale. Des vestiges archéologiques d’un grand intérêt historique et artistique ont été mis au jour (voir ci-contre). Mais le temps presse : pour tenir le calendrier des travaux et rouvrir la cathédrale aux fidèles à l’horizon 2024, les archéologues n’ont eu que quelques semaines pour exploiter ce site exceptionnel. À cet endroit précis va s’élever un échafaudage de plus de 100 tonnes, nécessaire aux travaux de reconstruction de la flèche…
LA COLLECTE
La Fondation Notre-Dame a recueilli 354 M€ de promesses de dons pour la sécurisation et la restauration de la cathédrale. Ces dons proviennent de 70 400 particuliers, entreprises et collectivités publiques françaises ou étrangères. Depuis le 1er janvier 2021, 2 M€ ont été collectés pour le programme des aménagements intérieurs, provenant de 5 000 particuliers, entreprises et mécènes. Six projets seront ainsi progressivement mis en œuvre jusqu’à la réouverture complète de la cathédrale.
LES SIX PROJETS
Le premier projet consiste à agrémenter l’orgue de chœur d’un deuxième buffet, répliqué sur le premier et placé en vis-à-vis.
Le second vise à remplacer le mobilier liturgique et de l’assemblée, presque entièrement détruit dans l’incendie (tabernacle, autel, baptistère, ambon, bancs…).
Le troisième projet s’adresse à l’âme des visiteurs : il tracera un parcours d’initiation, de l’Ancien au Nouveau Testaments, du nord au sud de l’édifice, à travers les douze chapelles entourant la nef. Il faudra ensuite remplacer les équipements de mise en lumière et de son, et reconstruire le reliquaire de la Couronne d’épines, fracturé le soir du drame pour sauver cet inestimable témoin de la Passion du Christ. Le dernier projet permettra de rénover complètement le Trésor de Notre-Dame.