Les vertus de l’échec

29 avril 2019

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Connaître l’échec est une expérience douloureuse. Mais qui peut nous confronter à nos désirs profonds et nous permettre de découvrir en nous des ressources très grandes.

Par Charles Pépin, propos recueillis par Emilie Pourbaix

L’expérience de l’échec est celle de la vie même. Nous nous heurtons à une réalité que nous ne connaissions pas. Ce qui nous surprend, nous saisit, et que la théorie ne peut circonscrire : n’est-ce pas là une définition de la vie ? Plus vite nous échouons, plus tôt nous la questionnons. C’est la condition de la réussite.

« On apprend peu par la victoire, mais beaucoup par l’échec », dit un proverbe japonais. Il faudrait nous rappeler combien les génies, les savants, mais aussi les artistes se sont trompés. Nous pourrions découvrir tout ce qu’ils ont compris en se penchant sur leurs erreurs, tout ce qu’ils n’auraient jamais compris s’ils ne s’étaient pas trompés. Le tennisman Stanislas Wawrinka, vainqueur de Roland Garros en 2015 mais aussi de l’Open d’Australie et de la Coupe Davis en 2014, s’est fait tatouer sur le bras la citation de Samuel Beckett : « Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. »

Au fond, ce qui transforme une erreur « normale » en échec douloureux, c’est le fait de mal la vivre : le sentiment de l’échec. C’est pourquoi la culture de l’échec protège du sentiment d’échec. Trop souvent, nous voyons l’échec comme une porte qui se ferme. Et si c’était aussi une fenêtre qui s’ouvre ? Les Grecs utilisaient le terme « kaïros », qui signifie crise, pour désigner ce moment où le réel se révèle à nous de manière inédite, « kaïros » pouvant se traduire par « occasion favorable » ou par « moment opportun ». Affirmer que la crise est un « kaïros », c’est la voir comme une occasion de comprendre ce qui était caché, de lire ce qui était recouvert.

Au fond, nos échecs sont autant de tests pour notre désir. Nous pouvons en profiter pour nous interroger sur nos aspirations, comprendre par exemple que nous avons échoué parce que nous ne tenions pas vraiment à ce que nous poursuivions. Ou au contraire éprouver au cœur même de l’échec la force persistante de notre désir, mesurer combien telle aspiration est la grande affaire de notre vie. Faire l’expérience de l’échec c’est éprouver son désir et se rendre compte qu’il est parfois plus fort que l’adversité.

La force de vie dont certains font preuve à travers l’échec est l’expression d’un élan vital qui est plus fort que tout. Ainsi nous pouvons éprouver d’autant plus cet élan, cette poussée de vie, qu’elle est contrariée. Le lierre continue de grimper sur la pierre malgré les obstacles qui lui barrent la route.  L’élan vital se nourrit de l’adversité, comme le montre de manière exceptionnelle la créativité des grands hommes qui ont connu l’échec. « La difficulté attire l’homme de caractère, car c’est en l’étreignant qu’il se réalise lui-même », disait Charles de Gaulle.

Nelson Mandela, en revenant sur son histoire à la fois tragique et exemplaire, disait : « Je ne perds jamais, je gagne ou j’apprends. » Nos échecs peuvent nous apprendre à ne plus nous complaire dans le sentiment de l’injustice. En effet, ce sentiment n’apporte rien. Pire : il peut entraver notre action et notre réaction. Nous avons cette liberté de ne pas ajouter au réel, à la difficulté ou à l’échec, cet inutile sentiment d’injustice. La vie est juste la vie, c’est bien assez : elle n’a pas besoin d’être juste pour être digne d’être vécue. Face à un échec comme face à une épreuve, la question n’est pas de savoir si c’est juste ou injuste, mais si nous pouvons nous appuyer dessus pour construire autre chose. La protestation contre le réel est vaine et contreproductive. Elle nous prend de notre force si utile pour reconstruire. Elle nous détourne du réel. L’échec, lorsqu’il est là, ne dépend plus de nous. Seule dépend de nous la manière de le vivre. Nous pouvons pleurer sur notre sort « injuste ». Ou voir l’échec comme une chance de rencontrer le réel. Nous avons le choix.

L’échec n’est certes pas agréable. Mais il ouvre une fenêtre sur le réel, nous permet de déployer nos capacités ou de nous rapprocher de notre quête intime, de notre désir profond. D’abord perçus comme des culs-de-sac, certains échecs sont in fine moins des impasses que des carrefours.

3 clés pour apprendre l’humilité par l’échec

1. L’humilité est sagesse

L’humilité ne va pas sans un apprentissage. L’échec nous rend plus humbles, l’humilité nous rend sages, et c’est cette sagesse qui peut nous faire gagner. Peu importe, finalement, le nombre de fois que nous tombons, tant que nous nous relevons une fois de plus, tant que nous nous relevons plus sages. Difficile d’écrire cela sans songer au chemin de croix de Jésus. L’humilité va ici jusqu’à l’humiliation et conduit à la rédemption. Jésus tombe plus bas que terre et c’est pourquoi il monte au ciel, c’est l’ultime acte d’amour de Jésus pour les siens.

2. L’humilité est intelligence

« Bienheureux les pauvres en esprit, car c’est à eux qu’est le royaume des cieux », peut-on lire dans l’Évangile selon saint Matthieu. Les « pauvres en esprit » peuvent être intelligents : ils reconnaissent simplement les limites de cette intelligence au regard de la vérité révélée par la Bible. Nous ne sommes pas loin de la position d’Albert Einstein lorsqu’il déclarait à la fin de sa vie : « Le plus grand mystère, c’est que nous puissions comprendre quelque chose. »

3. L’humilité est joie

Saint Paul aussi connut son propre chemin de croix et fut un exemple d’humilité. Parcourant le monde pour apporter la « bonne nouvelle » de l’Évangile, il fut battu, humilié, emprisonné, et écrivit pourtant : « Je déborde de joie au milieu de mes tribulations. » Il lui faut, comme Jésus, toucher le fond pour toucher l’essentiel, se dépouiller du superflu pour reconnaître ce qui compte. Même si nous ne croyons pas en Dieu, nous pouvons croire en cette vertu de l’humilité, et y voir l’un des enseignements majeurs du christianisme, cette religion dont le Dieu s’est incarné dans un nourrisson, un petit être démuni, infiniment fragile, chu dans une mangeoire, trouvé au fond d’une étable. Une invitation exemplaire à l’humilité.

Charles Pépin est philosophe et romancier, traduit dans une trentaine de pays. Il est notamment l’auteur de Ceci n’est pas un manuel de philosophie (Flammarion, 2010), Quand la beauté nous sauve (Robert Laffont, 2013), La Joie (Allary Éditions, 2015)

POUR ALLER PLUS LOIN

Les vertus de l’échec, Charles Pépin, Allary Éditions, 2016, 250 p. 18,90 €

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