Huit jours de randonnée en pleine nature. Jeûne, marche, prière, les goumiers vivent en autonomie totale, abandonnant montre et téléphone portable. Entre dépassement de soi, contemplation et entraide, l’être retrouve sa place naturelle. Rencontre avec Edouard, Goumier et organisateur de Goums.
PAR ANNE-CLAIRE DÉSAUTARD-FILLIOL
Qu’est-ce qu’un Goum ?
Un Goum, c’est une aventure humaine et spirituelle, un raid qui dure huit jours, dans des lieux désertiques. On s’arrange pour croiser le moins de village possible. En France, ils peuvent se dérouler dans les Causses, en Aubrac, dans les Cévennes ou les Corbières. Certains ont lieu en Italie (Ombrie, sud de l’Italie) ou en Espagne (Navarre, Aragon). Plus rarement en Terre Sainte. Ils se déroulent en petits groupes. Chaque étape se déroule sur 20 à 25 kilomètres par jour en portant son sac. C’est aussi une aventure physique. On est toujours accompagné d’un prêtre, qui marche comme nous.
Quelle est la mission du prêtre ?
Il nous accompagne comme un pèlerin dans cette aventure. Tous les matins après un petit déjeuner, on a une heure de méditation sur un texte, puis la messe.
A quoi ressemble une journée concrètement ?
Les journées sont simples. On est dans une nature magnifique, plus souvent des endroits montagneux. Le matin, un ou deux goumiers auront préparé un petit déjeuner très sobre, que l’on partage tous ensemble. Nous profitons ensuite d’une heure de méditation suivie de la messe. Nous préparons ensuite nos affaires pour partir après un topo sur l’itinéraire du jour. Chacun prend son sac. On est libre. On peut passer d’un groupe à l’autre, on marche seul ou accompagné, on peut s’arrêter devant un beau paysage, se baigner lorsqu’on croise une rivière, chanter toute la journée ou rester dans le silence ! Pas de montre, pas de téléphone, pas d’argent, pas de stress ni de de contrainte de temps. La boussole et la carte IGN permettent à chacun de décider de son propre itinéraire. Le midi, nous ne mangeons pas. Et le soir, le dîner est sobre. On est dans une sobriété heureuse, une charité fraternelle qui se met en place naturellement. Le goum est également une expérience de jeûne et de pauvreté qui vous transforme. Nous bivouaquons souvent sur un point élevé pour avoir une belle vue. Un véritable moment de contemplation !
Qui vient aux Goums ?
Les Goums s’adressent prioritairement à des jeunes de 20 à 35 ans. Il peut y avoir des personnes plus âgées mais aussi des couples ou des fiancés. Tous veulent vivre un temps de grande liberté, de dépouillement. Un sentiment de vulnérabilité nous accapare et nous fait grandir. Nous vivons avec les éléments, ce qui nous rapproche les uns des autres, mais aussi de la Création.
Quels sont les bienfaits d’un Goum ? Marche, jeûne, prières. En huit jours, il doit se passer beaucoup de choses ?
Oui bien entendu. Goum signifie tribu. Au départ, on ne se connaît pas puis on se rend compte qu’après huit jours, c’est comme si nous nous connaissions depuis toujours. De très belles rencontres naissent dans ces lieux désertiques où l’humanité et la fraternité reprennent leurs droits. On ne dit pas son métier, il y a comme une sorte de libération du poids social qui permet de se rencontrer en vérité.
Et vous personnellement, que vous apporte le Goum ?
Il me permet de me ressourcer véritablement, de réfléchir à ma vie, aux valeurs à mettre en avant dans ma vie. Huit jours de Goums, cela vaut un mois et demi sur le chemin de saint Jacques ! La nature somptueuse, les ciels étoilés inoubliables… Cette aventure est complète, tant sur le plan humain, physique, spirituel ou relationnel. On redevient créature au coeur de la beauté de la Création. Le Goum est aussi l’occasion de découvrir qu’on a des ressources insoupçonnables. On voit qu’on est capable de faire de grandes choses. Lorsqu’on rentre d’un Goum, on a acquis la conscience de cela.
Comment se passe le retour à la vie normale après une aventure comme celle-là ?
Fatalement, on est transformés. Des choses changent. Des décisions se prennent au regard de Dieu. La façon d’aborder la prière, la nourriture, le rapport au temps et aux autres… Dans les Goums, nous comptons cinq piliers essentiels : la pleine santé du corps, la liberté d’esprit, des relations humaines authentiques, la foi rayonnante et le don de soi créatif (comment être au service de l’autre). C’est ce qui reste après dans sa vie.