La tradition de la crèche vivante de Noël serait née au Moyen-Âge. Ces « mystères de la Nativité », étaient joués sur le parvis des églises. De petits personnages de bois ou d’argile les ont peu à peu remplacés, s’invitant dans les foyers provençaux puis de tous les Français après la Révolution.
TEXTE ET PHOTOS ALEXANDRE MEYER
Étudiant en droit plus habile à caricaturer ses professeurs
qu’à réviser ses leçons, Jacques Cassegrain fonde l’entreprise éponyme de fabrication de santons de Beauce en 1945 à Janville, en Eure-et-Loir. L’exode l’avait conduit à Marseille où il avait découvert cet artisanat traditionnel. Son gout pour la peinture et les talents de sculpteur de son épouse Geneviève ont fait le reste. La troisième génération des Cassegrain a pris la relève il y a cinq ans.
Poussée à reprendre l’entreprise de ses grands-parents depuis l’âge de 15 ans, Claire Franot-Souche est depuis 2014 « gérante, directrice artistique, comptable, chargée des relations presse et des achats de l’Atelier Cassegrain. De tout, en somme », dit-elle en riant. Six décoratrices lui prêtent leur concours. Trois à l’atelier historique de Janville en Eure-et-Loir et trois à Fleurieux-sur-l’Abresle, dans le Rhône, où sont réalisés les moulages.
450 SANTONS AU CATALOGUE
Pour dessiner ses nouveaux modèles, Claire travaille sur photo : « J’habille les amis que je mets à contribution, surtout les enfants, à qui je fais prendre la pause. Je les déguise comme de petits santons. J’ai besoin de voir le tombé des costumes, les plis des vêtements, pour me rendre compte. Les drapés de ma grand-mère étaient excellents, j’en suis encore loin ! »
Les fondateurs de l’atelier fonctionnaient en duo : « Ma grand-mère avait une formation académique de sculpteur et mon grand-père, un vrai talent de dessinateur. Malheureusement, je crois que c’est ma fille qui a hérité
de son coup de crayon ! » Pour la réalisation, Claire emploie de la plastiline, une pâte à modeler qui ne se rétracte pas à la cuisson. Partant le plus souvent d’un sujet déjà existant, pour avoir le volume, le mouvement, une position, elle lui retire qui une tête, qui un membre, qui un accessoire, et remodèle à son idée. Sur les 450 santons du catalogue, l’atelier Cassegrain lui en doit déjà une quinzaine.
SOIXANTE-QUINZE ANS DE TRADITION
La figurine, taillée au couteau qu’elle a hérité de sa grand-mère, est moulée dans de la silicone. Il faut 6 à 24 heures pour expulser l’air du moule qui servira à réaliser le premier tirage en plâtre. Celui-ci est affiné, poli au papier de verre et à l’eau. Puis un nouveau moulage de la figurine « dégrossie » est effectué et ainsi de suite, jusqu’au tirage définitif.
C’est à son grand-père que la maison doit ce choix artistique et stylistique de personnages ronds, aux profils très doux. Les santons sont toujours mis en couleur selon les coloris qu’il a établis il y a près de soixante-quinze ans.
LE SAViEZ- VOUS ?
C’EST À FRANÇOIS D’ASSISE QUE L’ON DOIT D’AVOIR POPULARISÉ LES CRÈCHES DE NOËL, COMME UN CATÉCHISME COMPRÉHENSIBLE PAR TOUS.
LES«BEST-SELLERS»
Parmi les plus gros succès de l’atelier Cassegrain, il y a bien sûr la crèche et les personnages de la Nativité, mais aussi certains symboles (l’amour, la confiance…) incarnant les biens de la terre, les vertus, les arts, qui se vendent comme des petits pains à Noël et au printemps pour les communions et les baptêmes.
Les saints sont représentés chargés de symboles tirés des Écritures, de la tradition ou de la Légende dorée : les clés de saint Pierre, la palme du martyre, un évangile, une épée, une crosse d’évêque, un bouquet de roses…
Les commandes de saints patrons sont un précieux indicateur des prénoms à la mode. En tout cas chez les catholiques, qui forment une bonne part de la clientèle. « Les anciens prénoms classiques fonctionnent très fort ces dernières années : Louise, Jeanne… », assure Claire Franot-Souche.
LES BRETONS INDÉTRÔNABLES
Les couples folkloriques remportent un franc succès. Ils sont nés d’un voyage en Bretagne des époux Cassegrain, à une époque où il était encore fréquent que les femmes revêtent leur costume traditionnel les dimanches et jours de fête. Le séjour a inspiré pas moins de trente-deux santons, aux couleurs de onze localités différentes ! Bien d’autres régions françaises sont aujourd’hui représentées, ainsi que leur folklore traditionnel : l’Alsace, la Bourgogne et son Tastevin, l’Auvergne, la Camargue, la Corse, le Pays basque et même la capitale avec son académicien en habit vert ! Jacques et Geneviève Cassegrain ont réalisé un travail de recherche et de documentation considérable pour donner vie à leurs santons, mais ont aussi immortalisé des traditions encore vivaces dans la France des années 60 à 70. Ils ont ainsi directement copié le costume de la Maurienne sur celui d’une voisine pendant leurs vacances en montagne.
L’atelier Cassegrain vend plus de 10 000 santons par an. Le catalogue compte près de 450 modèles. Comptez 15 à 30 € pièce.
Une centaine de figurines en plâtre sont réalisées chaque semaine : moulées, séchées, délicatement décorées à la gouache et à la main, puis laquées une à une. Il faut jusqu’à deux heures pour peindre les santons folkloriques les plus élaborés.