Chaque année en France, grâce aux progrès de la médecine, 40 000 personnes survivent à un accident cérébral à la naissance ou au cours de leur vie. Nous sommes tous exposés à un événement qui peut nous rendre fragile : la maladie, le handicap, une séparation, la vieillesse, le chômage… Simon de Cyrène vient d’ouvrir à Nantes un lieu de vie et de partage où chacun, personnes en situation de handicap, amis, familles, peut se retrouver.
TEXTE ALEXANDRE MEYER – PHOTOS ÉLODIE PERRIOT POUR SIMON DE CYRÈNE
Illustration : Un après-midi, à 17 h 30, Amaury est rentré du travail. La maison a décidé sur un coup de tête de passer la soirée à Pornic. « Ces belles soirées improvisées sont possibles car nous sommes plusieurs, nous nous faisons confiance et acceptons de nous laisser bousculer dans nos habitudes. » Inès, responsable de maison.
Le partage des talents. « Ce n’est pas parce qu’on est handicapé qu’on ne sert plus à rien », affirme Françoise. En effet, de la cuisine au jardin en passant par des petites leçons d’anglais ou de piano, chacun trouve à la maison quelque chose à partager ou à apprendre.
Les personnes qui aident au quotidien ne sont pas seulement des aidants, ce sont aussi des colocataires, voire des amis. « J’ai trois familles : celle qui m’a donné naissance, l’équipe qui m’a accompagné pour ma rééducation après mon accident et la troisième, c’est Simon de Cyrène. » Amaury, habitant de la Maison bleue.
Ici chacun a son studio personnel avec kitchenette et salle de bains privative. Nous avons aussi la possibilité de tous nous retrouver dans la salle de vie au rez-de-chaussée. Un bel environnement pour vivre chez soi, sans être seul.
Le parfum du bonheur : « Reconnaître à l’autre le droit d’être lui- même et d’être différent » (Fratelli Tutti, pape François), c’est œuvrer pour qu’il trouve une valeur dans la société,
un sens à sa vie.
UNE INTUITION PROPHÉTIQUE
L’association Simon de Cyrène est née de l’initiative d’un groupe d’amis qui a décidé de créer ensemble des lieux de vie où personnes handicapées, amis et familles pourraient se retrouver et « vivre ensemble ». Ils ont ouvert en décembre 2009 la première maison partagée à Vanves aux portes de Paris. Depuis, des groupes de « Compagnons » se sont constitués en associations Simon de Cyrène dans douze grandes villes de France (Vanves, Angers, Rungis, Dijon, Nantes, Marseille, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Saint-Malo, Paris et Lille). La Fédération Simon de Cyrène les aide à structurer leur projet et leur apporte le soutien technique et financier nécessaire pour créer leurs propres maisons partagées.
Petites sociétés fraternelles, ces maisons répondent à un « nouveau défi de société : permettre aux personnes ayant basculé dans le handicap de reconstruire leur vie après l’accident », résume Philippe Pozzo di Borgo, président d’honneur de la Fédération Simon de Cyrène. Là, personnes handicapées et valides vivent ensemble, et témoignent que la dépendance, la fragilité et la solitude peuvent être surmontées par la fraternité et la confiance.
LA CIVELIÈRE
En janvier 2019, Simon de Cyrène Nantes a ouvert trois maisons partagées à La Civelière, dans le quartier sud de Nantes. Ces foyers ont pour vocation de permettre aux résidents handicapés d’avoir leur « chez-eux » tout en étant accompagnés dans les actes de la vie quotidienne et sociale, dans leur suivi médical et la définition de leur projet de vie.
Ces maisons (dans chacune cohabitent huit personnes en situation de handicap et sept personnes valides) sont inclusives à double titre : d’une part, parce que les habitants valides ou non font le choix de partager le même toit. D’autre part, parce que ces maisons sont ouvertes à la vie du quartier, aux relations avec les voisins et aux associations du quartier. La communauté Simon de Cyrène de Nantes propose, six jours par semaine, des activités de jour (peinture, jeux, modelage…) ou des sorties culturelles et ludiques avec la soixantaine de compagnons qui l’accompagnent bénévolement tout au long de l’année.