Le chanteur français vient de publier son ultime album – en tant qu’interprète – intitulé Didier Barbelivien, adressé aux fans qui le suivent depuis le début de sa longue carrière. En 40 ans, il a fait chanter Johnny Hallyday, Gilbert Montagné, Michel Sardou, Patricia Kaas, Enrico Macias et tant d’autres… Il nous raconte ici cette relation intime qu’il entretient avec Dieu et qui éclaire son âme.
PROPOS RECUEILLIS PAR CYRIL LEPEIGNEUX
Parlez-vous de Dieu dans vos chansons ?
Cela m’arrive, bien sûr ! Dans Un garçon nommé Jésus par exemple ou encore Je crois en Toi. Le message était assez direct. Il y a aussi une autre chanson sur les cathédrales ou j’ai parlé de Marie. J’ai aussi évoqué Dieu au cœur d’autres chansons.
Est-ce une évidence de le faire ?
Non, c’est une circonstance, un désir. De quel Dieu parlez-vous ? Je parle de Jésus ou de son Père. Du Dieu des chrétiens. Jésus, c’est un de mes amis depuis que j’ai fait sa connaissance. Je devais avoir 6 ou 7 ans et cela s’est passé lors de mon premier cours de catéchisme. Je me suis alors immédiatement intéressé à ce jeune homme de Nazareth.
Vous avez 68 ans, avez-vous pu approfondir votre relation avec lui ?
On s’est accompagné mutuellement. J’ai plus besoin de lui qu’il n’a besoin de moi, sûrement. Mais c’est quelqu’un qui m’a accompagné chaque fois que j’avais besoin de lui. Il reste de manière permanente à l’horizon de mon paysage donc je le retrouve facilement. La relation est simple et naturelle : il y a peu de protocole entre nous.
Quand on la chance de vivre une relation de ce type, est-il facile de la partager ou de la trans[1]mettre à ses intimes ?
Je dois reconnaître que je ne m’occupe pas trop de cette transmission. J’ai la foi égoïste, c’est comme ça… La foi rassemble les chrétiens mais je pense qu’elle ne se partage pas très bien. C’est un truc intérieur. Personnel. Moi, je suis content de parler de Dieu avec d’autres chrétiens. J’ai plein d’amis avec qui on peut par[1]ler du sujet. Si nos rencontres respectives avec Dieu sont différentes, nous pouvons tout de même en parler, les évoquer ensemble mais cela demeure un partage d’impressions. La foi, la nôtre, la vraie, celle de chaque individu est éminemment personnelle.
La sainte Vierge a-t-elle une place dans votre vie spirituelle ?
Oui même si la première place est donnée à Jésus. Pour moi, Marie, la Sainte Vierge, c’est le « Trône de la sagesse ». Dans mon dernier disque, dans la chanson Nuage gris, j’interpelle nommément Notre Père, le Saint Esprit, Marie et Jésus. J’évoque même le diable à un moment.
Le diable ?
Oui. C’est bien une personne. Il persiste et dure. On le voit à l’œuvre. Il est dans toutes les exactions humaines. Et Dieu sait qu’elles sont nombreuses…
Et comment faites-vous pour ne pas vous laisser prendre dans ses griffes ?
J’ai un moral de résistant et je sais, même si c’est un truisme, que le mal ne peut pas me faire du bien. À aucun titre que ce soit, ou alors il faudrait être cynique et pervers, ce que je ne suis pas. Il y a des personnes qui sont attirées par le mal, pour en jouir ou en profiter. Moi non, je n’en fais pas partie.
Dans ce nouvel album comme dans les précédents, on sent que vous êtes attaché à un territoire, à un pays, à des valeurs, à des traditions… Avez-vous la nostalgie d’un temps passé ?
Oui, c’est vrai je suis attaché à cela et, s’il y a un fond de nostalgie, c’est peut-être parce que je vois ce monde changer, certaines de ses traditions disparaître. Des églises sont obligées d’être fermées à clef à cause des pillages ! Je préférais le temps où j’étais petit garçon et pouvais y aller deux fois par jour si j’en avais envie… Je pense que l’église est une « madeleine de Proust » pour tous les catholiques de France, même s’ils n’y ont pas mis les pieds depuis longtemps. Je ne sais pas si c’est de la nostalgie, mais je suis quelqu’un qui vit toujours la mémoire ouverte, c’est un état naturel chez moi.
La nature est aussi une source d’inspiration pour vous ?
Pour moi, tout est habité. Quand je marche dans la forêt, j’ai l’impression que les arbres se parlent entre eux, qu’ils m’adressent des signes et pourtant je ne suis pas complètement cinglé ! Et quand je suis au bord de la mer, face à l’océan Atlantique par exemple, j’ai le même sentiment. Vous avez, je peux rester des heures à contempler. Quand je vivais en Casamance, en Afrique, je partais parfois durant 4 à 5 heures et restais ainsi sur la plage à écouter les vagues, le cri des oiseaux, le chant du vent… Je préfère regarder le ciel plutôt qu’un objet d’art. Pour moi, l’art et la vie sont toujours plus dehors que dedans. L’art est important mais il n’y a pas plus artistique que la vie elle-même.
Et qui est l’artiste ?
Le Créateur ! Celui auquel je crois depuis que je suis enfant et que ma grand-mère m’a aidé à rencontrer. Même si je n’ai pas trop de nouvelles de lui au quotidien, c’est quelqu’un avec qui j’entretiens de bons rapports depuis que la correspondance s’est établie. Il est partout. Je le vois dans le regard de ma femme, de mes enfants, de mes proches… chez les êtres humains en général. Vous savez, je donnerais tout ce que j’ai pour voir Jésus ! J’aimerais qu’il rentre ici, maintenant, qu’il s’asseye avec nous…. Qu’il nous parle. Ah ! Qu’est-ce que je serais content de vivre cela avant de mourir ! Je sais bien que je le verrai à ma mort mais j’aimerais que cela se fasse maintenant, c’est mon côté impatient !
Quelle est votre espérance pour notre monde ?
Qu’il retrouve à un moment l’idée de la foi et un guide. Pas pour que nous nous retrouvions tous à genoux et en prière de manière simultanée, mais ce serait bien que les hommes et les femmes, quelle que soit leur religion, retrouvent un peu le sens du sacré et, a minima, une réflexion un peu plus haute sur ce qui les entoure, plus élevée que ce monde matérialiste et fanatique. Cela ne passera pas par un mot d’ordre mais par la réflexion personnelle qui est contagieuse.
Quelle est la « bonne nouvelle » que nous annonce Jésus aujourd’hui ?
Il nous invite à appartenir à un peuple chrétien. À avoir une appartenance commune. À être solidaires les uns des autres. À vivre la charité, la solidarité à défaut de la fraternité. Les hommes sont tous frères : la phrase est belle mais je ne n’y crois pas trop. C’est comme l’égalité et la liberté : la première n’existe pas, la seconde, il faut se battre tous les matins… Alors oui : vivons la charité !
Et le commandement, « Aimez-vous les uns les autres », comment résonne-t-il chez vous ?
Il résonne d’autant plus fort que c’est une notion qui est en train de disparaître. Bien entendu, il faut avoir cette approche de l’autre. Il ne faut pas regarder les autres comme des ennemis ni même comme des adversaires. Ils ne peuvent être adversaires que dans le cadre d’un jeu ou d’une compétition sportive, pour s’amuser, pour rire. Mais il ne peut pas y avoir de vrais ennemis. Ce n’est pas possible. Parce qu’on est frères humains et qu’on est tous semblables.
Et quel est votre meilleur souvenir lié à la foi chrétienne ?
C’est un souvenir récurrent, doublé d’une envie de le revivre. J’entre dans une église ou une chapelle, le matin, tôt, quand le soleil commence à pointer à travers les vitraux. Les rayons éclairent bientôt l’allée centrale et je tombe à genoux, seul, devant la croix que je regarde. Voilà. Cette image ressemble à un rêve et, pourtant, je l’ai vécue plusieurs fois. C’est absolument exceptionnel. Le tout dans le silence, le parfum de l’église… Je me dis alors que ce rayon de soleil qui vient illuminer l’autel ou l’allée centrale est peut-être un peu de Jésus qui me rend visite.
ALLER PLUS LOIN
SON ALBUM
Didier Barbelivien : Un ultime opus aux accents folk et jazzy, arrangé par le pianiste Mathieu Chocat et le guitariste Pierre Schmidt. Didier Barbelivien raconte, émouvant et nostalgique, ses origines, ses amis et l’amour. «Je préfère m’en aller du temps que je suis belle, disait Barbara. Je suis d’accord avec elle ». Il consacrera désormais son temps à la scène et à l’écriture pour d’autres artistes. Twin Music, 2022, 12 titres, 38 minutes, 16,99 €.