GAD ELMALEH : À COEUR OUVERT

1 novembre 2022

01 Invisible

Il y a deux ans, Gad Elmaleh nous avait révélé l’histoire pleine de surprises de sa rencontre avec la Sainte Vierge dans une église de Casablanca (L’1visible n°113). Une aventure qui ne s’est pas arrêtée là et lui a inspiré un film personnel et émouvant, à découvrir le 16 novembre au cinéma. Le temps d’une rencontre décapante, l’acteur, réalisateur et humoriste préféré des Français, nous en raconte le making of…

PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE MEYER

 

Reste un peu, un film étonnant, à mi-chemin entre la réalité et la fiction, où se mêlent des dialogues ciselés et les improvisations souvent très drôles de vos proches, pourquoi ?

Le fond a dicté la forme. En engageant mon père et ma mère sur un sujet aussi délicat – la conversion, mon attirance pour le christianisme –, je ne pouvais par le leur annoncer brutalement. Alors j’ai un peu triché, je le confesse. Je leur ai dit que je réalisais un film sur la crise de la cinquantaine… J’ai maquillé la vérité pour que ça passe. Je devais leur donner les informations au compte-goutte : si je leur avais annoncé tout de suite mon attirance, mon amour et ma dévotion pour la Vierge Marie, ils m’auraient répondu : « On ne fait pas ton film ! »Techniquement, cela s’est traduit par une équipe très légère. Cela ne pouvait pas être solennel, pas de « moteur, silence, ça tourne, réplique… » Mon père aurait été tétanisé ! J’entamais la discussion, ça chauffait un peu, je soufflais un mot de passe à Thomas Brémond, mon Chef opérateur, qui se mettait aussitôt à tourner sans rien dire. On a attrapé ainsi des bribes de conversation. Le tournage n’a duré que 21 jours mais le montage a duré des mois !

Parlez-nous de la genèse du projet…

J’avais écrit trois scénarios très différents avant de réaliser que je tournais autour du pot depuis trop longtemps, je devais raconter mon histoire. Je découvre en en parlant que ce film est une escalade vers la Vérité avec un grand « v ».

Comment avez-vous choisi ce titre  : Reste un peu ?  

Il m’est venu tout de suite à l’esprit. C’est Marie qui dit à son enfant : « Reste un peu », ma propre mère me disant : « Reste un peu » et moi, qui dit à Marie : « Reste un peu, j’ai besoin de toi, j’ai besoin de me sentir accompagné. »

Avez-vous eu le sentiment de prendre des risques pour votre carrière, votre crédibilité ?

Tu crois que je n’ai pas pensé à ce qu’allait penser la communauté juive, les catholiques, les musulmans : « Mais pourquoi il touche à ça ? » À ce qu’allait penser la Vierge Marie elle-même ? Bien sûr que j’y ai pensé ! Mais c’est une déclaration d’amour. Je n’allais pas commencer à me lancer dans des calculs. Chacun pourra penser que ma relation à Marie est bizarre ou délirante, mais on ne pourra pas remettre en question ce que je ressens. Comme dans toutes les vraies prises de risque, il faut y aller à fond. Si j’avais été timoré, je n’aurais pas fait ce film. J’aurais réalisé quelque chose qui cherche à plaire à tout le monde.

Le film ne fait pas l’impasse sur les réactions dures, parfois cruelles de votre famille…

J’avais envie qu’il y ait toutes les voix dans ce film, qu’il sonne vrai. Lorsque j’esquisse ce geste de la prière chrétienne, les mains croisées, l’un des protagonistes du film a effectivement une réaction épidermique d’intolérance : « Pas de ça ici, pas chez nous ! » Il n’ouvre pas son cœur qui est peut-être blessé. Je voulais que le spectateur comprenne que les souffrances du peuple juif justifient cette réticence. Dans Reste un peu 2, je parlerai des catholiques qui pensent comme ça, car les rigoristes existent partout ! (Rires.) D’un autre côté, Le regard des parents est très différent, ils ont un regard de tendresse et de perplexité. Ils se demandent ce qu’ils peuvent faire, avec leur bagage, leur histoire, pour empêcher leur fils de franchir une limite. La mère, comme le père, sont connectés, il y a de l’amour à tous les étages.  Ils  semblent  penser : « S’il  est  heureux  ainsi, après tout… »

Quel  message  voulez-vous  transmettre  ? 

La conversion, bien qu’elle soit perçue comme une catastrophe dans la communauté juive, m’a toujours fasciné. J’ai beaucoup lu là-dessus, notamment les travaux de Yaël Hirsch sur la conversion des  grands  intellectuels  pendant  la  Seconde  guerre mondiale : Henri Bergson, Edith Stein… Leur parcours est bouleversant ! C’est un sujet inépuisable. J’ai voulu montrer que l’intolérance se satisfait souvent d’arguments historiques ou culturels et surtout d’une pointe de mauvaise foi.

Est-ce que tout au long du film, vous ne jouez pas à vous faire peur : « J’y vais, j’y vais pas » ?

Totalement. Le récit de conversion, qui est devenu un  genre  littéraire  à  part  entière,  obéit  à  un  schéma  narratif  que les spécialistes  ont  bien  cerné : je vais décrire ma conversion et le fait de la décrire va m’entraîner à la mener à son terme. En toute honnêteté, je crois que mon film se nourrit de ma vie et que ma vie se nourrit du film pour pouvoir avancer.

Pour poser des jalons dans votre histoire ?

L’histoire n’est pas finie. Je suis certain qu’il y aura une suite. On ne va pas en rester là tout de même ! En revanche, ce sera un film à gros budget parce que, dans le 2, le héros ira au ciel ! (Rires.)

À qui s’adresse ce film ?

À ceux qui pensent que la vérité n’a ni camp, ni parti, ni couleur. Qu’elle est violente, qu’elle est abrupte. Voilà le point de départ. Quand je dis qu’il est plus facile de faire un coming-out sur son identité sexuelle que religieuse, ce n’est pas une blague !

« Si j’avais été timoré, je n’aurais pas fait ce film »

« La scène est le lieu où je demande le plus à Marie de m’aider à être qui je suis, à donner la joie. C’est ma prière continuelle : “Aide-moi à continuer à les faire rire”»

Pensez-vous que le fait religieux est maltraité dans les médias, de moins en moins compris ?

Caricaturer, tourner la foi en dérision, c’est à la mode. Les ravages de la pensée unique ne sont pas nouveaux. Les gens pensent et agissent par rapports aux autres, selon ce qu’ils imaginent leur plaire. Je ne les juge pas mais je leur dis : « Sois vrai. Tu ne sais pas où je vais ni qui je suis, quel est mon parcours. Parle-moi du tien et laisse-moi apprécier. » J’en ai fait l’expérience avec beaucoup de catholiques qui n’assument leur foi qu’en privé. Je ne me prive pas de les taquiner gentiment dans mon spectacle… Je regrette que pendant le confinement, on n’ait pas donné un peu plus la parole à des hommes de foi, quelle que soit leur confession, pour nous aider à vivre la fraternité, à nous soutenir, à avoir une approche  plus  philosophique  des  événements, à faire le bilan, à savoir où l’on en est, à comprendre ce que l’on peut améliorer. Il y en a eu mais il fallait les chercher…

Quelle est ta relation avec Marie ou avec son fils, Jésus ?

Je suis tourné vers Marie. Je le dis dans le film : c’est mon chemin. Je n’ai pas encore saisi le mystère de la Trinité [Dieu Père, Fils et Saint-Esprit dans la religion chrétienne] dans toute sa complexité, je suis encore coincé dans quelque chose de trop cohérent, de trop logique, mais Marie me tient et je la porte en moi, sur moi, autour du cou [il nous montre sa médaille miraculeuse]. Je lui  demande  de  m’aider,  surtout  avant  les  shows : « Je ne demande rien d’extraordinaire, aide-moi à être moi-même, à aller chercher en moi ce qui s’y trouve. » Je pense à la scène parce que c’est là que je suis le plus fragile et à la fois tout puissant. J’ai 4 ou 5 000 personnes devant moi et j’ai une responsabilité, je me dis que ma parole peut toucher les cœurs. C’est le lieu où je lui demande le plus de m’aider à être qui je suis, profondément, à ne pas déraper, à donner la joie. C’est ma prière continuelle : « Aide-moi à continuer à les faire rire. »

Que veux-tu dire aux gens qui ne se posent pas vraiment la question de la foi ?

Je veux dire aux gens qui ne croient pas qu’il est très fort de se persuader au quotidien qu’il n’y a rien. Cela doit exiger un effort incroyable. À celui qui me demande si les Dix commandements, les Tables de la Loi  ont  existé,  je  réponds : « Je ne sais pas, mais qu’est-ce qu’il y a écrit dessus ? C’est bien, non ? Alors autant les prendre ! » Concernant les valeurs, l’éducation de nos enfants, la vie en société je dis souvent à mes potes juifs, musulmans ou chrétiens : « Est-ce que la foi nous aide ? Si oui, tant mieux ! »

Que veux-tu dire à tes amis juifs ?

Que si je n’étais pas juif, je n’aurais pas pu faire ce film. C’est un film « talmudique », il est dans le questionnement [Le Talmud est le recueil des enseignements et commentaires fondamentaux sur la loi juive et la Torah, la bible hébraïque, compilés entre le IIe et le VIe siècle]. Je veux leur dire qu’ils doivent lire les psaumes. J’ai été très pratiquant, j’ai lu et analysé les psaumes de David, les Téhilim en hébreu, à l’école de Talmud Torah. Chrétiens et juifs nous partageons un même livre sacré. L’Ancien Testament est notre tronc commun. Quand je lis les psaumes, en hébreu ou en français, je me dis qu’il faut que l’on soit connectés par ce texte-là.

 

SON FILM

Reste un peu

Après trois années passées aux États-Unis, Gad Elmaleh décide de rentrer en France pour retrouver sa famille et ses amis. Du moins, c’est la raison officielle de son retour… car Gad vient retrouver à Paris la femme qu’il aime : la Vierge Marie, et annoncer à sa famille qu’il veut devenir… catholique. Réalisé par Gad Elmaleh, en salle le 16 novembre.

 

 

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