Baptiser un bébé sans lui demander son avis, inscrire son enfant au catéchisme avant l’âge de raison, le réveiller le dimanche matin pour l’emmener à la messe… Est-ce vraiment lui rendre service ou une entrave à sa liberté ? Un prêtre jésuite, aumônier du MEJ, un grand mouvement de jeunesse, répond à Lili Sans-Gêne.
LE DÉBAT ENTRE LILI SANS-GÊNE ET LE PÈRE XAVIER ROGER
Le père Xavier Roger, s.j. est aumônier national du Mouvement Eucharistique des Jeunes (MEJ) depuis 2015. Association populaire d’éducation humaine et spirituelle ignatienne, le MEJ s’adresse aux jeunes de 7 à 18 ans.
Pourquoi imposer le baptême à un enfant qui n’est pas en âge de comprendre de quoi il s’agit ?
Le baptême ne s’impose pas. Il est simplement l’expression d’une reconnaissance pour un cadeau. Un cadeau fait aux parents qui reconnaissent en leur enfant un don de Dieu. Il est également un cadeau fait à l’enfant pour qu’il naisse aussi à la vie de Dieu. Les parents veulent ainsi au baptême célébrer et transmette ce qui est précieux à leur yeux. À l’enfant ensuite de faire ce qu’il veut de ce cadeau. Il ne s’agit donc pas de le lui imposer mais de lui transmettre une filiation et un héritage qu’il sera ensuite libre de choisir. À bien regarder, à la naissance, beaucoup de choses sont ainsi « imposées » ou plutôt transmises à un enfant sans qu’ils ne les comprennent. Un nom, une manière de vivre et un milieu social, des frères et des sœurs, une manière de penser ou de croire sans qu’il ne la comprenne. Comme un arbre, l’enfant ne peut grandir qu’avec des racines. Alors sans doute qu’il ne faut pas penser les choses en terme « d’impo- sition » mais de transmission, comme dans une course de relais où l’on se passe le témoin. La question, au sein de cette transmission, sera d’éveiller sa liberté et son intelligence.
Si je devais avoir un enfant un jour, je le laisserais choisir sa religion !
Oui, bien sûr, il doit la choisir, mais il y a évidemment des étapes. S’il ne le peut bébé, il le pourra de plus en plus en grandissant. C’est pourquoi s’il peut être baptisé petit, d’autres étapes lui sont proposées (la première communion, puis la confirmation, le mariage aussi) où il pourra choisir lui- même d’avancer. Le baptême correspond à cette étape où l’enfant ne peut choisir de lui-même. À un enfant, on ne lui demande pas quelle langue il veut parler. Sans cela il ne parlera jamais et ne sera pas capable d’en apprendre d’autres. De même pour la religion, c’est parce que l’on transmet une tradition, une manière de prier, de s’ouvrir à Dieu que l’on est parfois capable de s’ouvrir aux autres traditions et de trouver son style propre. Le piège existe cependant de penser à une tradition comme une dictature identitaire exclusive. Alors là, oui, il y a une perversion dans laquelle l’enfant va être enfermé et qu’il reproduira.
Le baptême, la communion, le catéchisme, c’est pour faire plaisir aux grands-mères… Le monde a changé !
Oui, il peut y avoir une éducation religieuse poussiéreuse qui ressemble plus à un musée qu’à ce qui se vit dans le monde. C’est une réalité que peut vivre l’Église, non par la faute de grands-mères qui, on le sait, sont remplies de sagesse et d’écoute, mais davantage à cause d’une jeune génération qui ne trouve pas toujours sa place dans l’Église. Mais bien des mouvements chrétiens (le MEJ dont je fais partie, ou encore les scouts, etc.) sont portés par une jeunesse inventive, bien dans son temps et qui bouscule la tradition et la renouvelle. Ils montrent qu’une tradition n’est pas figée mais vivante et sait se renouveler.
Je n’ai pas envie de forcer mon enfant à adhérer à une religion, ce serait le convertir de force !
De fait, si l’enfant est forcé sans que sa liberté ne soit prise en compte, il y a quelque chose de bru- tal. La foi ne peut, par essence, qu’être libre. Elle demande à être expérimentée, goûtée et non pas ingurgitée. La question est donc de la faire grandir, de l’éduquer comme l’on plante une semence. Cela ne veut pas dire que tout doit être simple et facile. Tout parcours est jalonné de discussions, de résistances ou d’efforts. La liberté et la foi se façonnent et se nourrissent aussi de confrontations, de conflits et de résistances. Mais, par contre, si ce chemin n’est que contrainte ou que celle-ci prédomine, la foi perdra sa sève et sa force.
Il y a tant de choses qui me paraissent plus importantes : le sport, le dessin, la littérature… Pour- quoi encombrer le cerveau d’un enfant avec ça ?
Oui, il y a beaucoup de choses qui peuvent être encombrantes, l’agenda des enfants en est sou- vent le reflet. Il ne s’agit certes pas de les accu- muler mais d’honorer toute la dimension d’un enfant. Il a évidemment une dimension corpo- relle qui doit se développer, s’épanouir, avec le sport par exemple. Celle aussi de sa raison, de sa créativité et de ses désirs qui cherchent à s’exprimer par bien des moyens. Et il y a aussi une dimension spirituelle qui l’ouvre à ce qui est plus grand que l’homme et pourtant l’attire, sur les profondes questions de la vie et de la mort et du sens qu’on lui donne. Ôter l’une de ses dimensions à un enfant, c’est lui ôter une part importante de son humanité. Penser l’encom- brer, c’est en fait l’amputer d’une part de lui- même qui lui est très intérieure.
Je n’ai pas le temps de me plonger dans tout ça. Si Dieu veut que mon enfant ait la foi, il se débrouillera très bien pour la lui donner !
Et pourtant, au parent est confié l’enfant dans toutes ses dimensions. Peut-on imaginer d’un parent peu à même de faire la cuisine, qu’il dise : « Je n’ai pas de temps à consacrer pour cela, la terre se débrouillera très bien pour lui donner ses fruits. » Ou encore qu’il dise de l’école et d’une activité sportive : « C’est l’affaire des professeurs et des entraîneurs. Qu’ils se débrouillent, l’inscrivent, l’accompagnent et lui fassent faire les devoirs à la maison… » Bref, être parent, c’est permettre que des portes s’ouvrent à son enfant sans pour autant devoir tout porter. Permettre à son enfant de s’ouvrir à la foi et à Dieu est aussi la responsabilité d’un parent !
Je n’ai moi-même pas reçu grand-chose alors comment transmettre une religion que je ne connais pas bien ?
Sans doute qu’un parent peut se sentir démuni, pas à la hauteur. Mais son rôle n’est pas de tout savoir ni d’être l’unique transmetteur. S’il ne fait pas tout et ne peut pas tout, il peut tout de même avancer un peu avec lui. La foi n’est pas dans son essence une doctrine mais un chemin où Dieu tisse dans le cœur des hommes des liens puissants. Sur ce chemin, nous marchons tous à notre rythme. Alors cela passe par le fait de parler ensemble de Dieu et de la foi, de prier de temps en temps avec les mots qui sont les nôtres, aussi simplement que ce soit. Cela peut suffire car il ne s’agit pas toujours d’en savoir beaucoup mais de vivre intérieurement les choses.
Ensuite, des parents peuvent s’appuyer sur d’autres chrétiens et avancer avec l’Église pour être soutenu, nourri. Il y a ainsi les paroisses, les camps diocésains, les mouvements, les diverses communautés religieuse, etc. Elles sont autant d’appuis sur lesquelles une famille peut se reposer.
ALLER + PLUS LOIN
Présent dans plus de vingt pays, le Mouvement Eucharistique des Jeunes est une branche du Réseau mondial de prière du Pape. En France, le MEJ est le deuxième mouvement de jeunesse catholique après le scoutisme.