Que signifie Noël aujourd’hui ? Une réunion familiale, des cadeaux et un repas festif ? Reste-t-il quelque chose de l’essentiel de la fête ? Certains ajoutent encore une crèche au pied du sapin, rappelant vaguement l’origine chrétienne du 25 décembre. La naissance du Christ n’est-elle plus qu’une « fête » de fin d’année ? Rencontre avec Don Maxence Bertrand, prêtre à Lourdes.
LE DÉBAT ENTRE LILI SANS-GÊNE ET DON MAXENCE BERTRAND
Lili Sans-Gêne Comme tout le monde fête Noël, franchement ce serait bête d’en faire encore une fête religieuse. À mon avis, laïciser Noël, c’est essentiel, c’est presque une marque d’accueil de l’autre et de tolérance non ?
Don Maxence Bertrand Ça dépend ce que veut dire laïciser ! Si ça veut dire qu’il est possible de fêter Noël même lorsqu’on n’est pas pratiquant ou même croyant, pourquoi pas ! Notre joie de chrétiens peut bien déborder sur les autres ! La joie se perd quand elle se contient. Mais si « laïciser » signifie paganiser Noël, c’est-à-dire désacraliser cette fête en lui retirant toute dimension chrétienne et toute référence à l’histoire sainte, ça ne me paraît pas très juste ni très fair-play !
Il avait même été question au niveau européen, de ne plus appeler cela vacances de Noël mais vacances de fin d’année, il me semble. Ce serait plus juste car la majorité en France n’est plus catholique pratiquante.
C’est un bon exemple en effet ! On se souhaite aussi de plus en plus de « bonnes fêtes de fin d’année ». Pourquoi pas ? Mais faut-il vraiment dissimuler l’origine de Noël ? Quand on coupe la tige d’une fleur, elle finit par se faner. Et il est probable que la joie d’une société de consommation qui ne se souvient plus de la simplicité et de la beauté de Noël finisse elle aussi tristement par se faner.
Et le Père Noël, on en fait quoi dans l’histoire ?!
Le Père Noël est apparu tardivement dans nos traditions. En réalité, il s’agit de Saint Nicolas, un évêque du IVe siècle, très vénéré en Orient comme en Occident, qui est fêté le 6 décembre. Il y avait depuis plusieurs siècles tout un imaginaire populaire et religieux autour de ce grand saint, avec en particulier la légende des cadeaux qu’il venait porter dans les maisons des enfants sages. Peu à peu, on a rapproché cette tradition des cadeaux à la fête de Noël. Une manière de célébrer un autre anniversaire que le nôtre, celui de la naissance du Christ.
Je ne me souvenais pas que Noël rappelait la naissance de Jésus-Christ. Pour moi, c’est des vacances scolaires, du foie gras en famille et des cadeaux.
Le soir de Noël, nous fêtons en effet la naissance de Jésus. Pour beaucoup Noël, c’est un mélange de simplicité et de magie ! Simplicité de la famille en petit comité et magie des traditions, des cadeaux et des guirlandes qui font chaud au cœur ! Le premier soir de Noël, l’ambiance était un peu de ce genre-là. Marie et Joseph avaient cherché de la place dans les hôtelleries de Bethléem, mais sans succès. Ils avaient fini par trouver une étable et c’est là que Marie enfanta Jésus. Simplicité et amour familial. Des anges dans le Ciel annoncèrent la naissance de cet Enfant-Dieu aux bergers du coin et à des mages, riches scientifiques de l’époque. Tous vinrent visiter la crèche et se prosterner devant cet enfant. Magie de Noël. Au pied de la mangeoire : de la laine et du lait, cadeaux des bergers mais aussi de l’or, de l’encens et de la myrrhe, cadeaux des mages.
L’Evangile raconte que les mages avaient été guidés par une étoile mystérieuse, certainement pendant les mois précédant la naissance de Jésus. Cette étoile a suscité depuis plusieurs siècles la curiosité des scientifiques et des astronomes. De nombreuses hypothèses sérieuses appuient ce récit de l’Evangile.
Ah ouah, ça m’impressionne cette histoire d’étoile, mon père ! C’est pour cela qu’on en met une sur le sapin ? D’ailleurs, d’où ça vient la tradition du sapin ?
Les origines du sapin de Noël tiennent plus à la légende ! On raconte que l’arbre de Noël serait apparu un soir du VIe siècle dans une petite commune des Vosges, où les habitants rendaient un culte à un arbre sacré. C’était le soir de Noël. Saint Colomban, un moine irlandais, aurait alors accroché aux branches des lanternes pour dessiner sur cet arbre la croix du Christ. Peu à peu la tradition de décorer un arbre de Noël se serait répandu. Il y a quand même une leçon dans cette tradition, c’est que l’Eglise n’a jamais méprisé ou détruit les cultes païens. Elle les a toujours élevés, orientés vers le Christ.
Au final, Noël est une fête universelle…
Oui, le monde entier est invité à la crèche ! Mais pour celui qui veut bien y entrer, il verra là un enfant emmailloté, qui sans rien dire et sans rien faire a bouleversé le cœur des pauvres et des puissants de ce monde, des bergers et des mages. Le soir de Noël, lorsque l’on se rend à la crèche, lorsque l’on rentre dans une église, il n’est pas impossible que notre cœur soit touché de l’intérieur par ce grand mystère de l’amour. Beaucoup de conversions ou de guérisons ont eu lieu le soir de Noël dans l’histoire. Un écrivain, converti ce soir-là, racontait : « Alors se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi. J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, l’éternelle enfance de Dieu… »
Du coup, le soir de Noël, il y a la messe de minuit ?
L’Eglise du monde entier célèbre ce soir-là la messe de la nuit de Noël. Les églises se remplissent pour venir célébrer cette naissance. Cette messe, ce n’est pas seulement une tradition parmi d’autres, c’est l’essentiel de Noël. Un homme de prière écrivait il y a quelques siècles : « Le christ pourrait naître mille fois à Bethléem, s’il ne naît pas en toi, ça ne sert à rien. Il faut qu’en toi Dieu naisse. » C’est ça la joie de Noël : la naissance de Dieu en notre âme. Toutes les traditions, toute la magie de ce moment, ne sont qu’une manière d’exprimer notre joie de voir Dieu naître dans notre vie et donc un peu plus dans notre monde.
Il me semble pourtant que Jésus n’est pas vraiment né ce jour-là ? C’est un symbole ? Où est la vérité dans l’histoire de Jésus si sa date de naissance est incertaine ?
C’est un peu discuté historiquement en effet. Je ne suis pas historien, mais cette date me touche beaucoup parce qu’elle correspond à peu près au solstice d’hiver, c’est-à-dire à la nuit la plus longue de l’année. Dans notre vie, il y a des moments, où la nuit paraît plus longue… une difficulté qui dure, un problème que l’on ne parvient pas à résoudre… A la messe de Noël, on lit ce texte magnifique : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ». Cet enfant-Dieu né dans la nuit de Noël vient éclairer nos nuits les plus froides et les plus longues. Dieu est avec nous et c’est une espérance immense.
A partir de Noël, les jours commenceront à rallonger. La lumière de Noël n’est pas celle d’un soir. Elle est une lumière à l’intérieur de nous-même qui ne s’éteindra plus. C’est la lumière de l’amour, le scintillement de l’espérance. C’est Noël !
« Cet enfant-Dieu, né dans la nuit de Noël, vient éclairer nos nuits les plus froides et les plus longues »
Prêtre de la Communauté Saint-Martin, Don Maxence Bertrand exerce son ministère au sanctuaire de Lourdes en tant que responsable de la pastorale des jeunes. Il a publié Dieu ou le monde, l’engagement chrétien (Cerf, 2021) ainsi que Bernadette – Celle que personne n’attendait (Première Partie, 2023) à destination des adolescents, mêlant biographie, enseignements et principes à mettre en action à l’école de Sainte Bernadette.