« Ai-je la joie, l’énergie et la paix ? » Se donner à fond dans son travail, sa famille, sans s’ajuster à ses besoins intérieurs, sans prendre le temps de souffler, peut parfois conduire au burn-out. Jonathan Langlois, fondateur du média et podcast Les Lueurs l’a vécu. Durant plus d’un an, son corps lui a dit stop en lui enlevant sa voix. Aujourd’hui, il revient sur cette période de sa vie avec du recul et les divers témoignages qu’il a reçus au micro des Lueurs. Regard éclairé d’un témoin.
PROPOS RECUEILLIS PAR ANTOINE LEMAIRE
Quels sont les effets sur la santé, le moral, la relation aux autres ? A quel moment peut-on se dire effectivement en burn-out ?
De ce que j’ai vu, vécu, et entendu, le burn-out peut se traduire de deux grandes manières différentes. D’abord, le cerveau peut être épuisé et lâcher. Dans ce cas tu n’as plus aucune énergie cérébrale, tu n’arrives plus à réfléchir, entrer en relation avec les autres devient épuisant. Ensuite, le corps aussi peut t’arrêter au bout d’un moment, notamment avec de gros problèmes de dos, un accident de santé etc. C’est d’ailleurs plutôt ce qui m’est arrivé : c’est ma voix qui m’a lâché. J’ai eu énormément de mal à parler pendant un an et demi. Cette perte de voix, c’est la manière dont mon corps m’a arrêté dans ma course folle. Selon moi, le burn-out correspond au moment où le rythme extérieur (travail, vie sociale ou familiale) et la réalité de notre vie intérieure ne sont plus du tout compatibles, lorsque l’élastique entre les deux s’est trop tendu et a cassé. Attention cependant : on ne peut pas ranger les symptômes dans une case et dire « si tu fais ça, tu vas faire un burn-out. »
Souvent, des blessures intérieures, des croyances, des environnements personnels et professionnels vont nous mettre dans une situation de tension. Si on n’écoute pas cette tension, si on ne s’aligne pas, et qu’on continue d’essayer de répondre à toutes nos sollicitations et envies, cela risque de casser. Pascal Ide a décrit le burn-out comme la « maladie du don ». On se donne extérieurement de manière disproportionnée par rapport à ce dont on est capable.
Quels sont les signes qui peuvent nous alerter sur un potentiel burn-out ?
La plupart du temps, on s’en rend compte quand c’est trop tard. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas prévenir le burn-out. Pour cela, on peut se poser à mon avis cinq questions essentielles.
Première question : à quelle fréquence ai-je l’impression d’avoir rechargé mes batteries ? Quand on a l’impression de ne faire que tirer sur la corde, de n’être que dans le rouge, il faut réagir, prendre du temps pour se calmer et se reposer.
Deuxième question : à quelle fréquence ai-je l’impression d’avoir un équilibre qui me correspond ?
Troisième question : est-ce que, depuis plusieurs semaines, j’essaie de taire en moi des émotions fortes d’irritabilité, de colère, de tristesse ? Est-ce que j’arrive à prendre conscience que je m’autoconvaincs d’aller bien ?
Quatrième question : est-ce que j’arrive à demander à des proches comment ils me trouvent ? Les autres sont le meilleur miroir ! Nous ne sommes pas bons juges de nous-mêmes. Et cinquième question : ai-je déjà pris le temps de me demander ce qui est bon pour moi ?
Lorsqu’on a identifié certains signes qui ne trompent pas, que peut-on faire ?
Il faut évaluer le degré. Surtout, si on a besoin d’être arrêté, ou accompagné, il faut consulter un médecin. Si on est dans un moment dur à passer, il faut demander l’aide et le soutien des proches. La difficulté est rarement de demander de l’aide, mais plutôt d’accepter cette aide. Mon message serait d’inviter à une grande douceur envers soi-même.
Il faut prendre le temps de se connaître. Bien sûr qu’il y a des contextes (manque de sommeil à cause des enfants par exemple, dans le cas du burn-out maternel), des moments de vie qui nous mettent vraiment dans le rouge. A ce moment-là, il faut se demander : « ai-je rééquilibré les choses pour affronter cela ? » Il faut parfois remplacer des « et » par des « ou » dans son emploi du temps ! Tout cela présuppose un regard d’humilité sur soi-même, se reconnaître vulnérable. Selon les situations (changement de boss, évolution de ta santé, arrivée d’enfants, contexte familial etc.), il y a des ajustements à faire. La vie est un perpétuel réajustement. Ajuster signifie reconnaître que l’on doit changer les choses pour prendre soin de soi. On a tendance à croire que c’est égoïste, on craint de ne pas être à la hauteur. C’est une charité mal comprise : « charité bien ordonnée commence par soi-même » ! Si le corps envoie des signaux et qu’on ne les voit pas, on va se prendre le mur. Moi, par exemple, tous les mois et demi, je quitte Paris pour aller me « mettre au vert » et recharger les batteries. J’essaie aussi de me garder deux repas par semaine où je déjeune seul. C’est volontaire, pour avoir des moments de respiration.
Quand notre travail représente beaucoup pour nous, c’est difficile de lever le pied. Comment se donner avec justesse ?
Je retournerais la question en demandant : « en me donnant dans mon travail, ai-je de l’énergie ou bien suis-je épuisé ? » Le problème n’est pas la quantité du travail, mais notre ajustement par rapport à cette charge. On n’est pas tous égaux par rapport à ça ! Si je suis à fond et que je m’épuise, c’est qu’il y a quelque chose de désordonné. Car mon corps a raison avant ma volonté !
C’est encore une fois un ajustement qui demande de l’humilité. Suis-je confortable dans mon travail ? Ai-je les trois composantes nécessaires : l’énergie, la joie et la paix ? Si ce n’est pas le cas, cela signifie que notre prétention, et d’une certaine façon notre orgueil, a pris le dessus. La solution n’est pas nécessairement de changer de job, mais plutôt de réajuster mon rapport au travail, en partant de ce qui est bon pour moi. Si je ne m’écoute pas, si je mets ma fatigue et mes tensions sous le tapis, je vais faire grandir le monstre. Tous ceux qui ont essayé en ont fait les frais !
Quelle est l’importance de la foi et de la prière pour avoir une relation saine à soi-même et au travail ?
A mon avis, ce serait une erreur de croire que, parce que Dieu peut tout, il suffit de le prier pour que les choses s’arrangent. Nous sommes également responsables de la conduite de la barque de notre vie. Dieu vit avec nous ces hauts et ces bas, il permet des prises de conscience, mais nous devons faire l’effort d’ajuster ce que nous sommes à nos engagements. Nous vivons dans une sorte de fuite en avant, on veut tout contrôler, mais Dieu nous a invités à la confiance, au lâcher-prise. Moi, j’essaye de tout vivre avec le Seigneur, et de créer des espaces et des moments pour voir les signes et les gens qu’Il met sur ma route. Mais je sais qu’Il me laisse libre d’ajuster ma vie à mes besoins pour pouvoir développer mes talents. Et si je m’y prends mal, Il peut m’en faire prendre conscience, parfois de manière un peu douloureuse. Je pensais qu’en priant, le Seigneur allait m’éviter le burn-out. J’ai compris qu’en fait, Il attendait que j’apprenne à Le connaître et que je mette en place, avec Lui dans ma vie, l’équilibre qui était bon pour moi.
Jonathan Langlois est le fondateur du podcast Les Lueurs, pour lequel il reçoit chaque semaine un invité et lui pose des questions sur ses combats, ses failles et ses plus grands désirs. Il propose également des parcours de développement personnel comme « Dépolluer sa vie intérieure » ou « Dois-je changer de boulot ? »