Amour. Comment peut-on aimer l’autre, la vie durant, tout en développant sa propre liberté intérieure, sa véritable identité, sa différence essentielle ? Avec S. Barth et V. Heulin
Le bonheur à deux, est-ce une utopie ? une mission impossible ? un rêve qu’on peut réaliser ? En réalité, plus qu’une affaire de sentiment, de foi, ou de chance, s’harmoniser amoureusement se choisit librement et courageusement, dans l’intimité et la créativité.
La bonne nouvelle est qu’on en sait plus qu’hier sur ce chapitre de l’amour à deux :
1. Communiquer avec les mots, avec le corps (ex. la sexualité), c’est important et cela s’apprend, dans la durée ;
2. L’homme et la femme réagissent autrement, et leurs histoires respectives, depuis l’enfance, les influencent à leur insu ;
3. On a souvent du mal à distinguer les ressentis de chacun, et à bien voir ce qui se joue.
L’amour, dans le couple « engagé », doit donc prendre les moyens de son désir. Aimer l’autre, c’est, en ce sens, se réjouir qu’il soit sujet de son existence, et l’y aider effectivement par nos paroles, nos gestes, nos transformations intérieures. Se laisser aimer d’autrui, c’est, pour notre part, oser grandir dans le meilleur de soi, sans le laisser « faire notre bonheur » à notre place.
Une parole authentique
De fait, chaque couple s’aperçoit tôt ou tard qu’il n’est pas tout à fait celui dont chacun avait rêvé. Bonjour les tempêtes, gels et frimas dans nos mots, nos corps, nos silences… Fruit du désir et de la volonté réunis, une parole authentique est alors attendue, qu’on peut apprendre à échanger, celle qui nous re-lie vraiment à l’autre, à partir de ce qui nous tisse au plus profond de notre être. Une parole vraie, de ce point de vue, sépare, différencie, et sort chacun de la symbiose. Elle ouvre un espace de création où chacun peut exister pour qui il est. Apprivoiser la différence et le manque devient à ce compte le défi posé à tous les amants.
Au contraire, ramener l’autre à soi, le dévorer, en faire un objet et le mettre à distance, en ne l’écoutant plus, en méprisant ses désirs, en ignorant ses décisions et/ou en usant de violence envers lui, sont autant d’impasses face à l’interdit fondamental : « Tu ne mettras pas d’indifférenciation. »
Encore faut-il s’exercer à traverser concrètement les crises, pour avancer. Des méthodes existent, qu’on a avantage à expérimenter, en quittant le rêve que tout se fera « comme par magie », à coup de déclarations enflammées, sans notre concours effectif.
Par exemple, avec l’analyse transactionnelle, on peut repérer des « états du moi » – parent/adulte/enfant – qui, en interférant, gênent les relations : c’est extrêmement libérateur. La communication non violente, de son côté, pacifie la connexion, en quatre étapes : observer la situation, nommer le sentiment éveillé, identifier le besoin décelé puis formuler une demande concrète, avec empathie.
La méthode relationnelle IMAGO (image) soigne, enfin, « l’espace relationnel » entre le je et le toi. Les affects d’antan, réveillés par le duo intime, s’y voient apaisés par une écoute mutuelle structurée et sécurisante. Le cerveau dit « ancien » se calme. Celui de la conscience (néocortex) favorise la prise de recul, favorisant la qualité relationnelle. L’intimité s’en trouve nourrie. Comme le présent est fenêtre du passé, peu à peu, les interactions difficiles d’origine traumatique deviennent un lieu de résilience amoureuse.
Une joie profonde
Et voici que, riches de leurs apprentissages, les conjoints « en travail » se surprennent à partager autour d’eux une joie profonde, jusque dans leurs tâtonnements : l’amour nu devient ferment au cœur du monde… Un message important à l’aube de cette nouvelle année 2018 où se creusent, à bas bruit, nos vrais désirs d’essentiel.
Sylvie Barth
Docteur en théologie, elle est permanente dans le mouvement œcuménique Fondacio.
Vincent Heulin
Thérapeute de couple IMAGO, il est responsable de la mission Couples, Familles à Fondacio en France.
4 clés pour une communication joyeuse
1. Liberté.
Faire couple résulte d’un choix libre. Certes, quand on tombe « amoureux », quelque chose nous dépasse… Nos hormones, nos instincts, notre inconscient choisissent un peu pour nous. Mais, à côté de l’émotion prend place la décision : celle de nous unir au long cours.
2. Fidélité et courage.
Un homme et une femme qui s’aiment ont à nourrir l’« attachement qui dure ». Selon la loi française (art. 212 du code civil), « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». Plus qu’une simple notion philosophique ou psychologique, la fidélité est une réalité concrète. En hébreu, hésed, traduit par fidélité, signifie aussi bonté. En grec, pistos, fidèle, est de même racine que le verbe croire. Le courage, c’est la crainte surmontée, porteuse de fruits inattendus et surabondants.
3. Reconnaissance.
Dire « merci », « merci d’être toi ! », « merci d’être avec moi ! » fonde les couples heureux et durables… Sans nier les paradoxes, avec la tension entre ce qui est déjà acquis et ce qui reste à découvrir ; la décision ferme de s’aimer pour toujours et la conscience que ce choix se refait chaque jour.
4. Créativité.
Un couple est un organisme vivant dont l’équilibre tient au fait qu’il est en mouvement. Comme l’humain aime les défis, explorer de nouveaux chemins ravive l’esprit d’enfance, le rêve partagé, l’innocence et la créativité, entre des amoureux engagés ensemble. Inventer du neuf à deux met ainsi de la joie au cœur chaque matin.
Pour aller plus loin :
Famille et conjugalité
Écrit par les membres d’un collectif de 40 auteurs (catholiques et protestants), dont Sylvie Barth et Vincent Heulin, Éditions Excelsis/La Cause, 2016
Le couple, mode d’emploi
H. Hendrix, Éditions Imago, 2014
Fondacio est un mouvement chrétien sensible aux enjeux du monde et désireux d’y faire rayonner une spiritualité de l’amitié fondée sur l’Évangile. Des activités sont proposées aux jeunes, couples et familles, seniors, etc.