Rencontre. Titan du cinéma argentin, Dario Grandinetti est à l’affiche du film Le pape François, un film de Beda Docampo Feijóo en salles, à partir du 28 septembre en France. Propos recueillis par Hubert de Torcy et Magali Germain.
Il fallait le jeu puissant de Dario Grandinetti pour porter à l’écran l’incroyable destin du Cardinal Jorge Mario Bergoglio, évêque de Buenos Aires et futur pape François. Le quotidien argentin de cet outsider du conclave est raconté au cinéma à la rentrée. Mention pour un biopic crédible et captivant.
Les Français vous ont vu dans les films d’Almodovar, vous reconnaitront-ils sous les traits du padre Jorge Bergoglio ?
À vrai dire, j’espère que non ! Ce serait fantastique qu’ils ne me reconnaissent pas ! Du moins qu’ils ne reconnaissent pas l’acteur… Mais ce n’est pas quelque chose qui me préoccupe beaucoup, je préfère que le public puisse s’approcher de ce personnage qu’est le pape. C’est surtout ça qui est important.
Beda Docampo Feijóo, le réalisateur du film, espère que son long-métrage fera écho à l’admiration qu’inspire à tous l’ancien évêque de Buenos Aires. Partagez-vous son parti pris ?
Nous avons tous été assez impressionnés par ce pape. Nous savions déjà le rôle très politique qu’il avait joué ici en Argentine. Nous savions également que la fonction de pape implique une action politique et nous voyons bien que l’action du Vatican prend une direction inédite depuis que Monseigneur Bergoglio est pape.
Vous avez rencontré le pape François en personne avant le tournage.Qu’est-ce qui vous a marqué au cours de cette entrevue privilégiée ?
Son énergie. J’ai eu l’impression que sa fonction l’avait comme rajeuni. Comme si cette responsabilité lui avait donné un surcroît d’adrénaline. J’ai vraiment été surpris de le trouver si rajeuni. Je venais justement l’observer pour mieux rendre son boitillement. Mais quand je l’ai rencontré, il ne boitait quasiment plus, ce qui m’a un peu désorienté. Il semblait aller vraiment mieux.
Il n’y a aucune ressemblance physique entre vous et Jorge Bergoglio. On le reconnaît pourtant dans le film, tellement vous restituez avec un mimétisme rare ses réactions et son charisme. Comment vous êtes-vous mis dans la peau de l’archevêque de Buenos Aires ?
En l’observant beaucoup, en visionnant tout le matériel dont on disposait, y compris quand il était plus jeune. J’ai pris conscience de son besoin de communiquer avec chacun, de son expressivité. Ce n’est pas une tâche facile. Il faut le suivre, prendre des notes, prendre en compte des détails qui ne paraissent pas importants. D’autant plus que je suis bien conscient que nous ne nous ressemblons pas. Nous en étions tous bien conscients. Mais l’idée était de montrer le comportement et l’énergie de ce personnage très typé.
Personnellement, quelle a été votre émotion le 13 mars 2013, le jour de l’élection du pape ?
Ce fut une grande surprise. Je ne m’y attendais pas du tout. Je ne me suis quasiment pas rendu compte de ce que cela signifiait. Ce n’est d’ailleurs qu’à partir de ce moment-là que j’ai commencé à prêter attention à son travail pastoral. Vous savez que c’est une personnalité politique très forte chez nous en Argentine, qui s’est prononcée à de nombreuses reprises pour dénoncer la pauvreté, la corruption dans notre pays, non sans faire grincer des dents…
Le connaissiez-vous quand il était évêque de Buenos Aires ?
Je ne le connaissais pas personnellement mais je connaissais sa carrière, ses déclarations, son engagement politique, social et pastoral.
La foi catholique est-elle une source d’inspiration pour vous ?
Je ne suis pas catholique, mais, j’aime justement l’engagement humain de ce pape, sa personnalité et la cohérence de son comportement.
Vous avez tourné sur les lieux de sa vie argentine, dans la paroisse qui a reçu les menaces de mort, avec pour figurants ses anciens paroissiens. Quelle était l’ambiance ?
Ce fut très émouvant. Les gens se rappelaient tous du padre Jorge avec beaucoup de tendresse : ils parlaient de sa manière de se comporter, de tout ce qu’il avait fait pour eux, de son engagement vis-à-vis des gens avec beaucoup d’émotion. Certains ont joué dans le film. Ce fut une expérience inoubliable.
Quel est selon vous le message essentiel du film de Beda Docampo ?
Ma scène préférée, c’est le moment de l’élection. Parce qu’il y a une interrogation. Est-ce que cet homme voulait, oui ou non, espérait, oui ou non, devenir pape ? Qu’est-ce qui lui est passé par la tête quand il a vu qu’il pouvait devenir pape ? C’est la question que j’aurais aimé lui poser si j’avais eu l’occasion d’une discussion plus intime avec lui. C’est un passage avec beaucoup d’émotion pour lui, et un grand mélange de sentiments.
Ce rôle a-t-il modifié votre façon de voir l’Église et son chef spirituel ?
Non. En revanche, j’ai écouté davantage ce que le pape disait. Cela a plutôt confirmé un certain nombre d’opinions que j’avais du mal à écrire noir sur blanc.
Porter à l’écran la vie d’un homme aussi influent était-ce sans risque pour votre carrière ?
Non, je suis conscient des risques. Mais, bon, tout acteur qui se respecte a en soi un grain d’orgueil qui lui fait penser qu’il est capable de jouer n’importe quel rôle.
Quels sont vos prochains projets ?
Je commence en ce moment un film argentin et un deuxième est en cours également.
Une bonne raison d’aller voir le biopic de Beda Docampo, selon vous ?
C’est un film qui va plaire à tous ceux que ce pape intrigue…