Quand on y réfléchit, aimer toute la vie la même personne peut sembler une vraie folie ! Vivre ensemble au quotidien passe nécessairement par des crises. Interrogeons-nous : quelle est mon attitude face au conflit ?
PAR AGNÈS REYNAUD – PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE MEYER
Agnès Reynaud est chef de projet Amour & Vérité. Pour en savoir plus : https://www.emmanuel.info/nos-missions/amour-et-verite/
Et si les désaccords étaient signes de bonnes santé, de liberté d’expression, d’occasion d’aller plus profondément dans le dialogue ? De nombreux couples témoignent que vivre des crises surmontées par le pardon fut pour eux l’un des secrets de longévité de leur amour.
D’OÙ VIENNENTLES CONFLITS ?
En préambule, rappelons que le conflit n’a pas de signification morale, il est neutre. Il révèle une difficulté dans notre relation. Où en sommes-nous dans la manière dont nous le gérons ? Laissons-nous libre cours à notre agressivité, notre méchanceté, au repli sur soi, à la violence qui blesse ? Nous sommes des êtres imparfaits, limités et blessés dans notre capacité à aimer. Il nous faut apprendre à reconnaître que l’orgueil, l’égoïsme, la colère, la jalousie et la paresse qui nous habitent sont des obstacles pour aimer. « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » dit justement saint Paul (Rm 7, 19).
Les conflits prennent leur source dans :
1. Des conflits larvés que l’on n’a pas cherché à résoudre et qui dégénèrent en dispute. On s’enferme dans un silence douloureux, on s’abîme dans la colère en pensant que le temps fera son œuvre. La rancœur s’installe, le cœur s’endurcit. Par exemple, des indélicatesses au quotidien, la répétition de mots durs, les manques d’attention à l’autre fragilisent le lien. Toutes ces petites choses du quotidien sont d’autant plus destructrices qu’elles semblent insignifiantes : ne plus se dire bonjour le matin ou le soir, ne plus proposer de rendre un service pour la vie domestique, etc.
2. Des éléments déclencheurs comme le chômage, un décès, la maladie, un déménagement, la naissance d’un enfant, une passion dévorante, une addiction qui s’installe…
3. Notre passé qui remonte à la surface, du temps de notre enfance ou de notre adolescence : une blessure d’abandon, de rejet, d’injustice ou liée à la sexualité, ou encore une expérience amoureuse douloureuse. La proximité et l’intimité mettent en relief des zones de souffrance qui peuvent se manifester au travers de la vie de couple. Le conjoint blessé peut reporter ce manque sur son conjoint, jusqu’à le rendre responsable de ses propres blessures. Il appartient au conjoint blessé de travailler sur ce point douloureux en se faisant accompagner par un thérapeute si nécessaire.
QU’EST-CE QUE LE PARDON ?
C’est un acte – et non un sentiment – qui repose sur une décision. C’est une démarche d’humilité et de vérité. C’est reconnaitre objectivement le mal que l’on a fait à l’autre ou le bien que l’on aurait pu faire et le lui exprimer. C’est dépasser son orgueil, se rendre vulnérable. Bref, c’est un acte d’amour. On peut aussi bien définir le pardon par ce qu’il n’est pas. Pardonner, ce n’est pas :
1. Oublier : « Je n’oublierai jamais alors je ne peux pas pardonner ». Non, nous pardonnerons tout en gardant la mémoire de l’événement, mais nous serons pacifiés.
2 . Excuser : l’excuse ne va pas aussi loin que le pardon et ne porte donc pas les mêmes fruits (elle est néanmoins valable pour de petites offenses).
3. Effacer : ce n’est pas faire disparaître les traces de l’offense, c’est ne plus souffrir et se sentir suffisamment apaisé pour s’en libérer.
4. Nier l’offense : « Ne t’inquiète pas, ce n’est rien ». Il arrive que l’on enfouisse à tort certaines blessures qui finiront par rejaillir un jour ou l’autre.
5. De la faiblesse, mais au contraire un acte de force spirituelle : notre orgueil se rebelle souvent devant le pardon.
6. Donnant-donnant : « Je lui pardonnerai s’il me demande pardon d’abord ou s’il reconnaît au moins sa faute ». Le pardon est gratuit. Il faut apprendre à pardonner sans attendre de retour. Nous sommes appelés à remettre totalement la dette.
LE PARDON S’APPREND
Le pardon s’apprend en le pratiquant d’abord pour des choses anodines qui paveront la voie aux grands pardons que nous pouvons être amenés à accorder tout au long de notre vie. Le pardon restaure la communion, permet d’aller au-delà du don (c’est l’étymologie du mot : pardon).Le pardon restaure l’Alliance scellée entre les conjoints. Il rétablit la confiance. Par lui, l’amour va grandir, se fortifier et devenir plus profond et plus vrai. Le pardon est gratuit, inconditionnel. C’est un chemin plus ou moins long, propre à chacun, avec des étapes nécessaires pour entrer dans un pardon authentique et sincère. Il est comme une recréation qui demande notre bonne volonté et notre décision. On peut trouver la force de pardonner en Dieu, qui lui-même nous pardonne de toutes nos offenses et nous apprend à pardonner. Soyons conscients que, par ces multiples pardons reçus et donnés au sein de notre couple comme en dehors, nous bâtissons la civilisation de l’amour.
7 ÉTAPES QUI MÈNENT AU PARDON
1 . Trouver le bon moment
Ni à chaud, ni trop tard et mettre un terme à l’offense.
2 . Identifier le mal
Reconnaître que nous avons blessé l’autre en disant ou en faisant tel acte… ou que nous avons été blessé ! C’est une démarche objective.
3 . Prendre conscience
Prendre conscience du mal et de ses conséquences dans notre vie aujourd’hui, ne pas entrer dans le déni. Accueillir les sentiments de l’autre sans juger ni argumenter.
4 . Accepter
Accepter les sentiments qui nous animent encore : colère, révolte, culpabilité, tristesse ou abandon… et les regarder en face. C’est une démarche de vérité.
5 . Lâcher
Lâcher et renoncer une fois pour toutes à nos désirs légitimes de justification, de réparation, voire de vengeance. Renoncer à cette rancune que nous entretenons ou à une sournoise complaisance dans l’état de victime.
6 . Formuler
Formuler explicitement la demande de pardon : « Je te demande pardon ». De même l’autre répond : « Je te pardonne » ou bien : « J’accueille ta demande de pardon, mais je ne suis pas encore capable de te pardonner ». En effet, la parole nous engage (si vous êtes marié, rappelez-vous le jour de votre mariage). C’est le seul moyen d’être sûrs qu’on s’est bien pardonnés, car la parole réalise ce qu’elle signifie, même si le sentiment d’avoir pardonné peut ne venir qu’après. Ces paroles ne seront suivies ni d’explications, ni de morale, ni de quoi que ce soit qui pourrait minimiser ce qui vient de se vivre. Demander pardon non pas parce qu’on a tort ou raison mais parce qu’on a blessé l’autre.
7 . Fêter
Célébrer cette démarche par un geste de tendresse, un apéro ou une sortie !
ALLER PLUS LOIN
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