« Les cathos, c’est polo et chaussures bateau ! Je suis croyant mais un peu différent ! » Franjo, l’humoriste qui s’est fait remarquer durant le COVID avec ses vidéos qui tournaient sur les réseaux sociaux, nous partage sa foi, avec joie.
INTERVIEW RÉALISÉE PAR ANNE-CLAIRE DÉSAUTARD-FILLIOL
Qui est François-Joseph enfant ?
J’étais quelqu’un d’assez introverti. J’avais beaucoup d’admiration pour mon grand frère et ma grande sœur. Je suis le troisième de quatre enfants. Nous étions une famille nombreuse. C’est le quota d’une famille catho (rire) ! Le Renault Scénic ou rien ! J’étais assez réservé mais quand je me lâchais, j’étais bizarrement difficile à gérer à l’école. J’ai détesté l’école toute ma vie. J’ai commencé à l’aimer quand je l’ai quittée. Je ne me sentais pas en phase avec les autres, je n’avais pas beaucoup d’amis, sûrement aussi parce que j’étais catholique dans une école publique. Je ne portais pas forcément les mêmes valeurs et je subissais du harcèlement scolaire. Avec le métier que je fais aujourd’hui, j’ai moins peur des autres. La scène est un métier à part. C’est un moyen de s’accomplir et de s’exprimer.
Quand as-tu compris que ton métier serait de faire rire les gens ?
J’ai compris que je voulais faire rire vers 13 – 14 ans. J’ai commencé à en faire mon métier vers 25 ans ! Ça fait huit ans que je fais ça et je commence seulement à me dire que je fais un spectacle. C’est très long d’écrire. L’impro aussi, ça s’apprend. Je sais qu’il y a toujours des choses à travailler. Et si le résultat n’est pas celui attendu, je prends la responsabilité de l’échec. Pour préparer un spectacle, j’ai besoin de me parler à moi-même et de trouver des blagues tout seul. Je suis le premier à rire de la blague ! Je teste le soir et des fois, ça ne marche plus ! Pendant le COVID, je faisais la prise de son tout seul, je filmais et jouais les personnages tout seul, c’était galère mais j’en garde un super souvenir. J’ai dû faire 100 millions de vues sur cette période !
Finalement la période COVID a été intéressante pour ta carrière, non ?
Un peu avant le Covid, j’avais décidé de commencer des petites vidéos humoristiques sur des thèmes plus sérieux. Le COVID, c’était trop pour moi, il y avait tellement de choses à dire. Je n’avais pas besoin de me positionner, j’avais juste à mettre en scène la réalité et je montrais que c’était absurde. On n’avait pas le droit d’aller en forêt sauf pour aller à la chasse, donc il y avait juste à prendre une arme et aller dans la forêt (rires). Quand est arrivée la période des vaccins, on s’est bien marrés aussi ! Quand il y a un débat de société, je joue plusieurs personnages, ce qui me permet d’aborder pas mal de choses en restant neutre.
Ta maman t’a souvent dit cette phrase de la Bible : « Et que sert-il à un homme de gagner tout le monde entier, s’il perd son âme? » Marc 8 :36. En quoi elle s’adresse à toi ?
Oui, ma mère n’arrêtait pas de me dire : « A quoi ça sert de gagner le monde si t’en viens à perdre ton âme ? » J’ai toujours travaillé énormément, quel que soit le boulot dans lequel je m’investissais et à chaque fois elle m’envoyait ça pour que je garde le cap. Ce qui est drôle, c’est qu’un jour, je suis dans un hôtel au Brésil, pendant le Covid. Après le passage de la femme de ménage, je reviens dans la chambre, et sur la table, il y avait un petit papier avec la phrase de la Bible que me disait toujours ma maman ! Je n’en revenais pas, je ne sais même pas comment c’était possible qu’il ait été dans ma valise ! J’ai pris ça comme un signe ! C’est vrai que dans la vie, c’est important mais difficile de rester dans l’équilibre. Être équilibré, c’est ne pas trop forcer sur telle ou telle chose. Dans tous les domaines, c’est compliqué d’être raisonné, de ne pas trop s’investir. J’ai tendance à en faire trop, c’est un peu mon problème. Je suis parfois dans la démesure.
Comment fais-tu dans ce cas ?
L’idéal, c’est d’essayer de prendre du recul, de s’écouter. Pour le travail par exemple, j’ai envie d’en faire toujours trop et j’ai la sensation d’avoir un stress derrière moi qui me dit encore, encore. En fait non, il y a un planning et c’est tout.
Comment vis-tu ta foi aujourd’hui ?
J’ai gardé une certaine foi. Je vais encore à la messe avec ma famille quand je leur rends visite mais c’est quelque chose que je n’ai pas réussi à tenir. Je suis allé à la messe jusqu’à la ceinture noire ! J’ai reçu tous les sacrements jusqu’à la confirmation. Je suis un catholique pratiquement ! Tu peux le mettre en titre, ce ne serait pas mal (rires).
Tu dis que tu as gardé une certaine foi. C’est quoi la foi ?
En fait, ceux qui ne croient pas sont déjà dans une croyance ! Moi, j’ai décidé de croire. Je suis un peu comme le philosophe Pascal, qui dit que c’est dommage de ne pas croire surtout s’il y a quelqu’un derrière qui t’attend à la fin. Croire que tout ce qu’on vit n’est pas le fait du hasard, ça donne du sens aussi. C’est vrai que j’ai parfois des questionnements sur Dieu. Pourquoi la souffrance, pourquoi lui est Brad Pitt et l’autre est manchot ?
Tu as 33 ans. L’âge du Christ à la fin de sa vie, un bon moment pour faire l’interview dans l’1visible !
(Rires) Oui ! là, je n’ai pas peur de mourir, pas comme à mes 27 ans !
Pourquoi 27 ans ?
Tu ne connais pas « Le club des 27 » ? Il y a plein de personnalités qui sont mortes à 27 ans alors qu’elles étaient très talentueuses ! (il regarde sur son téléphone). Il y a Amy Winehouse, Janis Joplin, Jimy Hendriks, Jim Morrison, Kurt Cobain… Je me suis dit : si je suis un génie comme eux, je vais mourir à 27 ans. J’ai 33 ans, je suis en pleine santé. Donc je ne suis pas un génie ! (rire)
As-tu une grande joie que tu pourrais attribuer au Seigneur ?
Quand j’avais 21 ans, je suis allé à Paray-le-Monial pour m’aider à discerner ce que j’allais faire de ma vie. C’était pendant une session des jeunes. Quand j’étais là-bas, devant la grande tente, j’ai reçu un appel pour me dire qu’ils avaient finalement une place pour moi dans l’IUT de Fontainebleau où j’avais postulé alors qu’il n’y avait plus de place ! J’ai vécu ça comme un signe. Et après ça, j’ai vécu les deux plus belles années de ma vie, surtout sur le plan social. Moi qui avait du mal à me faire des amis auparavant, j’ai rencontré ceux avec qui je partage encore de bons moments aujourd’hui. Durant l’IUT, j’ai également réalisé un stage en théâtre qui m’a remis sur cette voie que j’avais abandonnée.
Et une grande peine que tu aimerais offrir au Seigneur ?
Je ne l’ai pas encore vécue. J’offrirai la séparation avec mes parents car je pense qu’il n’y a pas pire. Je l’appréhende, mais du coup je profite plus de mes parents. Je n’ai pas vécu de grande peine dans ma vie, je suis un chanceux.
C’est quoi le bonheur pour toi ?
C’est un peu technique comme question (rire). Je crois que ce que j’aime, c’est rendre les gens heureux. On n’est jamais aussi heureux que quand on voit les gens dans la joie grâce à soi. Quand je fais un spectacle et que les gens rient, c’est un accomplissement car ils passent un bon moment. Ça fait beaucoup de temps que je travaille là-dessus donc c’est beau de voir que ça paie.
Quelles valeurs catholiques font encore partie de ta vie ?
Le pardon. D’un point de vue extérieur, on a l’impression que le pardon est difficile, que c’est quelque chose de lâche, que ça ne t’apporte pas grand-chose, alors que pardonner, ça t’apporte une libération. Cette notion du pardon vient de mon éducation. Quand j’ai réfléchi dessus de manière plus mature, j’ai compris en quoi c’était intelligent. C’est un moyen d’enterrer le mal qui est fait. La rancœur donne beaucoup d’importance à la personne qui te fait du mal. Ça t’aliène. C’est être dans le passé au lieu d’être dans le présent et le futur. Pour moi, c’est un manque d’intelligence. Il est certain que des fois, c’est compliqué. Une trahison, c’est dur. Je pense que quand tu arrives à pardonner, tu peux passer à autre chose. Dans ma vie, j’ai le pardon et j’aime aussi la valeur de la générosité. Être dans le partage, aimer son prochain, c’est des valeurs qui m’ont été transmises depuis le début. J’aimerais un jour fonder une famille et transmettre ça à mes enfants.