En 1981, Patrick Giros, prêtre du diocèse de Paris, crée Aux captifs, la libération, association qui va au-devant des personnes sans abri et des personnes prostituées dans la rue. Fidèlement, les membres de l’association suivent en binôme chaque semaine le même trajet au même créneau horaire : la relation se noue petit à petit et l’apprivoisement mutuel grandit pas à pas…
TEXTE ALEXANDRA CHAPELEAU – PHOTOS AUX CAPTIFS, LA LIBÉRATION – STEPHAN GLADIEU / FIGAROPHOTO
Pendant l’épidémie de Covid-19, Amel, travailleuse sociale, à la rencontre d’un homme sans abri soudanais en grande détresse. Comme en temps ordinaire, les bénévoles de l’association Aux captifs, la libération tiennent
fidèlement leur présence auprès des personnes de la rue. C’est là le terreau d’une relation durable, d’une fraternité au-delà de la condition de chacun.
La nuit, au bois de Boulogne, les Captifs tournent en camionnette par équipe de trois ou quatre. La camionnette est comme un accueil mobile avec du café et quelques gâteaux. Elle est surtout pour beaucoup une lumière et un répit au milieu d’une nuit de prostitution, qui rime souvent avec violence et traite des êtres humains.
À l’issue de la prière-rue, tous – ceux qui ont participé à la prière et ceux qui sont resté dehors en attendant le repas ! – se retrouvent pour un repas partagé. Le repas a été préparé dans l’après-midi par quelques-uns. C’est ainsi que se nourrit la fraternité entre tous dans la paroisse.
Chaque mois, dans chaque antenne, la prière-rue est un temps de prière fraternelle qui mélange paroissiens habituels et paroissiens de la rue autour du curé ou d’un vicaire de la paroisse ! Au programme : louange, intercession, méditation de la Parole et intentions de prière, préparées par les personnes accueillies de l’association.
Après la rencontre gratuite dans la rue, il faut attendre quelques semaines, voire quelques mois avant que les personnes fassent le pas de venir dans les lieux d’accueil. Il y est possible de recevoir un courrier, d’avoir un accompagnement social, mais c’est d’abord un lieu d’accueil inconditionnel où la rencontre se fait autour d’un café, d’une partie de scrabble, de dominos ou de cartes.
LUTTER CONTRE LA SOLITUDE
Les binômes vont vers les personnes de la rue les mains nues, c’est à dire sans rien à donner, sinon du temps, sinon de soi-même aussi. « Notre époque souffre de solitude. Nous, personnes transsexuelles et prostituées, nous sommes au sommet de cette solitude. Et vous, en dehors des clients et de la communauté trans, vous êtes les seuls à venir nous voir », Johanna a perçu quelque chose de ce qu’ils veulent transmettre, sans mots mais en actes, de la tendresse de Dieu, de sa fidélité, de sa miséricorde inconditionnelle.
AIDER À SE RELEVER
Chacune des antennes de l’association est aussi un lieu de soutien pour un accompagnement social (demande d’hébergement, accès aux droits). Mais il y a plus ! Aux captifs, la libération propose régulièrement des séjours dits « de rupture » aux personnes de la rue. À la campagne, à la mer, en montagne, chez un bénévole, dans un monastère… Ils sont consacrés au sport, à la culture, au repos ou à la vie spirituelle. L’occasion d’une prise de distance avec l’univers de la rue ou de la prostitution. Bien souvent ils sont le déclencheur d’une mise en mouvement, à l’instar de Philippe qui confiait à l’issue d’un séjour : « Peut-être qu’il faut que je boive moins ». Trois ans après, il avait arrêté l’alcool.
LE CHRIST EST LA RÉPONSE
Patrick Giros considérait que la plus grande injustice dont étaient victimes les pauvres était l’inattention à leurs besoins spirituels : pourquoi la souffrance ? Pourquoi suis-je exclu ? Y a-t-il une vie après la mort ? Pourquoi vivre ? Prêtre, chrétien, baptisé, il était convaincu que le Christ était la réponse qu’il avait à donner ; il a donc invité ceux qui le voulaient à une prière-rue mensuelle, dans l’église, avec les paroissiens, pour louer et implorer Dieu ensemble. Quand Bobo, malade psy, à la rue, participe à cette prière, esquisse un signe de croix orthodoxe, et bredouille dans sa langue natale, l’amharique, une prière devant l’autel, il témoigne de la justesse de l’intuition du père Patrick : tout homme, quel qu’il soit, doit avoir accès à une vie spirituelle.
À Paris, Bordeaux, Lyon, Nîmes, les équipes de l’association poursuivent chaque semaine cette présence auprès des personnes de la rue, les accueillent de façon inconditionnelle dans les paroisses et les accompagnent dans des chemins de reconstruction humaine, sociale, spirituelle. Ils sont ainsi 340 bénévoles et 65 salariés, soutenus par un réseau de 170 priants, à œuvrer avec charité et compétences pour ceux qui sont les plus exclus.
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