Comme les émotions ou les symptômes corporels, les rêves en disent long sur nous. Ces films nocturnes accompagnent notre chemin psychique. Derrière leur langage déroutant, les rêves sont des autoroutes de croissance.
PAR MAGUY MÉCHINAUD – PROPOS RECUEILLIS PAR MAGALI MICHEL
J’ai commencé à noter mes rêves à l’adolescence, sans savoir qu’en faire. Au moins, en les écrivant, je mettais à distance les émotions fortes qu’ils charriaient. Jusqu’à l’âge de 28 ans, j’ai fait beaucoup de cauchemars. J’ignorais encore que tous les rêves sont positifs et que ce matériau psychique est un formidable booster. Les rêves nous travaillent dans le sens de la vie.
En effet le rêve n’est que du matériau émotionnel. Et les émotions sont de la vie. Le rêve m’invite à m’enraciner davantage, à me mettre à l’écoute de mes émotions. Nous rêvons en moyenne deux heures par nuit.
Une personne de 60 ans a passé cinq ans de sa vie à rêver… Que faisons-nous de ce matériau précieux ?
RENOUER AVEC LES SONGES
Depuis la nuit des temps, les rêves veillent sur l’humanité. On les retrouve au fondement des religions car ils étaient pour les Anciens la preuve de l’existence de l’âme et de son immortalité. Comment avons-nous pu perdre ce filon précieux, cette clef de décryptage de nos émotions ? Après Freud, qui a mis en lumière l’inconscient personnel, Carl Jung s’est plongé dans les rêves en tant que manifestation de cet inconscient, leur rendant toute leur noblesse. Je partage l’idée que les rêves sont comme des paraboles qui nous parlent du plus intime de nous-mêmes. Ils nous poussent à prendre au sérieux notre vie émotionnelle. Un rêve est toujours une bonne nouvelle. Il m’engage à « être », une disposition dédaignée par notre culture occidentale si cérébrale.
LE MIROIR DE L’ÂME
Nous avons tous intérêt à exploiter ce gisement émotionnel. Le rêve est un outil extraordinaire et fulgurant de connaissance de soi, car il exprime nos émotions profondes, ce qui provoque en nous de la joie, de la peine, de la colère, sans que nous en ayons toujours pris conscience. Par ce moyen en apparence anodin, l’inconscient nous ramène sous le nez ce que nous n’avons pas encore intégré. Prendre au sérieux son contenu peut nous aider à prendre notre température intérieure et à tenir une conduite équilibrée de sa propre existence. Tout l’enjeu est de récupérer consciemment les émotions sous-jacentes transfor- mées par l’inconscient en symboles déroutants. L’inconscient s’intéresse en effet particulièrement à notre vie des profondeurs, à nos talents, nos désirs enfouis. Il nous aiguillonne. Tant qu’on fait la sourde oreille, un rêve peut venir de manière récurrente jusqu’à ce que l’avertissement soit pris en considé- ration. Le cauchemar, rêve poussé à son paroxysme, nous réveille ! Comme une sonnette d’alarme, il nous secoue pour que nous changions quelque chose dans notre vie. En produisant des images choc, l’inconscient exagère, il dramatise pour attirer l’attention sur une urgence psychologique. Je compare le rêve, et à plus forte raison le cauchemar, à la soupape d’une cocotte-minute. Ils nous évitent d’imploser. Ils nous remuent et nous éclairent.
Comme thérapeute, je suis témoin depuis quarante ans de la puissance bienfaisante des rêves. Cueillir au réveil, cette manne tombée de notre ciel intérieur est une vraie bénédiction, qu’elle qu’en soit la couleur émotionnelle : fierté, colère, joie, tristesse ou peur. Je suis personnellement toujours impatiente de déballer ce cadeau, d’ouvrir ce courrier du cœur. Mon expérience m’a amenée à considérer le rêve comme un fidèle compagnon quotidien. Il me fournit ce dont j’ai besoin pour avancer. Oui, le rêve prend soin du trésor que nous sommes, tel un bon père au cœur de mère. Dans les sessions que je propose, j’apprends à tous à écouter cet ami, fidèle miroir de l’âme.
Cet apprentissage à la verticale de soi requiert des attitudes fondamentales : ouverture, accueil, présence, écoute, patience, goût de la vérité sur soi, humilité et acceptation du réel qui surgit. Le rêve m’invite à discerner mes désirs profonds. Et plus je suis conscient de ces désirs, plus j’ai de chance d’avan- cer dans ma vie. En effet « le rêve nous dit notre propre vérité pour que nous agissions avec plus de justesse », écrit le moine allemand Anselm Grün dans Rêve et vie spirituelle. Le rêve est une autoroute de croissance.
5 CLÉS POUR CUEILLIR SES RÊVES
1 Prendre du recul
Un rêve ne doit jamais être pris au pied de la lettre. Le rêve est un langage symbolique qu’il faut décoder. L’inconscient projette une lumière pour éclairer ce qui manque à mon conscient.
2 Prendre le temps au réveil
Cueillir la manne volatile du rêve à la sortie du sommeil nécessite une écoute fine. Plutôt que de cogiter sur la journée à venir, je reste quelques instants immobile, je revisite la nuit écoulée, j’écoute la sensation présente et laisse défiler le film pour en fixer les images.
3 Écrire son rêve
Dès le réveil, j’écris au présent le rêve tant que les images qui sont autant d’émotions sont encore chaudes et bien vivantes. Je note en rouge la sensation globale associée. Il s’agit d’épingler l’état émotionnel dans lequel me met le scénario qui scanne mon état intérieur du moment. Suis-je dans la peur, la fierté, la paix, la colère, la culpabilité, la joie, l’angoisse ? Enfin, je souligne en rouge l’image qui a le plus d’impact. C’est le pic émotionnel et l’enjeu du rêve.
4 Décrypter ses émotions
Je sépare ensuite les symboles du rêve pour traduire en langage conscient et émotionnel le film émergé des profondeurs pendant que le mental était endormi. Je contacte à l’intérieur de moi les émotions cachées sous les symboles du rêve. Qu’est-ce que je ressens ? Tout le travail est d’entrer en contact avec les émotions tapies derrière les images projetées.
5 Apprivoiser sa vie émotionnelle
Petit à petit, je m’éduque à copier mes rêves et à prendre au sérieux ma vie émotionnelle. L’écoute du rêve et de tous les langages du corps m’aide à apprivoiser mes blessures et à grandir dans la connaissance de soi. Cette plus grande unité intérieure me livre mes désirs profonds et me permet d’être plus disponible au plan de Dieu pour moi, source de toute joie.
TÉMOIGNAGE
« J’AI PRIS CONSCIENCE QUE JE DEVAIS ÊTRE FIDÈLE À MOI-MÊME »
Vianney a 23 ans. Au cours d’une session « Se délier des entraves du passé », il s’est penché sur son rêve de la nuit précédente.
« J’avais rêvé d’un jean en anti-promotion : le prix initial de 49 euros était barré et affichait 129 euros. En quoi ce rêve pouvait-il éclairer ma journée ? J’ai accepté, au troisième jour de la session, d’écouter ce qu’il avait à me dire. Bien installé, en contact avec tous mes points d’appui, j’ai ressenti image par image ce qui se cachait derrière cette étiquette symbolique. Je suis épaté par la clarté et la puis- sance du message qu’il contenait : “Aller contre ma nature me coûte cher !” J’ai pris conscience de l’énergie que je dépensais à me façonner une façade, soucieux du regard des autres, animé du désir de plaire en permanence, sans me préoccuper de ce que vivait mon cœur, du décalage et du travail à faire pour être fidèle à qui je suis. »
Maguy Méchinaud
est diplômée d’une maîtrise en théologie incluant un parcours en anthropologie spirituelle. Elle est également formée en relations humaines et en dynamiques psychocorporelles.
POUR ALLER PLUS LOIN
Se délier des entraves du passé pour libérer le Souffle
Maguy Méchinaud Médiaspaul, 2019, 276 pages, 22 €.