Mucoviscidose. À 34 ans, Jeanne Barbey a décidé de voir cette maladie comme une chance : celle d’écrire de la musique et de découvrir aussi la mélodie secrète de sa vie.
Propos recueillis par Laurence Meurville
Ma sœur et moi, nous avons grandi avec les traitements au quotidien. Nos parents ne nous manifestant jamais leur inquiétude face à notre maladie, nous avons vécu notre enfance plutôt sereinement malgré les hospitalisations et autres désagréments liés à la mucoviscidose. Ce n’était pas toujours facile et même parfois très douloureux mais, grâce à ce climat de confiance et d’amour, nous n’avons jamais considéré notre maladie comme une catastrophe absolue.
Les choses se sont compliquées pour moi quand, étudiante en histoire, j’ai compris que jamais je ne pourrais mener une vie normale. Alors que je voulais suivre les cours à l’université comme les autres, la maladie se rappelait sans cesse à moi. De plus en plus fatiguée, je faisais rechute sur rechute. Bientôt, il me fut même impossible de sortir de la maison.
Une alternative se présentait : soit je considérais que ma vie était finie. Soit je l’acceptais telle qu’elle était et je décidais de chercher comment la vivre à fond.
Un projet fou
J’ai choisi de porter sur ma vie un regard positif. J’étais dans les mains de Dieu. Il avait donc un projet pour moi. J’ai arrêté mes études d’histoire. Et j’ai commencé à me fixer des buts qui me donnent envie de me lever chaque matin. Je me suis par ailleurs interrogée sur ce que je savais faire. À l’époque, je dirigeais une petite chorale. C’était mon oxygène de la semaine. J’ai commencé à écrire des harmonisations de cantiques que je faisais interpréter aux choristes sans leur dire que je les avais écrites. Ils appréciaient cette musique. Dans le même temps, mes parents me parlaient souvent de chanoines qui venaient de racheter une grande abbaye à restaurer. Ils avaient besoin de fonds importants. J’ai décidé de m’associer à ce projet fou par un autre projet, tout aussi fou : écrire un Te Deum, enregistrer un CD et donner des concerts à leur profit. Tout cela, sans jamais avoir pris de cours d’écriture musicale ! J’ai commencé à travailler et la musique est venue peu à peu : je voyais dans ma tête les choristes chanter une mélodie puis je la transcrivais par écrit.
En 2006, le succès de ce Te Deum m’a dépassée. Il m’a encouragée à persévérer dans cette voie tout en me formant. Et un bonheur n’arrivant jamais seul, la même année, je me suis mariée !
Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir un métier – la création de musique sacrée – qui me rapproche de la vie céleste : quel privilège et quel bonheur ! Jamais, dans mes rêves les plus beaux, je n’aurais pu imaginer pouvoir accomplir de telles choses.
« Dieu m’a punie »
Quand on est atteint d’une maladie grave et incurable, la tentation est de penser : « Dieu m’a punie. Ma vie est fichue. » Mais si on arrive à dépasser cette tentation, la maladie peut devenir l’occasion de découvrir en soi des talents insoupçonnés. Et même si on croit que c’est impossible, on peut toujours rebondir. Car « impossible n’est pas Dieu ! » Même si je sais que cela peut surprendre, j’affirme que cette maladie est une chance pour moi. Elle m’a permis de m’orienter vers la création de musique sacrée.
J’ai la chance, aussi, de croire en Dieu : du fait de ma maladie, je pense à la mort, mais je n’en ai pas peur. Tout le monde meurt un jour et, je le crois, chacun au moment le meilleur pour lui. J’ai perdu ma sœur il y a deux ans. Elle avait 27 ans. Mais sa vie était accomplie. C’est un mystère.
Au quotidien, les soins sont très prenants. En même temps, je peux me poser pour réfléchir et pour prier. C’est aussi un grand privilège dans le monde d’aujourd’hui. Enfin, être malade me permet de remettre les choses dans leur vraie perspective et de me demander souvent :
« À l’aune de l’éternité, qu’est-ce qui compte vraiment ? » Le bonheur, au fond, c’est d’accepter sa vie telle qu’elle est, en cherchant à la rendre la plus belle possible, avec Dieu !