« Pourquoi l’Église n’a-t-elle pas réparti le carême sur toute l’année en quatre périodes de dix jours ? » demande un jour une personne au pape Benoît XV (souverain pontife de 1914 à 1922). « L’Église aurait pu le faire, répond le Saint-Père, mais elle a pensé que ce n’était pas prudent : les hommes auraient fait quatre fois mardi gras sans jeûner une seule fois ! » Eh oui, du mercredi des Cendres au Vendredi saint, le carême commence par un jeûne et finit par un jeûne, c’est ainsi. Et ce n’est pas pour rien…
PAR A.M.
1 À L’EXEMPLE DE JÉSUS
Selon l’évangile de Luc, après son baptême sur les bords du Jourdain (chapitre 3), Jésus, « rempli d’Esprit Saint », fut conduit au désert où il vécut pendant quarante jours.
« Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim. » S’ensuit alors une scène immortalisée par la peinture (et le cinéma !) : la tentation du Christ (Lc, 4). Un dialogue se noue entre le diable et le messie dont cette réplique est passée dans la mémoire populaire : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. – L’homme ne vit pas seulement de pain. » Pas seulement de pain, « mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu », ajoute l’évangéliste Marc (4, 4).
Le désert de Judée où Jésus se serait retiré n’offre pas de copieuses ressources : des fruits de caroubier, des racines, un peu d’eau de source, les sauterelles et le miel sauvage dont saint Jean Baptiste se nourrissait. L’Église ne prescrit pas de suivre cet exemple à la lettre, mais nous invite à vivre moins confortablement que d’habitude, à bondir par-dessus les obstacles qui nous séparent de Dieu.
2 UN APPEL À LA CONVERSION
Depuis 1949, l’Église catholique ne prescrit le jeûne que le mercredi des Cendres et le Vendredi saint, car ces deux jours font mémoire de notre mort à venir.
Pendant la messe du mercredi des Cendres, le prêtre trace une croix sur le front des fidèles avec la cendre des rameaux de l’année passée, en prononçant ces mots : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. » Le Vendredi saint, c’est l’anniversaire de la mort de Jésus sur la croix.
C’est important, mais pas l’essentiel. « Changez vos cœurs, croyez à la bonne nouvelle. Changez de vie, croyez que Dieu vous aime », dit le chant entonné traditionnellement le mercredi des Cendres. Pendant les quarante jours du Carême, les catholiques préparent en effet leur cœur à la fête de la résurrection du Christ, le jour de Pâques, la plus grande fête du calendrier chrétien. Ils sont invités à changer de vie, à se « convertir », au sens littéral du terme, c’est-à-dire à « se tourner vers » Dieu et vers autrui, en pratiquant la prière, le partage et le jeûne.
3 DE BONNES RÉSOLUTIONS
Charité bien ordonnée commence par soi-même : les meilleures « résolutions de Carême » viseront toujours ce qui nous sépare de Jésus et de Dieu son Père et qui nuit à notre bonheur. À chacun de discerner ses défauts (manque de patience, gourmandise), ses dépendances (alcool, tabac, réseaux sociaux), ses excès (orgueil, colère), etc.
Ne nous réfugions pas derrière des efforts de carême dictés par notre caractère ou notre éducation, mais demandons à Dieu de mettre en lumière ce qui nous éloigne de lui.
4 RAYONNER DE JOIE
Loin de nous complaire dans les malheurs du temps, de trouver des occasions de nous plaindre, apprenons à trouver dans les choses les plus simples des occasions de sourire et de rayonner de la joie divine autour de nous.
Prenons du temps pour Dieu, à la faveur du couvre-feu par exemple.
Ces derniers mois, nous avons trouvé tant de bonnes raisons de ne plus mettre les pieds à l’église : trop de monde, horaires trop compliqués… Pourquoi ne pas sacraliser notre domicile en y mettant en valeur un « coin prière » ? Il est bien devenu notre bureau, pourquoi pas un oratoire ?
Tournés sur nous-mêmes depuis des mois : « Ai-je de la fièvre ? Suis-je
malade ? Aurai-je un vaccin ? Mes enfants ou petits-enfants vont-ils m’infecter ? Tant de morts par jour ? Ouf, je vais bien ! » Essayons de retrouver le sens de l’empathie, un cœur tendre y compris pour ceux que la situation sanitaire rend à nos yeux insupportables ou lointains.